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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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2 juillet 2010

Singularité technologique (2/3)

Dans un papier récent intitulé "A possible declining trend for worldwide innovation" paru dans Technological Forecast and Social Change dont on trouvera aussi un compte rendu dans le New Scientist, Jonhathan Huebner évoque l'idée d'une saturation de l'innovation technologique qui aurait atteint un pic à la fin du 19ème siècle. 

C'est la même idée que le pic de Hubbert mais là ca concerne une production humaine!

Un point très intéressant dans cet article, c'est non seulement de s'être livré à l'exercice qui va contre nos préjugés collectifs (voir mon post précédent) mais aussi d'avoir bien distingué les causes possibles de cette courbe en cloche. En gros, elles sont en première analyse de deux natures:

  • Des limitations économiques: à un instant donné, les avancées accessibles sont évidemment limitées par leur faisabilité économique. L'exemple typique c'est l'exploration spatiale humaine: on saurait faire bien mieux que les Apolos mais on n'ira pas pour autant construire une base sur la Lune tout simplement parce que c'est trop cher. D'ailleurs l'administration Obama vient de réviser à la baisse les ambitions de la Nasa dans le domaine. Et la liste des cas de ce genre est longue à commencer par le Superconducting Supercollider dans les années 80, les navettes spatiale russes et européennes... Enfin, n'oublions pas toutes les pr édictions sur la construction d'une IA forte.
  • Des limitations intrinsèques telles celles liées aux lois de la Physique, le voyage supraluminique étant sans doute l'exemple le plus évident aujourd'hui. Mais il en existe bien d'autres: les limites physiques dans la technologie Silicium se rapprochent et on assiste dans ce secteur à un ralentissement de la progression performances des puces (REF). Ceci étant, il y a des limites qui finissent par être contournées assez rapidement (les limitations de l'électronique à tubes via l'invention du transistor) et d'autres qui semblent bien décidées à résister (le voyage interstellaire).

Pour arriver à sa conclusion, résumée dans le graphe ci dessous, il doit définir un indicateur du progrès technologique. Les indicateurs économiques classiques comme le PNB ni même la part de PNB dans les industries de haute technologie ne sont évidemment d'aucune utilité donc il faut trouver autre chose... En clair on n'est pas en train de discuter de saturation de l'innovation à la Osenton mais de quelque chose de plus vaste.

innovpercapitahuebner

L'indicateur qu'il utilise est le nombre de découvertes importantes par millard d'habitant et par an. Evidemment cela pose plusieurs questions évidentes. On peut arguer que la liste est arbitraire et donc potentiellement faussée par les préjugés de celui qui l'a compulsée mais à cela je répondrai que comme toujours en mattière de raisonnement scientifique, il faut bien faire confiance même si pour faire propre, il faudrait reprendre la même étude en utilisant d'autres compilations que l'ouvrage cité par Huebner (dans son article il présente aussi une analyse basée sur le nombre de brevets déposés aux USA). Les vraies questions sont plutot liées à la difficulté intrinsèque d'un tel exercice...

En effet le risque c'est évidemment de surpondérer les époques récentes et de sous pondérer les époques anciennes du fait de la surabondance de documentation sur le passé récent. En particulier, on se souviendra que la notion de brevet n'existait pas avant 1421 et ne s'est étendue qu'à partir de la fin 18ème (source)... On peut aussi avoir tendance à comptabiliser des avancées incrémentales qui suivent une découverte importante récente alors que l'on ne l'aurait pas fait sur les périodes anciennes. Ce phénomène de surcomptage est discuté par Huebner qui fait remarquer à juste titre que cela ne changerait pas ses conclusions:

"If all the innovations representing minor improvements in previously existing technologies are deleted from the list, then the rate of innovation will decline more rapidely than indicated by Fig. 1 and therefore it is conservative."

Le phénomène de surpondération des époques récentes tend également à maintenir un taux d'innovation plus élevé pour les époques récentes donc il ne change pas la conclusion principale qui est qu'on aurait déjà passé le pic.

Je pense que la critique la plus sérieuse que l'on peut faire se situe sur les échelles de temps. Huebner considère en gros les 600 dernières années. Or l'Histoire des civilisations humaines est bien plus anciennes et on sait que l'humanité a connu des périodes de "bon en avant" par le passé comme lors de la révolution néolithique qui vit avec l'invention de l'agriculture l'invention de notre monde moderne. Or on oublie un peu vite que cette révolution eut des développements ultérieurs y compris à l'époque préhistorique: si on date la transition agraire de -9000 à -7000, l'utilisation des produits dérivés de l'agriculture et de la force motrice des animaux pour le transport de marchandises se développa entre -4000 et -3000 entrainant une sorte de "révolution secondaire" qui culmina avec l'apparition des cités mésopotamiennes vers -3500. Il est évidemment très difficile de transposer à cette époque une étude comme celle de Huebner vu la faiblesse des données concernant notamment la répartition de population et la diffusion des innovations mais cela pourrait nous montrer que nous avons peut être déjà connu des courbes comme celles de Huebner.

Alors qu'en est t'il exactement ? D'un coté nous expérimentons un progrès spéctaculaire depuis près de deux siècles mais de l'autre nous savons bien que dans la Nature, les exponentielles ne vont pas jusqu'au ciel (n'est ce pas Benoit) et qu'elles commencent précisément à saturer dès qu'elles "pèsent lourd" dans leur contexte. De l'autre, l'Histoire est probablement plus riche d'enseignement que ce que nous savons des 500 dernières années et des pics d'innovation se sont peut être déjà produits par le passé.

Alors est-ce que la singularité technologique approche ou allons nous entrer dans un nouveau Moyen Age ? Je suis preneur de vos avis argumentés (-:

A suivre...

 

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Commentaires
P
Les limitations économiques ne sont pas forcément guidées par une nécessité absolue. Si on diminuait ne serait ce que de 10% les dépenses pour la pub, l'armement et les stupéfiant, on aurait de sacrées marges. <br /> <br /> Mais ce n'est pas le cas... et pour autant ce n'est pas une limitation technique. J'aurais peut être du parler de limitation politiques et économiques...
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N
Je ne comprends pas vraiment ton argument concernant les limitations economiques. Il faut plutot parler de manque de motivation generale qui se traduit par des choix politiques et des arbitarges economiques. <br /> <br /> Tu donnes l'exemple du spatial : le budget par an de l'ESA (pour l'europe) est equivalent a la reduction de TVA pour les restaurateurs en France (3.75 millards contre 3 millards). Si tu restes franco-francais, le CNES a un budget 4 fois moindre que cette reduction. Ce genre d'arbitrage est le syndrome meme du manque d'engouement des populations pour l'exploration spatial.<br /> <br /> <br /> <br /> Concernant ta derniere question, il faudra patienter un peu ;)
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P
Non parce que là on veut essayer de mesurer les avancées produites par l'humanité, qu'elles donnent rapidement ou pas lieu à des augmentations de PNB. <br /> <br /> Ainsi tu met le laser dans le paquet des 1960 alors que si tu te fie à son impact sur le PNB il apparait plutot à partir des années 85... De meme avec l'électricité: les découvertes des lois fondamentales datent du début du 19ème, le déploiement à grande échelle (et donc l'impact sur le PNB) de la fin du 19ème - début 20ème.<br /> <br /> L'intérêt d'avoir un historique des découvertes et non pas du PNB lié à l'innovation technique c'est que tu inclus des choses qui seront je pense du ressort des sciences humaines (la théorie des jeux par exemple) et aussi que cette approche permet de faire une compilation depuis 1600 alors que parler d'éconnomie de l'innovation avant la révolution industrielle semble plus délicat...<br /> <br /> Est-ce plus clair ?
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P
Pourquoi dis tu qu'un indicateur comme le PNB n'est "evidemment" pas adapte ?<br /> On pourrait au contraire soutenir que l'innovation technologiqe (et sa diffusion dans la societe) est la seule vraie source de croissance a long terme du PNB par habitant. Si il croit, c'est qe l'innovation continue.
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