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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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28 novembre 2011

La longue pénitence des Maitres de Conférences

Comme l'a rappelé récemment Bertrand Monthubert sa page Facebook, la condition des jeunes enseignants chercheurs n'a cessé de se déteriorer ces dernières années

Pour tout dire, je n'ai pas été surpris.

J'avais dit lors des Etats Généraux de la recherche en 2004 que le problème numéro un était le mauvais équilibre entre les différentes missions des enseignants chercheurs et que si il y avait une chose à pousser, c'était la réduction de la charge des MCF de 192 h equivalent TD à moins de 120 si possible...

Au lieu de cela, SLR et d'autres se sont ensablés dans des discussions sur les structures (ANR, AERES etc) avec le ministère pendant que tout le monde allait par ailleurs déposer des projets et s'incruster dans les commissions. 

Huit ans après, le résultat est exactement celui que j'avais prévu dès 2005: la communauté s'est totalement approprié ces nouvelles structures qui se sont imposées en un rien de temps et les jeunes enseignants chercheurs sont toujours dans une situation intenable... 

manif_de_jeunes_chercheursDu coup, j'ai ressorti de mes cartons le document que nous avions écrit à l'occasion des Etats Généraux en 2004. Ce n'est pas le document final mais le document d'étape produit par le groupe "Ressources humaines" courant août 2004... 

Comparé au document final - que je ne renie pas - cette version mettait beaucoup plus l'accent sur l'allègement de service des enseignants-chercheurs et sur la reconnaissance de l'activité pédagogique en discutant notamment la question des personnels non chercheurs, qu'il s'agisse des PRAG, des profs de prépa et BTS ou encore de ceux et celles qui, après quelques années, font le choix de ne plus faire de recherche pour se consacrer exclusivement à l'enseignement.

Malheureusement, la simple évocation de l'importance du rôle de nos collègues enseignants non chercheurs avait provoqué une levée de bouclier dans une assemblée très majoritairement composée de chercheurs des organismes et d'universitaires très engagés dans la recherche. J'avais prédit que cette problématique mise sous le tapis finirait par en ressortir plus pregnante encore... La triste réalité, c'est que depuis 2004, la communauté scientifique n'a rien fait pour résoudre le problème du mauvais équilibre entre les diverses missions des enseignants-chercheurs. Après la crise de 2009 qui n'a rien changé et à gravé dans le marbre les 192 heures, la communauté académique s'est désintéressée du problème. Chacun est occupé à monter ses projets ANR et à chercher les moyens de pouvoir travailler. En fait, la merde est toujours sous le tapis et c'est ce à quoi nous renvoie le malaise des jeunes enseignants chercheurs. 

Fantastique illustration de notre incapacité si française à résoudre les problèmes: tout ceci s'est déjà produit et se reproduira encore... 

En attendant, et en espérant que l'on ne réitère pas les erreurs du passé, voici ce que nous avions écrit à l'époque. Qui sait, cela inspirera peut être le futur ministre en charge du dossier (en admettant qu'il y ait encore des marges pour résoudre le problème ce dont je commence à douter de plus en plus...):

Extrait du document préliminaire du groupe "Ressources humaines" (Etats Généraux 2004):

L’activité de recherche n’étant productive qu’à partir d’un certain engagement (activité «à seuil »), il n’est possible d’effectuer une recherche de qualité qu’en y accordant une part significative de son temps avec la concentration nécessaire. Confirmant nombre d’études antérieures [1-4], beaucoup de Comités Locaux des Etats Généraux  ont ainsi souligné l’effet négatif du déséquilibre croissant entre les tâches liées à la mission pédagogique et l’activité de recherche des universitaires.

Nous pensons qu’il est temps d’inverser cette tendance afin que les maîtres de conférences et professeurs d’université redeviennent des chercheurs-enseignants et non des enseignants qui essaient de trouver un peu de temps pour faire de la recherche.

Depuis quelques années des rapports ont été faits pour proposer la mise en place d’une modulation des services. Ces rapports ont suscité de fortes réticences, voire des réactions profondément hostiles, car les personnels concernés n’y trouvaient pas la garantie que cela aboutisse à une amélioration de la situation, bien que les motivations initiales soient souvent partagées (notamment le caractère absurde de la définition du service des enseignants- chercheurs en fonction du seul temps de présence devant les étudiants). La proposition faite ici tente de prendre en compte ces inquiétudes légitimes.

Dans cette optique, et reprenant ici une suggestion du rapport Espéret [19], nous proposons d’introduire un nouveau mode de calcul du service des EC qui intègre non seulement le service « présentiel » effectué en salle, devant les étudiants, mais également le service « non présentiel» comme les heures d’interaction avec les étudiants en très petits groupes ou individuellement (Tutorats et « office hours » pour reprendre la dénomination américaine.), l’encadrement de stages ou de projets, la correction de copies, les réunions de jurys, la mise en place de nouveaux enseignements, etc. Plus généralement, il s’agit de prendre en compte les différentes activités contribuant aux missions de l’enseignement supérieur et de la recherche, comme la diffusion de la culture scientifique et technique, la valorisation ou l’administration de la recherche.

Nous proposons que le service pédagogique des chercheurs-enseignants soit borné supérieurement par 150 heures de service en tout, dont au plus 120 heures de service présentiel. Nous proposons donc la mise en oeuvre d’une grille indicative nationale d’équivalence des services présentiels ou non (comptés en heures de travail).

Un chercheur enseignant qui souhaite s’investir momentanément plus dans l’enseignement devrait pouvoir le faire en bénéficiant de possibilités de passage temporaire comme enseignants non chercheurs proposé plus bas (annexe C), le retour à une activité de recherche étant facilité par la modulation du service lors du retour au statut de chercheur-enseignant.

L’objectif à moyen terme (8 à 10 ans) doit être que la charge pédagogique des chercheurs enseignants soit totalement modulable, de manière variable au cours de la carrière, entre une activité de recherche à 100 % et la borne supérieure proposée plus haut, comme cela se fait dans nombre de grandes universités étrangères.

Cependant nous sommes conscient qu’un tel objectif ne saurait être atteint du jour au lendemain. Nous proposons d’amorcer le mouvement par deux mesures :

• Tout d’abord par les jeunes chercheurs-enseignants : Nous proposons que dès l’année 2006 soit mise en place la possibilité pour tous les nouveaux recrutés de bénéficier d’une décharge équivalente à deux années sans service pédagogique durant les 5 premières années. C’est un chiffre important mais que nous considérons comme un minimum pour améliorer les conditions d’exercice de la recherche des jeunes chercheurs-enseignants par rapport à la situation actuelle.

La répartition de cette décharge serait négociée lors de l’entretien d’embauche entre le candidat et l’établissement recruteur de manière à prendre en compte la diversité des projets professionnels des futurs recrutés (Un jeune chercheur peut candidater à un emploi de maître de conférence tout en ayant par ailleurs une offre pour un contrat de deux ans à l’étranger. En concentrant sa décharge sur deux années pleines, il pourra honorer cette proposition tout en étant assuré d’un emploi en France. D’autres préfèreront étaler la décharge de manière uniforme ou progressive sur 5 ans.). Par ailleurs, les établissements devraient systématiquement assortir le recrutement des jeunes chercheurs-enseignants d’un package financier convenable.

Ensuite en donnant la possibilité pour les universités de recruter des professeurs d’université avec une charge pédagogique faible voire nulle sur des profils recherche de haut niveau. Ces emplois devraient être accompagnés d'un ensemble de crédits de recherche et de moyens humains (financement pour des doctorants ou des CDD suivant les modalités énoncés dans le paragraphe sur les chercheurs associés).

Dans ce type d’opérations, la rigueur du processus de sélection joue un rôle important dans l’attractivité du dispositif. Il importe donc de veiller à la qualité du processus de sélection de ces opérations scientifiques. Un bon compromis consiste à laisser le soin de la phase de définition des opérations proposées aux établissements eux-mêmes (construction du projet avec la ou les personnes intéressées) et à faire la sélection des opérations retenues au niveau national par une commission de très haut niveau scientifique.

Progressivement, les établissements d’enseignement supérieur seraient invités à mettre en place une politique de modulation des services. Les modalités doivent être définies avec les personnels concernés, et viser à une amélioration des carrières et notamment du temps consacré à la recherche. La progression de ce dispositif devrait être manifeste dans les contrats quadriennaux de l’établissement.

La pratique des package de moyens associés aux emplois proposés devrait également être étendue à la totalité des emplois de chercheur dans les années à venir. A moyen terme, aucune université ni organisme de recherche ne devrait pouvoir proposer au recrutement un emploi qui ne soit assortit d’un package associé proportionné au niveau d’expérience professionnelle de l’emploi proposé.

Pour les chercheurs

Il est important que des chercheurs puissent participer à la diffusion des connaissances (ce que nombre d’entre eux font déjà), car ils peuvent transmettre leur savoir-faire scientifique, au- delà des résultats qu’ils publient. Par ailleurs, l’enseignement supérieur fournit le premier contact entre les chercheurs et les futurs doctorants. Enfin, cela procure un recul bénéfique sur sa propre activité scientifique et peut faciliter une mobilité éventuelle vers l’enseignement supérieur.

Pour toutes ces raisons, les chercheurs doivent pouvoir participer à l’enseignement sur la base du volontariat, dans le cadre de leur activité. Ils peuvent intervenir dans le cadre d’enseignement spécialisés proches de leur activité de recherche mais aussi, pour ceux qui souhaitent le faire car ils y voient un épanouissement professionnel, dans des enseignements plus éloignés de leur thème de recherche. Ils participent également à des encadrement de stages ou de projets.

Cependant, il parait cohérent que l’activité pédagogique d’un chercheur reste limitée si on veut que la notion d’emploi avec mission principale de recherche conserve son sens. Une limite de 40 à 64 heures en présentiel parait raisonnable. Pour les chercheurs qui souhaiteraient s’investir plus avant dans l’activité pédagogique, des passerelles vers des emplois de chercheurs enseignants (bénéficiant donc de charges modulées) sont à développer.

Nous tenons à souligner que pour des raisons arithmétiques élémentaires, il n’est pas possible de faire baisser significativement la charge pédagogique présentielle des maîtres de conférences et professeurs des universités en imposant un service pédagogique aux chercheurs des EPST. Outre les problèmes évidents de compétences que cela poserait (le recrutement des chercheurs des EPST n’intègre pas d’évaluation de l’aptitude pédagogique), rappelons que les maîtres de conférences et professeurs des universités sont 4 fois plus nombreux que les chercheurs des EPST !

Le cas des enseignants non chercheurs

Bien qu’assez peu abordée par les CLoEG, cette question a attiré notre attention pour deux raisons. Tout d’abord, nous avons vu que le problème du déficit des décideurs économiques, politiques et administratives en matière de culture de la recherche de notre pays trouve son origine dans la structuration de notre enseignement supérieur. Ainsi, les filières importantes de formation des futurs cadres que sont les classes préparatoires sont institutionnellement déconnectées de la recherche et même si les écoles ont développé une activité de recherche ces 20 dernières années, elles sont loin d’avoir rattrapé leur retard et souffrent d’un émiettement considérable.

Par ailleurs, de la même manière que la transformation d’une interrogation sociétale ou économique en un problème de recherche constitue un travail en soi (l’INRA parle de trajectoires d’innovation), la transformation des avancées de la recherche et leur distillation dans les contenus pédagogiques est un processus complexe dont l’importance est trop souvent sous estimée. Ainsi, la chaîne qui relie la production de connaissances et de méthodes à l’élaboration de contenus pédagogiques dans les diverses filières est complexe et nécessite l’intervention de nombreux acteurs. Nous sommes loin de l’époque où, dans toutes les filières de formation, un seul individu (le professeur) pouvait assurer l’ensemble de cette chaîne.

Ces observations ont deux conséquences : en premier lieu, la déclinaison de la dualité entre enseignement et recherche se fait de manière variable suivant les filières et leurs objectifs (et donc suivant les établissements et leur politique). Ensuite, l’échelle pertinente pour effectuer ce travail est l’équipe pédagogique, composée de personnes exerçant des activités diverses et dont la composition doit être modulée suivant les objectifs du collectif. Les personnels ayant une activité de recherche y apportent bien sur une contribution essentielle. Mais nous pensons que des personnels enseignants non chercheurs pourrait y jouer un rôle d’appui scientifique et technique important.

En fait, sur le terrain, nous constatons qu’une partie importante du travail pédagogique est effectué par des personnels enseignants sans mission de recherche : environ 30 % des heures statutaires dans l’enseignement supérieur sont effectuées par des enseignants du second degrés (PRAG/PRCE) hors classes préparatoires. Ces dernières représentent un volume considérable, équivalent en gros au service de 43.000 enseignants-chercheurs (voir annexe A). Sur la totalité des heures statutaires effectuées dans l’enseignement supérieur, les classes préparatoires et les sections de techniciens supérieur, la part enseignée par les enseignants non chercheurs représente de l’ordre de 55 % ! A cela s’ajoute la contribution des enseignants chercheurs qui n’ont plus d’activité de recherche et dont le nombre, s’il n’est pas connu avec précision, n’est pas négligeable. Or dans la pratique, ces personnels ne voient pas leur activité évaluée et donc reconnue convenablement.

Nous pensons que ce mode de fonctionnement archaïque couplé au cloisonnement institutionnel de l’enseignement post-baccalauréat nuit considérablement à l’efficacité du système d’enseignement supérieur et contribue à la démotivation des personnels. Redynamiser l’enseignement supérieur nécessite donc d’une part de redonner une place aux personnels enseignants-non chercheurs qui y travaillent et d’autre part de décloisonner l’enseignement supérieur dans son ensemble.

Inspirés par la proposition du CLOEG « Jeunes Chercheurs », nous proposons donc le regroupement de tous les enseignants n’exerçant pas une activité de recherche dans un même «corps de métier», regroupant les actuels PRAG/PRCE, enseignants des classes préparatoires, des sections de techniciens supérieur et enseignants chercheurs n’ayant plus d’activité de recherche.

Vers une redéfinition du périmètre de l’enseignement supérieur

Finalement, nous proposons également de redéfinir le périmètre de l’enseignement supérieur en y incluant toutes les filières de formation post-baccalauréat.

A moyen terme (10 ans), cela implique la migration des filières de technicien supérieur (STS) et des classes préparatoires (CPGE) dans les établissements d’enseignement supérieur (universités, IUT, INSA et grandes écoles).

Il ne s’agit pourtant pas de créer des collèges universitaires sans recherche en créant des établissements spécifiques où seraient regroupés les CPGE, les STS et les licences, mais d’intégrer progressivement toutes les filières post-bac dans le tissu existant. In fine, cela aboutira à une augmentation de la diversité de formation proposée par les divers établissements d’enseignement supérieur.

Une telle proposition constitue une véritable révolution mais pourrait avoir un impact positif considérable sur notre offre de formation supérieure. Elle permettrait aussi un brassage des personnels et donc une meilleure irrigation de la totalité de l’enseignement supérieur par une culture de la recherche.

Les modalités concrètes de mise en oeuvre sont explicitées dans l’annexe C de ce rapport. Elles passent par la définition d’un statut de « l’enseignant non chercheur », pleinement intégré dans l’enseignement supérieur (et non plus rattaché à un corps d’agrégé ou de certifiés), dont l’activité pédagogique serait évaluée et disposant de véritables perspectives de carrière. Y seraient rattachés les actuels PRAG/PRCE ainsi que les enseignants chercheurs ayant choisi de se consacrer à l’enseignement, puis y seraient progressivement rattachés les enseignants des STS et CPGE au fur et à mesure de l’intégration de ces filières dans l’enseignement supérieur.

Pour nous, cette évolution doit se faire tout en développement le potentiel de recherche de l’enseignement supérieur. Le recrutement d’enseignants chercheurs ne doit pas être diminué par cette nouvelle possibilité. Au contraire, en passant à une notion de chercheur enseignant et en proposant une redéfinition des charges pédagogiques, nous affirmons la nécessité de renforcer le potentiel de la recherche dans les établissements d’enseignement supérieur.

Il va de soi que ces propositions relèvent directement d’une réforme de l’enseignement supérieur. Mais nous pensons que l’importance de ces questions et leur incidence sur la recherche et sur notre société justifient leur présence dans le présent rapport.

PS: Pour ceux et celles qui ne me connaissent pas, j'ai été un des membres du Comité d'Initiatives et de Propositions qui a coordonné les Etats Généraux de la Recherche en 2004 après plusieurs années à plancher sur les formations doctorales. J'ai ensuite été en charge du groupe "enseignement supérieur et recherche publique" au sein de l'ANDèS où j'ai continué à travailler sur ces questions. Ceci explique que je connaisse bien la problématique et l'histoire de sa non résolution... 

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B
En lien avec le sujet (les jeunes chercheurs notamment sont évoqués) :<br /> <br /> http://www.terraeco.net/Edgar-Morin-Nous-avancons-comme,19890.html
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