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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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13 février 2011

Quelle vision pour 2012 ?

Au fil des commentaires sur mes derniers posts, s'est dégagé une question: que faut t'il mettre sur la table pour proposer une alternative au Sarkozysme ?

Mon point de vue est assez simple là dessus: le Sarkozysme est l'avatar français des révolutions néo-conservatrices basées sur l'individualisme et la recherche du toujours plus que l'on a vu contaminer nombre de pays occidentaux depuis la fin des années 70. C'est la réflexion que je me suis faite suite à l'élection d'Obama (dans ce post, j'explique aussi pourquoi c'est arrivé si tard en France). Or le drame, c'est que cette transition qui a touché tous les pays démocratiques (et même la Chine par un curieux court circuit de l'Histoire), n'est pas un accident historique mais une crise naturelle dans le développement des sociétés historiques.

Après tout, comme j'ai essayé de l'expliquer dans ce post, Tocqueville avait déjà mis en lumière les tendances qui feraient évoluer nos sociétés démocratiques vers des sociétés de marchés, où le pouvoir politique s'affaiblirait au profit d'autres pouvoirs (en particulier économiques) et où l'individualisme finirait par dissoudre les valeurs fondatrices de la démocratie. On peut ne pas aimer Attali mais lorsqu'il décrit l'hyperempire, c'est exactement cela et à mon avis nous y sommes bel et bien entrés.

Petite parenthèse culturelle: revisionnez Fight Club. Pour moi c'est le film prophétique qui annonce que nous sommes entrés dans sans nous en rentre compte dans l'hyper-empire. Quelque part, nous sommes tous comme le héro du film avant son basculement schizophrène dans la révolte et l'apparition de son double (Tyler Durden): des consommateurs se dissolvent dans les objets qu'ils achètent.

fightclub_ikea

Le film est assez pessimiste car il présente finalement une sortie de l'hyper-empire par la violence et le chaos: Fight Club c'est l'histoire d'un type qui, bien que vivant dans le confort mais ayant perdu le controle de sa vie et toute perspective, invente un double destructeur qui recréera un avenir en faisant un gros reset.

Le drame, c'est que les forces dites de progrès n'ont pas encore construit d'alternative claire à cette trajectoire historique. Et c'est là mon point: les propositions ne suffisent pas, il faut une véritable vision alternative qui redonne une perspective aux individus et à la société. 

Je suis convaincu qu'une voie de sortie consiste à articuler justice sociale et écologie dans une vision résolument opposée au "toujours plus". Le problème c'est qu'une telle vision basée sur une forme de sobriété heureuse peine à enthousiasmer les foules et comme je l'ai dit dans un précédent post, le défi c'est de trouver comment avancer dans cette direction. 

decroissance

L'émiettement du paysage politique à gauche reflète la complexité de ce défi: comment créer une dynamique autour d'une vison commune entre les décroissants "hard core" et les tenants d'une vision très productiviste de l'Histoire comme on en trouve encore au PC ou au PS? 

Je ne vois pour ainsi dire aucun des leaders de gauche de premier plan qui ait tenté de prendre ce défi à bras le corps... Et pourtant c'est clair que la solution est là: le mouvement de sympathie en direction de Bayrou lors de la dernière présidentielle en est un signal clair. Ce qui a attiré les électeurs c'est l'affirmation que face à la société de compétition et de profit, il fallait une alternative humaniste respectueuse de l'environnement et attachée aux fondements de la démocratie. Europe Ecologie aurait pu jouer ce role de catalyseur dans la mutation idéologique du camp progressiste mais la fusion avec les Verts et les problèmes d'appareil ont englué cette nouvelle possibilité.

Tullius_DetritusDu coup, Sarkozy a devant lui une configuration très favorable:

  • Celui qui a porté le message humaniste lors de la dernière élection est en position de faiblesse et n'apparait plus comme une alternative de gouvernement crédible. Mais ce qui fait jubiler Sarkozy là dedans c'est l'effet que l'affaiblissement de Bayrou à sur l'ensemble du camp progressite (voir + bas).
  • La gauche extrème se renforce avec Mélanchon qui y ajoute une dimension de rejet des élites: magnifique aspirateur à citoyens dégoutés qui ne se voient pas voter FN... Du coup, ou bien Sarkozy écrase le FN et apparait en position de force face à une gauche désunie, ou bien le FN passe devant et il jouera le sursaut républicain...
  • Les verts et le PS n'arrivent pas à sortir franchement de leurs dogmes et de leur cadre de pensée pour construire une nouvelle synthèse car précisément l'effondrement de Bayrou et l'impopularité de Sarkozy les conforte dans la certitude de leur propre force. Il n'y a guère que les Cohn-Bendit qui aient pris conscience du piège mor tel qui est en train de former...

Pour infléchir le cours des choses, les principales forces progressistes (PS - EE les Verts - Le Modem - le tissu associatif) devraient oeuvrer pour élaborer cette nouvelle vision. Je ne prétend pas avoir la solution miracle mais en y réfléchissant un peu, je pense qu'il y a deux obstacles à passer:

  • Le premier c'est que la plupart des personnes engagées en politique dans le camp progressiste n'ont pas forcément une vision claire du problème environnemental et énergétique. Même chez les écolos, on est souvent sur des postures et pas forcément sur une connaissance des faits de base. C'est hélas la conséquence directe du bas niveau de culture scientifique dans notre pays... Ca sera long à changer mais il y a au sein du pays de quoi alimenter les partis par des infos de qualité. A la condition de se donner les moyens et outils pour faire cette démarche d'autoformation. Cela prend du temps mais des initiatives comme les forums Libés vont un peu dans ce sens... 
  • Le second est d'ordre psycho-cognitif: l'Homme est très fort pour s'adapter face à un danger immédiat, beaucoup moins pour anticiper un danger à venir. Or on ne crée pas d'adhésion positive autour d'un sentiment de peur. Comme j'ai essayé de l'expliquer dans ce post, si la sobriété heureuse apparait comme une ascèse tristounette, ca ne le fera pas... En clair: entre les faux rèves des lendemains qui chantent et le catastrophisme, il faut élaborer une vraie vision pour l'avenir.

Ce qui est intéressant et positif, c'est qu'on a un exemple de quelqu'un qui a en un sens gagné une élection en proposant une voie de sortie par le haut. C'est Barrack Obama...

Je sais que nombre de gens sont déçus par son action mais si on regarde ce qu'il a proposé, ce n'est pas un discours alarmiste centré sur le message "Votez pour nous si vous ne voulez pas être ruinés par la politique de Bush" ni un discours de lendemains qui chantent promettant le retour aux Happy Days des années Kennedy. Non: il a axé son discours sur la restauration de l'unité des Etats-Unis ce qui constitue la déclinaison américaine des notion de fraternité et du vivre ensemble.

C'est ce qui ressort de son bouquin "L'audace d'espérer" et aussi c'est le coeur de son discours du soir de son élection: je vous recommande le texte en VO avec la vidéo (voir la traduction en français).

C'est cette perspective de sortie par le haut qui ne soit pas une fausse promesse de lendemains qui chantent que les partis de progrès doivent trouver pour espérer battre Sarkozy non seulement dans les urnes mais aussi dans l'exercice du pouvoir.

Et comme dit Benoit dans ses commentaires, une telle vision doit être claire, orientée sur le long terme mais néanmoins concrète. Elle doit être motivée et se décliner en propositions clairement hiérarchisées. Je ne vois pas cela au PS, ni chez les Verts.

Qu'en pensez vous ?

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Commentaires
P
Info trop peu connue : le forum des idées ESR du PS se tiendra en mai ! Vieux motard que jamais, comme dit le motodidacte.<br /> <br /> On passera de l'ombre à la lumière (et peut-être allumera t-on le chauffage...)
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B
Pour compléter ton billet, je recopie ici la texte que nous avions co-écrit ensemble et avec Alain en Juin 2009, et qui a mon avis introduit et pose toujours les défis de façon pertinente :<br /> <br /> "<br /> La crise systémique contemporaine se traduit par des défis démocratiques, économiques, énergétiques, et climatiques, qui remettent en cause des décennies de progrès, et menacent l'organisation et la stabilité de nos sociétés.<br /> <br /> Les toutes dernières années ont vu s'accroître dramatiquement les inégalités économiques, l'insatisfaction des citoyens au niveau d'éducation sans précédent face au fonctionnement des démocraties représentatives, et enfin ont vu surgir les contraintes dues à la finitude de notre planète. Cela est source de frustrations et de tensions sociales de plus en plus fortes, et au-delà un risque vital pour l'humanité.<br /> <br /> Construire un projet de société nouveau en ce début de siècle nécessitera de résoudre trois contradictions majeures qui traversent notre société :<br /> <br /> - Comment créer une société plus juste, conciliant ambitions individuelles et justice sociale? <br /> <br /> - Comment aller vers une démocratie plus directe, et canaliser les soifs individuelles de pouvoir ? <br /> <br /> - Comment concilier efficacité économique et sobriété environnementale ?<br /> <br /> La résolution de ces questions est un défi d'une ampleur considérable, qui exige de dépasser les cadres de pensées politique existants. Cela nécessite des modes d'organisation et de travail radicalement novateurs. <br /> <br /> [...]<br /> <br /> "<br /> <br /> Et depuis 1 an 1/2 PERSONNE n'a avancé d'1 iota... <br /> <br /> Le MoDem où le développement d'une vision à long terme dans ce cadre avait été initiée par Lepage est mort, quand aux autres partis dits "progressistes" (si tant est qu'ils méritent encore ce qualificatif) ils évitent soigneusement de s'y attaquer...
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