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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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9 avril 2017

Quel président dans un monde complexe ?

Aujourd'hui, il est temps que je dévoile ce qui, à mon avis, constitue une des raisons qui me fera voter Macron pour cette élection. Cela tient en une seule phrase:

"La construction d'une action politique contemporaine, c'est la capacité à appréhender le complexe du monde"

E. Macron (sur France Culture)

En effet, je pense que le temps des solutions simplistes est révolu. Beaucoup de gens le sentent, le monde dans lequel nous avons vécu est en train de se transformer en autre chose. Cette transformation s'annonce par des craquements inquiétants (guerre en Syrie, montée des nationalismes, crise financières de 2008, 2011 et 2015 - en Asie pour la dernière), mais aussi par le fait que même dans les pays les plus avancés, le niveau de vie augmente de moins en moins vite. Et cela, les gens le sentent dans leur quotidien.

Comme je l'ai déjà écrit, nous entrons dans un monde fini, qui sera marqué par le fait que l'énergie disponible par personne ne pourra plus augmenter et que nous devrons réduire notre dépendance aux énergie carbonées. Or il n'y a pas de solution technique miracle, en tous cas, rien pour les 30 prochaines années (et peut être même un peu plus). Nous entrons comme le dit Jean-Marc Jancovici dans le "temps des choix". Cela veut dire que nous devrons apprendre à décider de solutions qui sur un plan apporteront du "mieux" mais sur un autre demanderont des efforts, voire entraineront du "moins". 

Concrètement, si nous voulons préserver le climat, il faudra investir pour décarbonner. En le faisant, nous préserverons notre avenir à long terme et nous augmenterons la résilience de nos sociétés pour les prochaines décénies. Mais cela nécessitera des investissements, des changements d'habitude et donc, à court terme du "moins" (d'argent à dépenser pour nos loisirs, nos voyages, nos vacances). Par contre sur le moyen terme (quelques années), les plus exposés à la précarité énergétique vivront mieux ce qui rendra la vie de tout le monde meilleure.

Ce type de situation dans lequel une action à des conséquences positives ET négatives en même temps est typique d'un monde complexe. Cela veut dire qu'il faut arbitrer: c'est à dire se donner des critères d'évaluation des décisions qui soient multidimensionnels afin de permettre de pondérer, de hierarchiser les conséquences.

Dans un monde complexe, nous devons aussi admettre d'avancer dans une forme d'insécurité intellectuelle: chaque décision enclanchera un ensemble de conséquences dont toutes ne seront pas prévisibles. C'est le propre des systèmes complexes déjà en temps "normal" mais c'est d'autant plus vrai quand ils rentrent dans un régime de transition entre deux états métastables. Conrétement, dans un contexte où les options faciles disparaissent, ce qui est le cas, nous nous retrouverons à prendre de plus en plus de décisions pour lesquelles il y aura toujours une part d'incertitudes. Il nous faut nous habituer à cela.

Nous avons eu en France un grand penseur de la compexité: Edgar Morin... Relisez son livre "La voie" et vous verrez qu'il décrit exactement cela: nous devrons prendre des décisions qui auront des cotés positifs ET négatifs et nous devrons accepter de les prendre sans être sur des détails du futur qu'elles dessineront. 

Or si vous analysez ce que dit Macron (cf la citation plus haut), c'est exactement cela. Dans son interview à France Culture (voir la vidéo), il dit exactement cela. Et pourquoi, parce qu'il pense "que nous vivons un temps de recomposition profonde et radicale. [...] Et que dans ce temps de recomposition, vouloir être enfermé de manière exclusive ne permet pas de faire face aux défis du temps présent.

L'homme est donc conscient que nous sommes au point critique d'un système complexe, et que nous devons adopter une attitude intellectuelle adaptée à ces circonstances. D'où son refus de l'enfermement intellectuel. D'où aussi son expression si particulière ou apparaissent souvent plusieurs aspects en apparence opposés dans ses propositions, le fameux "et en même temps" tant moqué par les journalistes. 

Je vous invite aussi à comparer son expression et ce qu'il dit avec les autres candidats. Et là, la différence est nette. Les autres raisonnent tous de manière clivante et linéaire. Ils ont un package tout pret pour sauver le pays et même si ils ont parfois identifié le noeud de crise du temps présent comme le fait Mélenchon, ils ont à mon avis la manière de penser qui précisément n'est pas adaptée à la complexité du monde. 

Fillon, Hamon et Le Pen ne sont pas des intellectuels. Ce sont au plus des gens intelligents qui concoivent la politique comme un combat marketing: je gagne parce que vais remporter le marché auprès des électeurs.

Mélenchon est un intellectuel, ce qui est infiniment mieux qu'un vendeur de soupe... Mais c'est un intellectuel du siecle passé qui pense que pour tout problème, il y a un package bien planifié qui permet de le résoudre. La planification, le grand bond en avant, c'était le rève des soviets, c'était le rève de Castro et de Mao, c'était le rève de Chavez, et tous, absolument tous se sont plantés. Si les sociétés capitalistes ont fait mieux c'est tout simplement parce qu'elles étaient considérablement plus complexes et qu'elles ont su évoluer, se déformer, se distordre pour s'adapter.

Le premier dirigeant d'un pays communiste qui l'a compris était Deng Xiaoping. C'est lui qui a vraiment lancé la Chine en lancant ses fameuses réformes économiques, que l'on connait superficiellement par le fameux "Enrichissez vous"... J'ai beau être totalement révulsé par la conception des libertés politiques en Chine, je reconnais que le coup de génie de cet homme, qu'il a probablement puisé dans la très riche culture et philosophie chinoise, c'est d'avoir lancé une évolution de l'économie chinoise tout en conservant le cadre structurel qui tenait le pays alors qu'il y avait apparemment une contradiction absolue entre les deux. Mais comme disait Deng Xioping:

不管黑猫白猫,捉到老鼠就是好猫。[Peu importe que le chat soit noir ou blanc, s'il attrappe des souris, c'est un bon chat] 

Ca, c'est exactement la version chinoise de la pensée complexe d'Edgar Morin: dans un monde complexe, la prise de décision doit dépasser les contraductions apparentes pour replacer les choses dans la perspective d'un but clairement défini. C'est ce qu'ils ont fait. Résultat: la Chine est aujourd'hui la première puissance économique mondiale!

Alors quel est le défi pour nous aujourd'hui ? Comme le disent Mélenchon mais aussi Macron (si si), le capitalisme du monde sans limite a atteint ses limites, le monde est au bord d'une bifurcation majeure, ce qu'on appelle une "apocalypse" (cf mes posts récents) et nous devons construire le monde d'après.

Si on veut aider nos sociétés à faire leur métamorphose, je ne pense pas qu'il faille un plan quinquénal à la soviétique, fusse t'il une "planification écologique". Il faut une stratégie adaptée à un système complexe, c'est à dire une stratégie de contamination et de mutation épidémique qui commence à activer des dispositions susceptibles de biaiser notre évolution dans la bonne direction à long terme, quite à éventuellement corriger ces petits impulsions si on voit se développer des effets imprévus. Certes il faudra de l'action législative, de l'action réglementaire, des décisions techniques guidées par le long terme (de la planification donc ici c'est un moyen parmis d'autres) mais aussi de l'action subjective, de la conviction, la création d'un état d'esprit par une remise en mouvement de la société. Si on y regarde de plus près, le programme de Macron comporte un peu tous ces leviers.  

Et c'est pour cela que je pense que Macron est beaucoup mieux armé que les autres candidats: Macron a intégré que nous n'étions plus en train de jouer le même jeu qu'avant et que les stratégies d'hier ne fonctionneraient plus

En résumé et de manière volontairement provoquante: entre l'approche de Edgar Morin & Deng Xiaoping d'un coté, et celle de Karl Marx et Hugo Chavez de l'autre, mon choix va vers la méthode des premiers, pas des seconds.

Vidéo: Emmanuel Macron à France Culture 1 (allez vers la minute 28)

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