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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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8 juin 2022

NUPES: le marché de dupes (1/3)

Dans quelques jours, on va voter pour les legislatives et ce choix va évidemment impacter la trajectoire du pays pour les 5 années à venir. Il est donc important de voir quels en sont les tenants et aboutissants et quels sont les différents programmes présentés.

Comme je l'avait prévu, on est dans une configuration à trois blocs avec d'un coté le bloc identitaire d'extrème droite (FN + Reconquête), le blob central qui maintenant intègre un large spectre de sensibilités (de la droite plutot conservatrice à la gauche sociale démocrate en passant par les nuances du centre) et enfin le bloc NUPES dans lequel, pour cette élection, LFI est en position de force.

Je ne vais pas m'attarder sur le bloc nationaliste qui manifestement n'essaye pas d'avoir une majorité et donc de gouverner: ils sont divisés et ne font pour ainsi dire pas campagne. Marine Le Pen est assurée d'être réélue mais clairement gouverner pendant les 5 prochaines années ne l'intéresse pas... Outre le fait que leur programme soit incohérent, il ne semble pas y avoir d'autre enjeux de leur coté autre que d'assurer une rente et une tribune à quelques dizaines de cadres de ces mouvements respectifs.

C'est tout à fait différent avec la NUPES et en particulier avec LFI qui voit dans cette élection un troisième tour de la présidentielle.

Très récemment, Jean-Luc Mélanchon a présenté le chiffrage de son projet économique pour le pays. On dispose donc d'éléments précis pour discuter et donc évaluer si c'est une option valable ou pas. 

Pour commencer sur des bases claires, je ne remet absolument pas en cause un certain nombre d'éléments: oui, on entre dans une période où il va falloir financer un certain nombre de choses pas forcément très "glamour". J'appelle cette période "l'age de la maintenance" pour bien souligner qu'il va s'agir principalement de conserver des capacités plutot que de faire une expansion de celles-ci. On peut aussi parler de "sobriété" mais je pense que cela loupe le fait qu'il s'agit d'éviter de perdre un certain nombre d'acquis plutot que de faire un choix de convenance personnelle dont on pourrait naivement penser qu'il est optionnel et ne nous impacterait pas tant que cela finalement. 

La maintenance, c'est pas optionnel: si on ne la fait pas, il y a des conséquences désagréables. C'est quelque chose à laquelle on est en fait plus ou moins contraint, et même plutot plus que moins sur des choses aussi vitales que les infrastructures de base et les services publics.

Concrètement, qu'est ce que l'age de la maintenance auquel je fais allusion ? C'est chercher à résoudre deux problèmes majeurs:

1) Un paquet de services publics sont en fait largement sous financés.

Par de 5 ou 10% mais plutot de 30 à 50%.

Dans mon secteur (recherche et enseignement supérieur), on est à 25-30 % de sous financement pour revenir au niveau où de pays comparables et ne pas finir par décrocher de manière irreversible. Dans le secteur de la santé, on est sans doute quelque part dans les mêmes eaux, voire pire si on veut se redonner des marges en cas de coup dur comme le COVID et éviter d'envoyer des soignants au burnout et donc à la démission.

Je ne vous parle pas de la justice qui croule sous le sous investissement et n'arrive plus depuis longtemps à exercer sa mission dans des délais décents (ce qui maintient pas mal de gens dans la mouise voire dans la souffrance)...

Je ne dit pas qu'il faut payer les chercheurs ou les médecins comme des stars du foot, mais qu'il faut redonner des marges pour que tout le monde ne soit plus au taquet tout le temps. Ca veut dire plus de moyens, souvent sous la forme de personnel en plus, parfois d'investissements dans des locaux, de la formation, parfois aussi sous la forme de salaires mais aussi d'horaires décents (je pense aux internes en médecine).

Maintenant regardez les budgets et faites le calcul: on est à 30 milliards annuels pour enseignement supérieur et recherche, 10 pour la justice, 80 rien que pour l'hôpital public. Additionnez le tout: 120 milliards chaque année.

Prenez un quart pour estimer combien il faudrait pour remettre de l'huile juste là dedans: on arrive à 30 milliards d'euros pour 67 millions de français, sachant qu'on est déjà avec un budget en déficit de 90 milliards par an (je veux bien redescendre à 70 pour éviter d'être trop biaisé par les années actuelles avec le "quoi qu'il en coute" si on veut mais cela ne change pas grand chose). 

Donc pour arriver à se remettre à flot tout en bossant juste une partie des services publics (j'ai pas parlé du logement, de la transition énergétique, etc etc... juste deux trois trucs sans même inclure l'enseignement jusqu'au bac), on est à 100 à 120 milliards par an. Cela représente pas loin de 1800 euros par citoyen français chaque année (soit 7200 pour papa/maman et leur deux gosses)...

2) Il va falloir des investissements massifs pour la transition énergétique, la préservation des ressources naturelles, l'adaptation à l'évolution du climat.

Là aussi, les chiffres sont massifs : on a 5 millions de passoires thermiques dans le pays qui nécessiteront plus de 15 000 euros de travaux chacun (75 milliards d'euros), sans doute une quinzaine de millions de logement qui nécessiteront des rénovations importantes pour ne pas devenir invivables lors des canicules. (avec à la clé une somme équivalente à dépenser). On a 25% de pertes sur le réseau d'eau potable du fait de fuites dans les canalisations (si si)... On a un parc entier de centrales nucléaires à upgrader avec de nouveaux réacteurs (cout: 400 milliards) ou d'éoliennes (a minima c'est aussi cher en système complet comme le discute très bien Jancovici)...

Il faudrait évidemment rajouter à l'inventaire le déploiement d'un parc de bornes de recharges pour les véhicules électriques (5 million de bornes moyenne puissance à 1000 euros et 100 000 de grande puissance à 10 000 euros pièce ca va bien faire un total de 7 milliards sans compter l'infrastructure d'amenée de courant... sachant que ca fait moins de bornes de recharge grande puissance que de pompes à essence il y a 30 ans en France), mais aussi la rénovation et l'adaptation des batiments publics au changement climatique, les travaux d'amènagement dans les villes pour plus de transports en commun, plus de végatalisation, plus de pistes cyclables...

Bref, à la fin, on va surement taper quelque part entre 500 et 1000 milliards d'euros sur une vingtaine d'années, soit 25 à 50 milliards par an en moyenne. Mettons que je me sois trompé d'un facteur deux et on arrive aussi autour de 50 à 100 milliards annuels.

Le bilan net c'est qu'on va devoir en gros, et en moyenne lissée, investir de l'ordre de 4000 euros par an et par citoyen français durant les 20 prochaines années pour avoir, à la sortie, un pays qui: d'une part, retrouve le niveau de qualité des services publics que les gens attendent, et qui d'autre part soit en bonne voie d'avoir adapté son parc de logements à la nouvelle donne énergétique et climatique, et qui pour finir, ait un système de collecte de l'énergie en bonne voie pour éliminer tous les hydrocarbures (gaz et pétrole). Ce sont en gros les grands objectifs du programme de la NUPES ou en tous cas c'est quelque chose qu'ils ne renieraient pas.

Et attention, je n'ai pas inclus le cout de remplacement des véhicules thermiques pour les particuliers, ni l'évolution probable des prix sur un certain nombre de produits manufacturés si la production est relocalisée en France. 

Bien sur, c'est une moyenne lissée: en pratique, on ne va pas demander à chaque citoyen français de cracher 4000 euros chaque année. Certaines dépenses ne seront pas déclanchées de suite (la construction des centrales nucléaires, la rénovation des batiments publics), il y aura du financement par l'emprunt soit directement pour les infrastructures publiques, soit pour finnancer les mécanismes d'aides qui feront que ceux qui n'ont pas les moyens de financer leru propre adaptation ne seront pas laissés en plan.

Mais bon, c'est utile d'avoir l'ordre de grandeur en tête et surtout de le ramener à la richesse que nous produisons par personne: 38 k€ euros par an et par citoyen.

On voit que c'est loin d'être négligeable car une partie de la richesse produite est en fait déjà engagée dans des "dépenses contraintes" dont les dépenses publiques (environ 50% de cette masse) mais aussi le train de vie des citoyens (salaire médian net après impot: 1.7 k€ mensuels soit 20 k€ annuels par actif) qui n'est pas celui des rois du pétrole (rappel: seule 7% de la population dispose d'un revenu net après impots et charges sociales supérieur à 3.6 k€ par mois). 

Je le redis pour que cela soit clair: un effort d'investissement de 4 k€ par citoyen (soit 8 k€ par actif !) chaque année représente un effort très lourd pour un pays comme le notre. Pour être concrêt, cela n'est pas atteignable par un peu ni même beaucoup de sobriété sur les vacances, les fringues, les restos, les planches apéro, les clops et même les cadeaux de Noël des enfants.

Si on prend le chiffrage présenté par le camarade Mélenchon lui-même, on est sur les mêmes ordres de grandeur: il prévoit 250 milliards d'euros de dépenses annuelles en plus.

chiffrage_NUPES



Nous sommes donc d'accord sur en gros un ordre de grandeur de l'impact. Je précise pour les gens qui me lisent que j'ai fait ma propre estimation à la louche sans avoir regardé le chiffre donné par Mélanchon. Certains pourraient argumenter que oui, tout cela, c'est en voulant du "all inclusive" et qu'on pourrait faire avec des ambitions plus limitées. En fait, je pense que les ordres de grandeurs sont les bons et que entre 150 et 250 milliards par an, ca ne change pas fondamentalement l'ordre de grandeur du problème.

La question, que j'aborderai dans le prochain post, c'est dont de savoir si le programme de la NUPES propose des solutions réalistes pour conduire ce gigantesque double chantier de maintenance de notre pays...

Stay tuned...



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Commentaires
P
Après ce sombre bilan, je suis curieux de voir par quel tour de passe-passe tu vas réussir quand-même à conclure qu'il faut continuer à voter pour les gens qui ont mis la France dans cet état. Il ne s'agit d'ailleurs pas uniquement de Macron, il n'a fait que continuer et aggraver les politiques précédentes.
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