Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
Archives
Derniers commentaires
11 mars 2012

La lassitude de Cassandre...

Cette campagne de 2012 a quelque chose de profondément malsain: on n'y parle absolument pas des problèmes qui vont peser lourdement sur le quotidien des français dans les prochaines années, à savoir le coût de l'énergie. 

Les faits sont pourtant là: comme le rappelle Bernard Bigot, "Nous avons dépensé 62 milliards d’euros en gaz et pétrole en 2010 contre 23 milliards il y a 5 ans" soit 40 milliards d'euros de plus sur cinq ans. Cette somme considérable est du même ordre de grandeur que le déficit d'avant la crise (environ 50 milliards d'euros), le budget de l'éducation nationale (61 milliards d'euros en 2009) ou encore le produit de l'impot sur le revenu (45 milliards d'euros en 2011)... Or la tendance qui s'est amorcée depuis 2005, à savoir l'augmentation de prix des hydrocarbures, n'est pas prête de s'arréter. Il serait temps de le dire: nous sommes entrés depuis 2005 dans un plateau de production des hydrocarbures ce qui veut dire que le compte à rebours est enclanché avant un déclin de la production qui se traduira inévitablement par une flambée des prix.

Les signes de ce plateau de production sont dores et déjà présents: ainsi, si on regarde l'évolution de la production de la production de pétrole et le prix du baril. Lorsqu'il n'y a pas de frein à la production, le prix ne varie que peu lorsque l'on augmente marginalement la production. C'est ce que montrent les données d'avant 2004 sur le graphe ci dessous:

oil-prices

Par contre, en 2005-2008, la production a atteint un plateau de production autour de 82 à 86 millions de barils/jour. Mais entre 82 et 86 millions de baris, soit pour une variation de production de 5%, on a vu une variation de prix sur une fourchette du simple au triple, entre 40 et 120 $ par baril! Depuis 2010-2011, la production est autour de 85-86 millions de barils/jour mais le prix est de nouveau reparti à la hausse à partir de 90 $ le baril. Les données sur la production sont assez claires: on voit clairement un plateau de production des pétroles conventionnels à partir de 2005, pic qui est lié au fait que nombre de gisements historiques sont en déclin.

production

Les alternatives sont limitées: les renouvelables butent sur le problème du stockage énergétique qui est loin d'être résolu, même en laboratoire ce qui renvoie toute perspective de solution massive basée sur les renouvelables aux calendres grèques. De même, on ne saura au mieux qu'après ITER si la fusion thermonucléaire constitue une perspective industriellement viable et même le développement et le déploiement de la 4ème génération de réacteurs à fission prendra quelques décénies. En clair, la technologie ne nous dispensera pas d'une crise énergétique majeure!

Dans ces conditions, et quand on sait que pour un pays comme le notre, le pétrole et le gaz sont à l'origine de 46% de l'énergie primaire consommée, faire l'impasse sur le problème énergétique et ses conséquences est tout simplement irresponsable. Il serait temps que les candidats à la présidentielle se rappellent que la sacro-sainte croissance qu'ils invoquent tel une divinité guérisseuse de tous les maux du pays repose avant tout sur notre capacité à transformer, faconner et déplacer de la matière, et donc sur les sources d'énergies dont nous disposons. Comme l'explique Jean-Marc Jancovici (Entretien dans le BIP du 5 février 2012), nous sommes passés du taux de croissance des Trentes Glorieuses à la croissance molle parce que l'énergie disponible par personne a cessé d'augmenter au même rythme après le premier choc pétrolier. Or cela ne semble toujours pas avoir été compris par les dirigeants des grands partis qui continuent de se fixer en ligne de mire un taux de croissance annuel de 3%. Pour mémoire, un tel taux de croissance signifie un doublement du PNB en 20 ans et donc, même en tablant sur une diminution de l'énergie nécessaire par € de PNB de 1% par an, un doublement de la quantité d'énergie consommée en une trentaine d'années soit une génération. 

On aurait pu attendre d'Europe Ecologie/Les Verts une prise de parole forte pour mettre le problème énergétique sur la table dans sa globalité et catalyser ainsi un débat sur le modèle de société que nous souhaitons. Mais toute à sa croisade morale et anti-nucléaire, leur candidate aura réussi l'exploit de torpiller le théme de la crise énergétique plus efficacement que la découverte d'un gisement de pétrole géant comme Ghawar au large des cotes françaises!

Dans ce concert de futilités et d'anneries que constitue la campagne actuelle, seul Michel Rocard a fait preuve de lucidité en disant explicitement que "La grande croissance, c’est terminé. Le volume d’énergies fossiles disponibles va commencer à baisser d’ici deux ou trois ans, à un rythme vertigineux. C’est un fait."...

Tout se passe comme si, plus nous avançons dans le temps et voyons apparaître avec plus de netteté les contour de cette crise majeure, moins les français semblent disposés à parler de cette réalité. Comme Troie subjuguée par la beauté d'Hélène, la société française préfère débattre de promesses qui ne seront pas tenues plutôt que d'envisager l'avenir avec ludicité...

Publicité
Commentaires
L
Salut P.! <br /> <br /> Toi aussi tu as l'impression d'avoir le choix entre la peste et le choléra lors de cette campagne? <br /> <br /> C'est impressionnant comme les sujets importants sont peu approfondis et comme les débats tournent à la petite nuance assassine.<br /> <br /> Quand est-ce qu'on se réunit autant d'une bonne bière à Paris pour les pronostics? :-)
Répondre
B
De mieux en mieux :<br /> <br /> <br /> <br /> http://elysee.blog.lemonde.fr/2012/03/27/sarkozy-envisage-de-puiser-dans-les-stocks-strategiques-pour-faire-baisser-les-prix-de-lessence/
Répondre
P
Il y a surement (aussi) une autre raison à la disparition des taux de croissance des 30 glorieuses : à l'époque, la France et l'Europe étaient en phase de rattrapage sur le pays le plus avancé économiquement(les Etats-Unis).<br /> <br /> Une fois le rattrapage effectué, la croisance a naturellement molli (parce que c'est plus facile de copier que d'innover).<br /> <br /> D'ailleurs, aujourd'hui on voit bien que des pays en phase de rattrapage comme la Chine peuvent avoir des taux de croissance très élevés malgré des conditions énergétiques qui sont moins favorables que jadis...
Répondre
After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
Publicité
Publicité