7 juin 2008
Carbon fiction...
Pour son 20ème anniversaire, le 20 juillet 2045, Jérémie a reçu un super cadeau de ses deux grands mères: deux tonnes EC ("équivalent carbone").
Depuis qu'elles ont déménagé et abandonné leurs vieux appartements de Villeurbanne pour habiter dans un tout nouveau logement à énergie positive, elles ne savent plus quoi faire de leurs crédits carbone et ont donc décidé de les offrir à leur petit fils pour que celui ci puissent aller passer trois mois d'été aux Etats-Unis dans le cadre d'un programme d'échanges.
Avec l'explosion du prix des carburants consécutive au quatrième choc pétrolier de 2030, les voyages intercontinentaux redevinrent un luxe inabordable, réservé à une élite comme aux débuts de l'aviation civile. Les entreprises investirent massivement dans de grands écrans et même de véritables "salons" pour la vidéo conférence qui reléguèrent les traditionnelles Webcam aux oubliettes, précipitèrent la faillite de Skype et vidèrent les classes affaires de leurs passagers.
C'est d'ailleurs à la suite de cette crise que l'Union Européenne imposa la "monaie carbone" a coté de l'Euro, ce qui entraina une transformation profonde de tous les pays européens.
Chaque citoyen, de sa naissance à sa mort, s'en voyant attribué un montant fixe pour chaque année. Mais à la différence de la monaie traditionnelle, les crédits carbone n'étaient pas accumulables: les compteurs étaient réinitialisés chaque année. En revanche, ils étaient transférables et même vendables. Tous les achats, du bien d'équipement au cosmétique en passant par les produits alimentaires entrainait un débit sur le compte carbone. Les gros consommateurs durent donc mettre la main au portefeuille pour acheter les crédits de gens plus frugaux, ce qui s'avèra vite ruineux lorsque les vendeurs potentiels s'appercurent qu'ils disposaient là d'un moyen rapide de gagner de l'argent.
Rapidement les habitudes changèrent...
En l'espace de 15 ans, des millions de pavillons construits vers la fin du 20ème siècle furent rasés et de simples villages furent transformés en des gros bourgs assez denses de plus de 20000 habitants reliés par un réseau de trains automatiques.
La physionomie des villes fut également bouleversée: des immeubles mal isolés furent rasés, des volets occultants puis des verres opacifiants furent installés partout pour éviter l'utilisation de la climatisation, des capteurs solaires furent intégrés aux toitures. De très nombreux appartements furent rénovés et l'action EDF atteint des sommets. Le boom économique associé au "grand chambardement" comme on l'appela fut inespéré dans un pays vieillissant comme la France. Il fallut importer massivement de la main d'oeuvre pour répondre à la demande.
Du coup, l'intégration d'un prélèvement carbone calculé sur la surface par habitant dans la taxe d'habitation et lors des successsions permit aux familles nombreuses de réintégrer les grands apparements des villes à l'occasion du renouvellement démographique. En quelques années, le VIème arrondissement de Lyon se peupla d'étudiants en colocation et de familles récemment immigrées avec leurs enfants au grand dam de la vieille bourgeoisie néo-sarkozienne du début du siècle. Le taux de divorce chuta en même temps que se développèrent des formes de colocation familiales regroupant une même fratrie ou bien plusieurs générations sous le même toit.
A la différence des jeunes adultes de la fin du 20ème siècle, Jérémie ne révait pas d'avoir un scooter ni même une voiture. Une carte unique lui ouvrait l'accès au réseau de transport régional: trains automatiques, lignes régionales mais aussi vélos et véhicules hybrides rechargeables disponibles dans de multiples bornes et parcs libre service. En 2045, seule une minorité de gens possédaient un véhicule.
En revanche, une culture de l'usage à la carte s'était développée anéantissant le secteur des garagistes puis bouleversant le secteur de l'assurance et de la construction automobile. Tous ces bouleversements avaient touché l'Europe entière avant de commencer à se produire aussi sur le continent américain.
Exception culturelle oblige: alors que la majorité des européens étaient devenus quasi végétariens, les français avaient conservé leur addiction à la bonne bouffe et continuaient, envers et contre tout, de dépenser une partie de leur crédits carbone en achats de produits alimentaires variés.
Fiction ? Peut être pas tant que cela. D'ailleurs la bourse Carbone existe déjà pour les industriels (40 % des émissions de CO2 de l'UE).
PS: ce post m'a été inspiré par une discussion avec BBen, commentateur assidu de ce blog, et Luc Baumstark, auteur de la note suscitée et du rapport correspondant. Du coup Sami ne pourra pas dire que mon blog est systématiquement pessimiste!
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