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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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20 février 2021

La faute lourde de Frédérique Vidal

Le point c'est que aucun membre de l'exécutif n'a à fouler aux pieds un des principes quasiment constitutionnels qu'est la liberté de questionnement des chercheurs et universitaires (https://www.senat.fr/questions/base/2019/qSEQ190108689.html) ni à ouvrir la porte à la confusion des genres entre une opinion et une argumentation scientifique étayée...

C'est d'autant plus inacceptable que cela émane d'une universitaire en charge des universités et des organismes de recherche, ancienne vice présidente d'université, et qui donc sait bien qu'il existe une différence fondamentale entre la distinction entre le questionnement du chercheur ou de l'universitaire -- qui doit rester totalement libre -- et les modalités d'exécution de la recherche ou d'expression pédagogiques qui doivent se faire dans le respect des lois de la République.

Ce n'est pas une question d'opinion, ou de bien-pensance, c'est un point essentiel pour qu'un système de recherche et d'enseignement universitaire marche bien.

Si la ministre voulait lutter contre les effets de coterie à l'université, qui sont un vrai problème, c'est la pire des manières qu'elle a choisi. On connait bien ce que sont les coteries universitaires à Lyon avec l'institut d'études indo-européennes de Lyon 3 qui était un nid à fachos à la production académique critiquée (https://www.lemonde.fr/.../un-reseau-construit-autour-de...). Mais la réponse n'est pas la police de la pensée sous forme hard ou soft, via l'irruption du politique dans la labélisation des sujets de recherches selon ses bons vouloirs.

La réponse réside dans une évaluation des modalités d'évaluation des travaux par les pairs et des modalités de recrutement. On sait très bien que pour une coterie ronronne dans son coin en faisant autre chose qu'un boulot scientifique de qualité, il faut qu'elle puisse se préserver du regard extérieur et cela, c'est un point légitimement accessible à l'évaluation du fonctionnement des institutions de recherche...

Les enquêtes sur le fond scientifique sont acceptables et même en fait indispensables à partir du moment où des éléments avérés de dysfonctionnement apparaissent: fraude scientifique bien sur (cf l'affaire Voinnet) ou bien délivrance de diplômes en deçà du standard de qualité attendu. L'affaire Bodganov a ainsi donné lieu à une évaluation a postériori du travail des frères Bogdanov car l'adéquation entre le diplôme délivré et la qualité du travail de recherche effectué avait été remise en cause par des pairs. Le comité national du CNRS, qui est en charge de l'évaluation des chercheurs CNRS, de leur recrutement et promotions, et qui est partie prenante dans l'évaluation des unités de recherche, a donc été missionné en interne pour mener une expertise sur les conditions de délivrance du grade docteurs aux Bogdanov afin d'éclairer l'organisme et le ministère en charge des universités sur un éventuel dysfonctionnement du circuit de délivrance du doctorat à l'université de Bourgogne.

C'est aussi ce qui se produit dans les cas de fraudes scientifique: au départ, il y a une remise en question étayée rédigée par des pairs. Des enquêtes sont donc lancées quand un universitaire français ou un membre d'un organisme de recherche est impliqué dans une affaire de fraude scientifique, le but étant de déterminer s'il y a eu faute professionnelle ou pas. Et une telle enquête comporte un volet scientifique afin de renforcer la solidité des décisions qui pourraient en découler.

Mais encore une fois, il ne s'agit pas de lancer une enquête sur un champ disciplinaire, au motifs de concepts mal définis scientifiquement, uniquement parce que c'est dans l'air du temps. Même si de telles affaires sont rarissimes dans le champ des sciences exactes, les sciences humaines peuvent donner lieu à des joutes entre courants de pensée par voie de presse généraliste. Ce n'est pas nouveau, et cela se produira encore... Dans la mesure où les prises de positions sont argumentées, cela nourrit le débat public et c'est donc un des éléments indispensable au fonctionnement d'un pays démocratique. C'est d'ailleurs la motivation derrière la liberté d'expression publique dont disposent chercheurs et universitaires qui sont pourtant fonctionnaires d'Etat, et qui déborde largement de ce qui est autorisé par le "devoir de réserve" auxquels sont soumis les fonctionnaires des autres administrations.

Mais, en aucun cas, la publication d'une tribune dans un journal grand public, fusse t'elle signée par 100 de mes éminents collègues, ne saurait constituer une remise en question étayée par des pairs. Le point étant le "étayée": une tribune n'est pas un argumentaire scientifique étayé et surtout un journal grand public n'est pas un journal scientifique où les commentaires, qui doivent être circonstanciés, sont eux même soumis à évaluation et ouvrent un droit de réponse.

Tout cela, la ministre le sait très bien car c'est une professionnelle du secteur...

Et c'est pour cela qu'accorder un crédit comparable à une remise en cause en bonne et due forme par des pairs à ce qui constitue des expressions d'opinions dans le débat public, qu'il s'agisse de "L'islamo gauchisme gangrenne les universités" ou dans un autre domaine d'une tribune comme "Arrétons ITER, ce réacteur nucléaire hors de prix et inutilisable" est une faute lourde inexcusable.

NB: La tribune contre ITER n'a pas été suivi d'une déclaration ministèrielle et d'une commission d'enquête sur le projet... Ca aurait l'analogue d'une affaire Vidal mais en bien pire au niveau des conséquences étant donné que ITER est un projet international approuvé et supervisé par plusieurs états...
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Commentaires
P
Il y a une tendance inquiétante de ce gouvernement à vouloir restreindre nos libertés.<br /> <br /> - liberté de recherche avec les déclarations de Frédéric Vidal.<br /> <br /> - liberté d'informer avec la loi sécurité globale.<br /> <br /> - liberté de manifester avec la répression brutale de nombreuses manifestations.<br /> <br /> Et je ne mentionne même pas les restrictions liées à la situation sanitaire, qui sont probablement nécessaire.
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