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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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5 mai 2021

Notre étrange défaite: la France in 2021.

Les idéaux sont pacifiques, l'Histoire est violente dit War Daddy, le pesonnage joué par Brad Pitt dans le film de guerre Fury. 

C'est exactement la leçon qui est en train de nous être infligée. Le pays dans lequel je vis entre pour son cinquième mois consécutif dans une période où 300 de nos concitoyens, l'équivalent d'un avion de ligne, perdent la vie chaque jour parce que nous avons refusé collectivement de nous donner les moyens d'écraser la circulation virale.

Capture d’écran 2021-05-05 à 14



Trois cent morts par jour, c'est 1.5 fois les attaques terroristes de novembre 2015 tous les jours.

C'est quasiment 7 fois l'hécatombe routière de l'année 1972, où 16000 personnes mourrurent sur les routes dans notre pays, au point que les habitants de Mazamet firent un "die in" global pour sensibiliser l'opinion à cette violence ordinaire insupportable... Aujourd'hui, nous supportons 7 fois pire sans sourciller, dans une indifférence coupable...

Comment en est on arrivé là ? Après 15 mois de pandémie, il n'est pas inutile de reprendre l'histoire de nos décisions, de nos choix collectifs avec un peu de hauteur, sans resté scotchés sur les détails, et en regardant sans complaisance quand et en quoi nous avons renoncé.

Pour moi, il y a eu deux périodes bien distinctes: une première période jusque vers mai-juin 2020 où, il faut reconnaitre ce qui est, on s'est fait "dépuceler" par une virus dont les caractéristiques étaient étonnantes et très éloignées de notre expérience antérieure: d'une part, il présente une forte contagiosité en phase symptomatiques, d'autre part, il était aérosolisé avec une énorme variation dans la contagiosité des infectés. Il faut voir qu'on était habitué à l'inverse! Le consensus scientifique sur ces deux propriétés a commencé à émerger vers la fin du printemps 2020, pas avant. L'aérosolisation a été suspectée vers mars-avril par les japonais mais confirmée par l'accumulation d'enquêtes de contamination en Asie et aux usa dans les six premiers mois de 2020.
 
Pour moi, le seul vrai gros foirage dans cette période, c'est le retard sur la montée en puissance de la capacité à faire des tests PCR mais il est du aux ARS qui n'ont pas voulu mobiliser les capacités des centres et écoles vétérinaires et des laboratoires CNRS et INSERM. On peut ergoter sur les masques mais ca avait été décidé avant, et il faut quand même se rappeler que c'était une épidémie inédite par les caractéristiques même de l'agent infectieux.. Donc on s'est fait dépuceler mais on a réagit fort et vite avec le premier confinement, les toubibs ont appris à mieux prendre en charge, bref, on a du apprendre à se battre contre ce truc dans la tempête. Et je pense qu'on a pas démérité tant que cela durant cette phase...

La seconde période commence vers mai 2020: là on commence à avoir des preuves claires du caractère aérosolisé et une vision claire aussi du role des super-contaminateurs. On commençait aussi à recueillir les fruits du travail fait dans la tempête avec des outil de tests, d'analyse plus fine de la propagation virale, des outils de traçage modernes, des études sur l'aérosolisation et les moyens de lutter contre...

Or c'est là qu'on a commencé à merder vraiment: 
  • D'abord l'hyper-optimisme présidentiel avec le retour des "jours heureux"... Cela reposait sur une idée: que le virus ne passerait pas vraiment l'été... Idée dont on sait maintenant, rétrospectivement, qu'elle était fausse. SRAS-COV-2 n'est pas saisonnier au sens où il résiste aux étés comme aux hivers. De plus, il n'a pas évolué vers moins de dangerosité, au contraire.
  • Ensuite, l'absence d'une voie gouvernementale forte pour répéter que non, c'était pas encore fini durant l'été 2020. 
Les données ont montré que ça repartait dès mi-Juillet... On aurait du expliquer aux gens ce qui allait se passer et qui était très modélisable... Au lieu de ça, le champ a été laissé libre aux "rassuristes" et on l'a payé en octobre, notamment parce que entre septembre (où il faisait beau et chaud) et octobre, on a basculé d'un coup tous les leviers dans le mauvais sens: nettement moins d'UV pour décontaminer l'air extérieur, plus de gens en intérieur sans adaptation niveau ventilation, et gros brassage lié au retour au travail en présentiel et des enfants à l'école... Tel la cigale de la fable, on s'est pris le retour de baton dès que la bise est venue après avoir chanté tout l'été.

Enfin troisième erreur stratégique, qui est la plus grave car bon, on peut toujours invoquer "errare humanum est" pour notre négligence de l'été 2020, la sortie du confinement de l'automne. Le gouvernement s'était fixé un seuil de 5000 cas par jour auquel il a renoncé sans aucune explication! L'avis scientifique a été délibérément ignoré...

En parallèle rien n'a été fait pour essayer de monter des barrières à la propagation virale (notamment en terme d'adaptation à la ventilation, en terme de protocoles pour les lieux recevant du public)... on s'est contentés d'attendre en espérant que les vaccins, qui arrivaient trop lentement, allaient nous protéger contre des variants plus contagieux dans une infection dont on venait de voir quatre mois avant qu'elle pouvait engendrer une vague majeure en trois mois (mi-Juillet -> mi-septembre 2020) à partir d'une circulation très faible...

Pour moi, cela marque la signature de notre acte de capitulation face au coronavirus. On a tout simplement renoncé à le faire rentrer dans la boite... 

Malheureusement, cette responsabilité est partagée: celle de notre actuel président de la République est écrasante car c'est lui qui a décidé de s'asseoir sur les recommandations du conseil scientifique fin janvier (un confinement strict aurait alors pu permettre de limiter les dégâts). 

Mais il faut aussi dire qu'aucune force politique dans notre pays ne s'est opposée vigoureusement à cela, aucune aussi bien à l'échelle nationale qu'à l'échelle locale! Je suis désolé pour nos élus mais quelque part, ils ont quasiment toutes et tous une part de responsabilité dans ce fiasco...

C'est un peu comme en 1940 quand Pétain à signé l'Armistice avec l'Allemagne: l'ensemble de notre classe politique a collectivement acté que la partie était perdue... A l'époque il était resté quelques courageux et un visionnaire pour dire que c'était une connerie et même une infamie. Aujourd'hui, on a quelques scientifiques comme Dominique Costagliola par exemple qui prêchent un peu dans le désert... mais la triste réalité est là. Aucun politique ne parle de reprendre la main face au virus en expliquant que cela implique un vrai effort collectif.

Pour moi, cet épisode est la version contemporaine de l'étrange défaite de 1940 sauf que notre ennemi n'est pas humain. Rétrospectivement, il apparait clair que nous allions devoir mener une guerre qui n'était pas facile. Somme toute, par le premier confinement, on était plutôt pas mal partis: ça a vraiment marché! Mais suite aux décisions prises ensuite, on a perdu tout le terrain qu'on avait regagné. Bilan, nous allons avoir la guerre longtemps et durement avec beaucoup de morts, beaucoup de gens meurtris et de sombres repercussions pendant longtemps. 

Y'a pas de quoi pavoiser effectivement... Cela restera un épisode sombre de l'histoire de notre pays... un pays qui aura préféré discourir plutôt qu'agir au nom de quelques grands principes et d'une nostalgie de sa grandeur passée. 

Beaucoup d'erreurs diverses, dont les effets s'accumulèrent, nous ont mené au désastre. Une grande carence, cependant, les domine toutes. Nos gouvernants et ceux qui agissent en leur nom n'ont pas su penser cette guerre contre un ennemi nanométrique. En d'autres termes, le triomphe du coronavirus fut, essentiellement, notre défaite intellectuelle et c'est peut-être là ce qu'il y a eu en lui de plus grave...
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Commentaires
P
Pour continuer sur le thème de l'étrange défaite, on peut s'intéresser aux prochaines présidentielles : <br /> <br /> https://blogs.mediapart.fr/alain-bertho/blog/040521/2022-l-etrange-defaite-qui-vient?utm_source=20210504&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-20210504&M_BT=918913118568
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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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