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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse

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26 août 2024

Bienvenue en Belgo-France!

 

La tache de l'actuel président de la République est assez simple: il doit trouver un chemin permettant de faire émerger un gouvernement qui sera soutenu par une coalition majoritaire de "non-censure"...

En fait, c'est le principe de fonctionnement de base d'un régime parlementaire... C'est ce qui se passe en Belgique par exemple. Et dans cette monarchie constitutionnelle, le Roi peut nommer un négociateur dont le travail consiste à faire émerger une telle coalition.

Le truc c'est qu'on a jamais expérimenté la nécessité de le faire sous la Ème République car c'est la première fois qu'on est dans une situation sans majorité absolue et même sans majorité proche de l'absolue. Il n'y a en fait que des minorités de blocage... Comme VGE dans l'émission "l'Heure de vérité" en mars 1986, tout le monde -- y compris l'artisan de la dissolution actuelle -- pensait que le scrutin majoritaire était, contrairement à la proportionnelle, une sorte de totem d'immunité contre une telle situation mais le résultat des dernières élections législatives montre que n'est pas le cas.

En conséquence, il faut que le bloc central et le bloc NFP discutent d'un contrat de gouvernement permettant cela. La marge est limitée car d'un coté les Républicains ne veulent s'engager à rien et ne sont donc pas des partenaires fiables et de l'autre, LFI fera tout pour torpiller le truc...

Coté bloc central, les choses seront plus faciles car en gros, chaque composante va être amenée à définir des points pour le contrat de gouvernement et quelques lignes rouges mais, et c'est le point clé, sur des sujets complémentaires... Pour dire les choses simplement: Darmanin poussera sur le régalien, une partie de l'aile droite sur le sérieux budgétaire, le coté gauche sur la justice sociale et l'écologie. Donc il y a une voie où chacun peut potentiellement apporter quelque chose sans donner l'impression de perdre son âme...

Par contre coté NFP, ça va être plus difficile car cela va forcer à trancher le noeud gordien de l'incompatibilité entre les Insoumis et une sociale démocratie écologique. Ce qui est exactement ce que j'avais dit dès le départ, et même dès la NUPES sur ce blog: ça ne peut pas durer ni résister à l'épreuve du réel...

Il y a donc deux possibilités: la première voit une partie du bloc NFP jouer le jeu et une coalition alliant social démocratie, écologie et centre plutôt positionnée "centre gauche" émerge et pourra gouverner sur une base de compromis autour des priorités négociées entre les composantes de cette coalition mais il y aura scission irrémédiable entre LFI et ceux qui y participeront... Si elle parvient à opérer un certain nombre de rééquilibrages, de clarifications, tout en évitant la crise de confiance financière à notre pays, cela peut permettre d'aborder la présidentielle de 2027 dans des conditions où un débat est encore possible.

Soit le NFP fait un repli identitaire, et il y aura un gouvernement technique, voire pas de gouvernement avec un budget 2025 qui sera le reconduit de 2024. Cela pourrait entrainer un embryon de crise financière qui va montrer le bout de son nez -- un peu ce qui est arrivé à Liz Truss en Angleterre -- et on verra de manière nettement plus certaine des entreprises qui replient les gaules en masse, ce qui entrainera une remontée du chômage et une dégradation de l'économie ainsi que des finances publiques... Et là, c'est tracer un boulevard au RN en 2027 car l'édifice "front républicain improvisé" ne tiendra plus.

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5 janvier 2024

Shit-storm sur le quantique selon Guerlain

Tout a commencé lorsqu'un ami qui possède une solide formation scientifique m'a transmis un lien vers le dernier produit phare de la société Guerlain, à savoir une crème anti-vieillissement à base d'orchidée (l'orchidée Gold Nobile) et issue, selon Guerlain, des dernières avancées en "sciences quantiques".

Lorsque j'ai consulté le lien, le 3 lanvier 2022, le produit était annoncé comme restaurant "la lumière quantique d’une cellule jeune"... 

Inutile de dire que cela a instantanément aiguisé ma curiosité. Et évidemment j'ai fait part de mes doutes à mon pote qui, accessoirement, bosse à la direction générale de la concurrence et de la repression des fraudes ;-) L'affaire suivra sans doute son cours d'autant plus qu'en l'espace de deux jours, c'est une véritable shit-storm, assez méritée selon moi,  qui est en train de tomber sur Guerlain.

Le point de départ, la vidéo de G. Migram qui critique en termes assez explicite la démarche de Guerlain... et dont j'ai découvert l'existence via un article du Progrès qui est apparu sur mon mur Facebook et auquel j'ai mis un commentaire. Comme tout ce qu'on écrit sur Facebook passe et disparait dans le flux, j'en poste ici une version un peu dopée qui partage mes réflexions sur le sujet:

La notion de "lumière quantique" a un sens très précis en physique: cela correspond à une lumière qui possède certaines propriétés et qui ne peut être décrite comme issue d'une source dite "classique"... Les détails importent peu mais le point important est qu'il existe des signatures expérimentales pour savoir si une lumière est quantique ou pas. La première mise en évidence date de 1977 [Phys. Rev. Lett. 39, 691  (1977)], c'est à dire bien après les débuts de la théorie quantique (1925), de la théorie de l'interaction matière lumière (1940-1950) et même de la mise au point du laser (1960)! La raison est simple: il fallait être capable de mettre au point le dispositif capable d'isoler la lumière quantique et de mesurer la quantité qui permet de la qualifier en tant que telle. Et cela n'était pas évident.

Au passage, le fait que la quasi totalité de la lumière qui nous entoure soit "classique", même si la matière qui l'émet est quantique, est ce qui a permis aux ingénieurs et scientifiques du 19ème de comprendre l'optique, les ondes électromagnétiques, et donc de mettre au point la radio des dizaines d'années avant que l'on comprenne la théorie quantique puis la théorie quantique de l'interaction entre matière et lumière qui est venue englober la théorie classique de l'électro-magnétisme de Maxwell (1860-1870). 

Le point essentiel c’est que générer et mettre en évidence une « lumière quantique » n’est absolument pas évident: il faut pour cela faire des mesures bien spécifiques. Les deux types de mesures qu’on fait assez souvent sont soit une mesure des fluctuations du champ électromagnétique (si elles sont plus faibles même transitoirement, que celles observées dans le vide, alors le rayonnement considéré est quantique), soit une mesure des temps d’arrivée des photons: si les photons tendent à s’anti-grouper (c’est à dire à avoir une probabilité plus faible d’être émis successivement que s’ils se succédaient selon un processus de Poisson), alors là aussi, on est assuré d’avoir un rayonnement quantique. Selon la longueur d’onde du rayonnement, ces mesures sont plus ou moins difficiles mais dans tous les cas, il faut les faire pour assurer qu’un rayonnement est quantique.

Juste pour information, c'est un sujet qui m'intéresse vraiment et auquel j'ai un peu réfléchi: un des articles récents auquel j'ai participé présente justement une mise en évidence du caractére quantique du rayonnement électromagnétique émis par un conducteur quantique [Phys. Rev. Lett. 130, 106201 (2023)] et je peux dire qu'au niveau expérimental, c'est loin d'être facile. Mais bon, je ne vais pas disserter sur mes propres travaux, ce n'est pas le but ici.

De manière plus générale, le point important est qu’un faible flux de photons ne suffit pas. On peut en effet avoir un rayonnement classique avec un flux arbitrairement faible. Si je prends un matériau avec un nombre macroscopique d’atomes que j’excite par un forcage classique mais très faible, il y a de fortes chances que j’observe un rayonnement classique. En effet, l’excitation est exercée sur un très grand nombre d’atomes qui répondra collectivement de manière "linéaire » ce qui, pour une excitation « classique » conduit à un rayonnement « classique ». Par contre, le rayonnement d’un atome isolé a de bien plus fortes chances d’être quantique car il est plus facile — où moins difficile selon le point de vue et la situation expérimentale considérée -- de le mettre dans une situation où il répondra de manière non linéaire.

Bref, je veux bien que Guerlain invoque un concept qui fait sens en physique quantique pour vendre sa crème mais la moindre des choses consisterait à justifier leur affirmation par des résultats présentant des mesures correspondant à la mise en évidence de cette fameuse "lumière quantique". Or ce n'est pas le cas d’après ce que j’ai vu sur le site. S’ils veulent étayer leurs informations, il faudrait a minima des références publiées montrant qu’ils ont effectivement caractérisé l’émission d’une lumière quantique par des cellules et la variation de celle ci liée à la présence d’un ou plusieurs composés présents dans leur crème.

Plus intéressant, le site web de Guerlain semble avoir évolué sur quelques jours. Plus récemment, je n’ai pas trouvé trace de "lumière quantique » mais la mention d'émission ultra faible de photons... En cherchant un peu, on trouve que cela fait référence à des émission de lumière (les photons sont les unités élémentaire de lumière) par des molécules biologiques du fait de réarrangement de leur nuage électronique sous l'effet d'agents divers dont des composés oxydants, lesquels sont connus pour jouer par ailleurs un rôle dans les mécanismes inflammatoire et le vieillissement (voir la notion de stress oxydant)... Il faut bien comprendre que cette mystérieuse émission de lumière n'est rien d'autre qu'un phénomène de bioluminescence -- que chacun connait via les lucioles -- mais à très basse intensité.

Certes, en principe, l’émission spontanée par un seul atome ou une seule molécule est quantique: un seul photon est émis et un photon unique constitue une radiation non classique. Mais encore une fois, il faut le démontrer par des mesures. En effet, dans un système complexe comme une cellule, qu’est ce qui prouve que la radiation émise n’est pas une réponse linéaire à des fluctuations thermiques dans l’environnement d’un ensemble de molécules ou d’atomes assez gros pour être en régime linéaire ? Guerlain peut trouver qu’on chipote mais les mots ont un sens et la charge de la preuve leur incombe ;-)

Juste un point, j'ai trouvé une référence qui passe en revue les questions de cohérence de la radiation ultrafaible de bioluminescence: il est écrit par des physiciens (dont un français) et est publié dans ce qui semble être un numéro spécial thématique d'une revue pas très connue. Je vous met le lien vers le texte complet... La conclusion de ces auteurs est qu'en 2015, l'état de l'art était qu'on n'a pas de preuve concluante des propriétés de cohérence de ces rayonnement permettant d'en attester le caractère quantique... A ce point, je me dois de rappeler deux points de précaution: tout d'abord, l'article en question date de 2015 et il y a peu avoir des avancées depuis dont je n'ai pas eu vent car c'est loin de mon domaine de recherche. Ensuite, pour la même raison, je confesse me fier au travail de compilation de la littérature par les auteurs de ce papier. 

Mais bon, sauf progrès dont je n'aurais pas eu connaissance, ca ne semble pas évident qu'une lumière quantique (id est "non classique") ait été mise en évidence dans les systèmes biologiques, même "in vitro" (dans une éprouvette). Ceci peut éclairer le rétro-pédalage récent de Guerlain sur ce point ;-)

Bref, à mon avis, les mises au point faites sous la pression médiatique par Guerlain ces derniers jours semblent dessiner ce qui se cache derrière le concept: ce sont sans doute des mesures d'émission de photons à très basse intensité qui sont utilisées pour "justifier" qu'un composant dans la crème influence dans le bon sens le stress oxydatif vu qu’apparemment, il est connu par ailleurs que le stress oxydatif altère ce phénomène.

Voilà donc pour la physique mais j’aimerais souligner quelques points qui me semblent importants:

(1) de telles mesures sont probablement faites sur des cultures cellulaires en éprouvette (in vitro), dans le noir absolu car il faut pouvoir voir le signal d'émission spontanée et donc éliminer toute lumière diffusée et donc dans des conditions qui n'ont rien à voir avec le fonctionnement réel du système biologique qu'est la peau humaine exposée à un environnement bien moins contrôlé. Vous me voyez venir: pas évident que l'effet de la crème en éprouvette ait un effet sur le stress oxydait en conditions réelles 😉 Ca effectivement, c’est une question pour des spécialistes de ces questions, qu’on trouvera plutot chez les biologistes.

Mon avis personnel est que cet argumentaire de vente ne se base pas vraiment sur un enchainement bien compris de cause à effet depuis une mesure physique en conditions réelles à des effets quantifiés en conditions réelles (par des études épidémiologiques) mais sur une chaine de déductions et d’hypothèses, partant de mesures en éprouvette, chaine qui est encore largement en cours d'exploration dans les laboratoires de recherche... 

Autant dire que l'argument est infiniment plus faible que ce qui est requis pour démontrer l'efficacité d'un médicament auprès des autorités de contrôle type agence du médicament 😉

(2) le caractère "quantique" de la lumière n'a en fait rien à voir dans le raisonnement exposé par Guerlain... Les références à la "biologie quantique" sont en fait très tirées par les cheveux: l'étude des effets quantiques en biologie, notamment de l'intrication, est effectivement un domaine sérieux (voir l'article Wikipédia correspondant en anglais qui contient plein de référence) dont l'objectif est de comprendre comment les superpositions quantiques jouent un rôle dans certains processus moléculaires biologiquement importants (photosynthèse, sensibilité aux champs magnétique chez les oiseaux). 

Or dans le cas de Guerlain, il ne s'agit en rien d'utiliser les ressources spécifiquement quantiques comme l'intrication -- superposition pour des systèmes composés -- pour justifier de l'action de la crème mais tout simplement de baser l'argument de vente sur une mesure d'un très faible effet de bioluminescence in vitro pour arguer d'un effet sur le stress oxydatif dans des conditions qui n'ont rien à voir.

En clair, quand bien même ils auraient une preuve expérimentale qu’il y a émission de radiation quantique, ce dont déjà je doute, je doute encore plus qu’ils aient des éléments de preuve que le caractère quantique de la lumière émise  explique l’effet anti-oxydant, et encore moins l’effet anti-âge de la crème. 

Inutile de dire que c'est infiniment moins glamour que ce qui est annoncé par le marketing 😉 Pour tout dire, c'est même au delà de ma limite personnelle de l'honnêteté intellectuelle.

En conclusion, ce qui me gène en tant que scientifique, c'est que cette affaire est un exemple de marketing moderne qui, quand on le décortique, est juste une version post-moderne des arguments de ventes des camelots des siècles passés. Il y a une terminologie scientifique mais employée d'une manière abusive au regard des standards de la communauté scientifique et les niveaux de preuves sont, il faut le dire, très faibles -- pour rester prudent -- sur l'effet en conditions réelles du composé vendu.

Tout cela ne peut qu'entretenir la confusion chez les gens qui n'ont pas de pratique professionnelle de la recherche scientifique ou même de solide formation scientifique. Or dans une société où les enjeux scientifiques sont légion et où il est donc plus que jamais important que les citoyens aient une vision claire du chemin qui sépare une conjecture émise par un chercheur, un résultat scientifique, un consensus scientifique et enfin un objet ou un processus technologique éprouvé, et bien c'est très gênant.

Dans le cas présent on est dans une démarche marketing qui, capitalisant sur quelques résultats scientifiques bien établis couplés à un certain nombre d'hyopothèses encore en cours d'investigation, tend à vendre un produit industriel comme étant basé sur un concensus scientifique solide qui à mon avis n'existe pas ou, au mieux, est fort loin d'être très consolidé...


Pour tout dire, à titre personnel, je pense que cela ne devrait pas être.

Je ne dit pas que Guerlain ne devrait pas vendre son produit au prix où ils le proposent, je dit juste qu'ils ne devraient pas le vendre avec ce type d'argumentaire approximatif et générateur de confusions.

Enfin, en tant que chercheur dans le domaine des technologies quantiques, je me permet de rajouter qu’on a vraiment pas besoin de ce genre de buzz en ce moment. C’est un domaine où beaucoup d’argent est engagé et où, je trouve, il y a parfois trop de buzz dans les échos médiatiques avec des promesses parfois délirantes. Sur le terrain, la recherche avance et les moyens qui nous sont confiés sont, je pense, bien employés mais cela nous oblige collectivement et individuellement à une honnêteté intellectuelle à la hauteur de l’effort financier consenti. 

Pour finir: quelques éléments supplémentaires mais qui vont dans le même sens que ce que je pense avoir compris viennent de sortir dans un papier dans Libération qui a pris le temps de contacter Margaret Ahmad, une experte de ces questions de bioluminescence.

10 juin 2022

NUPES: marché de dupes (2/3)

A partir de mes deux précédents (longs) posts, le décor est posé: quels sont les leviers qu'on peut activer pour générer 10% de plus de richesse ?

1) Produire plus en quantité de manière correspondante...

C'est une approche productiviste classique, qu'on trouve souvent chez certains politiques de droite à courte vue. Il suffirait de produire plus en travaillant plus pour juste générer la richesse correspondante.

Sauf que dans le cas présent, c'est plus compliqué: déjà, on a besoin de plus de moyens financiers pour transformer le système économique afin que celui ci impacte moins les réserves naturelles et les écosystèmes. Produire plus pour produire moins en somme... on sent que ca va finir par poser problème ;-)

En plus, notre capacité à transformer la matière pour produire nécessiterait plus d'énergie. Or on est dépourvus de ressources en hydrocarbures et en charbon et on veut justement se passer de ces imports. Donc clairement, il y aurait en plus un problème de faisabilité...

Enfin, ce n'est pas la réponse à la question posée qui était: comment produire 10% de plus de richesse pour financer une transformation vers une économie où la qualité de vie soit en croissance mais avec un impact matériel en décroissance ?

2) Produire plus en termes de qualité...

Là on joue sur le qualitatif, ce que j'ai appelé la technicité dans mon post 1.5. On parle souvent de "montée en gamme" et oui, je pense que c'est effectivement une voie. De toutes facon, réussir à améliorer la qualité de vie avec un impact matériel en décroissance est clairement d'une technicité supérieure à l'augmentation basée sur la pure augmentation materielle. Donc on est vraiment dans le coeur de la problématique.

Accessoirement, DISCUSSION FAIBLESSES INDUSTRIE. 

TEMPS NECESSAIRE...

Mais à ce stade, je n'ai pas encore commenté sur les options retenues par la NUPES. On y arrive en abordant le troisième point. Si la première voie est excluse, et que la seconde prendra du temps, mais qu'on veut avancer vite, il faut utiliser le troisième levier disponible à savoir le capital. 

3) Financer par l'emprunt

La NUPES refusant de s'engager dans une voie 100% productiviste qui serait incompatible avec sa conversion récente à l'écologie, et ne voyant pas l'intérêt d'une montée en gamme, reste ce que le monde entier a utilisé depuis les années 70 et la diminution de la croissance des flux d'énergie par personne dans les pays avancé: l'ingéniérie financière et donc l'emprunt.

La NUPES prévoit donc de financer le plan à 250 milliards d'euros annuels par l'emprunt. Dans l'approche que j'ai esquissée, cela revient à solliciter la confiance comme moteur de l'économie. Personellement, je n'ai aucun problème avec cela mais pour que la confiance soit au rendez vous sur un paris à +10% de la richesse produite actuellement, il faut convaincre des êtres humains que nous aurons la capacité à dégager cette richesse par notre travail à plus ou moins long terme. Sinon, ben cela ne marchera pas...

Et c'est là que le plan de la NUPES prends l'eau: faute de vouloir avancer résolument sur l'option 2 -- ce qui revient quand même à promettre un peu des larmes et de la sueur -- la NUPES préfère proposer un plan pour forcer la main à 390 millions d'européens pour nous prêter cet argent, quoi qu'il en coute. En gros, cela consiste à tenter de tordre le bras à tous ceux qui ne voudront pas accorder leur confiance sans se poser de questions. 

Curieuse conception de ce qu'est la confiance et la sociabilité. Il y aurait des thèses à écrire sur le sujet...

Mais regardons dans le détail ce qui risque de se passer...

Comment financer un Etat ?

Le point clé, c'est comment techniquement on génère plus de monnaie dans un Etat... Il y a deux méthodes: la première consiste à emettre un emprunt qui permet alors de faire rentrer des capitaux déjà existants mais on doit évidemment les rembourser à terme. La seconde consiste à faire tourner la planche à billet et donc à créer de nouveaux capitaux à partir de rien.

En France, entre les années 1980 et 2010, l'emprunt sur les marchés financiers a financé la transformation de la société française en une économie de services avec une large part de sa jeunesse poursuivant des études jusqu'au bac et au delà. Le résultat est une dette colossale mais qui est associée à un degré de confiance élevé ce qui se traduit par des taux assez faibles et qui reflètent la confiance accordée à notre pays en sa capacité à rembourser les obligations d'Etat quand elles arrivent à expiration. 

Dans l'histoire des 50 dernières années, la mise en place de l'Euro a renforcé cette confiance: en fusionnant de multiples monaies européennes et en faisant converger leurs économies, on a créé un ensemble dans lequel il n'était plus possible d'attaquer une monaie en jouant sur les autres, et qui surtout, dispose de la puissance financière pour contrecarrer n'importe quelle attaque spéculative contre les émissions de dette d'un pays membre de la zone euro.

Cela a été démontré par la cloture de la crise de la dette de 2011 (initiée par les déboires grecs) quand une fois mis en place le système permettant d'éviter que la Grèce ne soit mise en défaut de paiement, le président de la BCE de l'époque, Mario Draghi, déclara que la BCE ferait tout ce qui était en son pouvoir pour contrer les attaques spéculatives. Ces dernières cessèrent immédiatement.

Par comparaison, en 1994, lorsque le franc se trouva attaqué, ni les déclarations du très gaullien premier ministre Balladur, du très européen président Mittérand, du très agité ministre du budget Sarkozy n'eurent aucun effet sur les spéculateurs qui, comme Georges Soros, trouvaient la politique économique de la France déconnante. La banque de France flamba 450 milliards de Francs -- en monnaies étrangères -- en un été pour éviter que le franc ne décroche trop, ce qui aurait conduit à une explosion de tous les prix des denrées et bien importés (dont le pétrole et le gaz) et à une déstabilisation du système monétaire européen.

Cette histoire récente illustre bien l'influence de la confiance accordée à une entité nationale ou supra-nationale: quand la confiance est présente, les taux d'intérêts sont bas, voire voisins de zéro, ce qui permet d'acquérir la capacité à amasser des financements plus facilement que lorsque l'on inspire pas confiance car alors on doit payer une "prime de risque".

Tout cela peut sembler bien abstrait mais en fait, cela a des influences majeures sur nos vies. Le budget de l'Etat nécessite environ 50 à 90 milliards d'euros d'emprunts chaque année pour couvrir l'écart entre les dépenses et les recettes: c'est notre déficit public qui représente entre 25% (avant COVID) et 40% du montant du budget (période COVID) et donc concrètement du salaire de tous les fonctionnaires de France et de Navarre.

Mais comme nous avons en plus plein d'obligations qui arrivent à expiration chaque année, et qui correspondent aux emrpunts effectués entre 10 et 30 ans avant, chaque année c'est 200 à 250 milliards d'euros qui sont "levés" sur les marchés financiers. En fait, à la différence des individus et des entreprises, l'état peut faire de la "cavalerie" pour rembourser ses dettes en ré-empruntant. Au passage, le fait que cela fonctionne montre que les gens qui prêtent (ce qu'on appelle les marchés ou les investisseurs) ont intégré que la dette n'est pas vraiment remboursable: ce qui compte pour évaluer la confiance qu'on nous accorde, c'est notre capacité à ce que les intérêts et le capital des obligations arrivant à échéance soit payés en temps et en heure.

Quand il y a un doute sur la confiance accordée à un pays, la prime de risque augmente... C'est ce qu'on appelle le "spread". Avec 200 milliards d'obligations d'Etat émises par la France chaque année, 1% de prime de risque en plus durant une année, c'est 2 milliards d'euros chaque année en plus durant 10 ans à payer. Ca c'est 60% du budget du CNRS, c'est aussi 30 euros de plus à rembourser par français chaque année pendant 10 ans (durée de vie du gros des obligations émises). Si la prime s'installe durant 5 ans, c'est une couche de plus chaque année ce qui fait qu'à la fin de ces 5 ans, durant encore 5 ans, chaque citoyen français devra payer 150 euros en plus pour le service de la dette, puis ça diminuera à 120 la sixième année, puis à 90 la septiemme etc etc... Je vous laisse calculer le cout total pour chaque citoyen français ;-)

On est certes pas sur les 4000 euros d'investissement annuels de mon post #1 mais quand même, ca fait vite mal aux fesses et surtout, ca risque d'être bien plus que 1% de spread. La crise de la dette souveraine a été déclanchée en Grèce quand le pays avait un déficit d'environ 13% de la richesse nationale produite, tout à fait comparable à la situation dans laquelle se trouverait la France si on rajoutait 10% de la richesse nationale produite d'un coup aux dépenses publique, sans pouvoir convaincre qu'on est capable d'augmenter celle ci à moyen terme. Pour les grecs, c'est le maquillage des comptes publics et l'incapacité de l'administration grèque à lever l'impot qui a été le déclancheur de la crise. En France, le très haut taux de prélèvement jouerait à peu près le même role de "plafond fiscal" et cela suffirait probablement à enclancher une hausse du spread.

A 5% de prime de risque en plus, ce qui correspond au choc de la crise des dettes souveraines pour les pays du sud les moins atteints lors de la crise des dettes souveraines de la période 2010-2013, on est à 150 euros de plus par citoyen français en un an, puis 300 si ca dure un an de plus etc... Rappel: 150 euros de plus par personne, c'est 600 euros de plus pour papa, maman et leurs deux gosses, chaque année pendant dix ans. A 20% de prime de risque, on est à 4 fois les chiffres précedents: jusqu'à 3200 € de service de la dette en plus par famille française papa/maman/2 enfants. Les grecs ont eu droit à +25 % de prime de risque sur quelques mois: ça les a mis a genoux... Ca ferait pareil chez nous.

Cela ne s'est pas fait d'un coup mais progressivement, forcant la banque centrale grèque à emettre des obligations à un taux de plus en plus élevé. En fait, plus personne n'achetait les obligations grecque...

taux_interets_2008_2012



C'est bien par ce biais que le problème arrive: une envolée soutenue mais régulière des taux d'interêts des obligations de la banque de France sur quelques mois à deux ans serait tout simplement intenable pour une grosse partie de la population française... Elle obligerait l'Etat à une levée d'impots massives pour couvrir les surcouts que je viens de calculer ou bien à une diminution de la dépense publique (qui est d'environ 19000 euros par français chaque année).

Enfin, si cela dérapait à la grèque et que les obligations émises par la Banque de France ne trouvaient plus preneur, l'Etat ne pourrait tout simplement plus payer ses fonctionnaires. Et si on en arrivait là, ca serait la Révolution. Les experts de LFI le savent très bien.

Inutile de dire que, bien avant d'en arriver là, le flot d'argent censé alimenté le grand plan de maintenance à 250 milliards, il serait complètement tari car avant de se bloquer, les émissions d'obligations de la banque de France auraient été de plus en plus "difficiles"... Donc adieu vaches, cochon, poulet, transition énergétique et rénovation des services publics, et donc emplois et recettes fiscales associées à ce grand boost d'activité: tout le monde au régime sec et plein de gens à Pôle Emploi.

D'où l'existence d'un "plan B" qui consiste à "forcer la main" de la banque centrale européenne: il s'agit ni plus ni moins que de la forcer à créér de la monnaie européenne pour acheter les obligations d'Etat françaises que personne ne voudrait plus acheter! Comment le faire ? Tout est expliqué dans la réponse faite par Jean Luc Mélenchon lui-même aux experts du Think Tank Terra Nova qui soulignaient précisément le risque d'un choc tel que celui que j'ai expliqué.

Le plan B : "Pondez les euros ou je fais tout péter"

C'est la grande idée: puisque la crise grèque a mis la zone euro au bord du gouffre, personne ne voudra prendre le risque d'une crise de la dette française. Reprenons en détail la réponse de Jean Luc Mélenchon lui même sur son blog:

Une attaque des marchés financiers sur le refinancement de la dette française s’étendrait par contagion à l’Espagne et l’Italie. Mais aussi à la Grèce et au Portugal dans une moindre mesure. Si les 2e, 3e et 4e économies de la zone euro sont sous pression, la BCE sera contrainte d’agir. Sinon ce serait risquer une crise systémique, l’explosion de la zone euro et un impact terrible de la banqueroute alors que 5 banques systémiques sont logées en France. Qui peut vouloir cela ? La BCE ne laissera pas ce risque se matérialiser et la banque centrale dispose d’outils pour casser les attaques spéculatives contre les Etats.

C'est exactement ce que je viens d'expliquer. Regardons ensuite ce qui est prévu:

Elle le fera notamment parce que la France, actionnaire de cette banque, le demandera. Comment ? En prolongeant sa politique de rachats de dettes publiques.

C'est bien ce que je disais: on va demander à la banque européenne d'acheter des obligations émises par la banque de France dont personne d'autre ne voudra.

Ou bien, comme nous le proposons, en annulant la dette en la transformant en dette perpétuelle à taux nul.

Et en prime, à taux d'intérêts nuls! N'importe quelle personne qui a fait racheter son crédit sait que ce genre de requête n'est en général pas très bien reçue ;-) Mais ca ne coute rien de demander!

Le problème c'est que ce n'est pas le mandat de la BCE et que donc une telle demande devra être approuvée par les autres pays membres. Or l'impression de monaie par la BCE n'a eu lieu que pour une seule raison: racheter des actifs pourris qui étaient présents partout, de manière globale, dans l'ensemble de l'UE... C'était un acte de sauvegarde global dans lequel nous avons tous été embarqué et qui plus est a été lancé dans un contexte où la FED avait un programme comparable. C'est le quantitative easing dont j'ai déjà parlé sur ce blog. Il ne s'agissait pas de sauver un seul pays qui ne veut pas se donner les moyens de ses ambitions.

Le contexte est maintenant différent et les motivations de l'opération qui sera demandée par la France aussi. Et la réponse sera différente: à terme ce sera "niet". Ce que les experts de LFI savent très bien et c'est pour cela qu'ils envisagent la suite:

Enfin on peut envisager plusieurs mesures de court et moyen terme pour protéger l’endettement public des éventuelles attaques spéculatives. D’abord en utilisant le pôle public bancaire lors des émissions de dette publique française s’il y a des tensions sur les marchés.

Donc en gros, on va forcer la banque postale et la caisse des dépots à acheter des obligations émises par la banque de France. C'est cela que ca veut dire! Inutile de dire que le degré de confiance accordée à ces derniers va rapidement se dégrader. La banque postale aura du mal à se financer via des prêts interbancaires. Moi je m'en fous: j'ai pas de compte à la Banque Postale ;-)

Ensuite, en augmentant les niveaux de détention de dette souveraine des composantes du pôle public bancaire. Et même, si besoin, en mobilisant la trésorerie abondante et mobilisable, quand c’est le cas, des entreprises et institutions publiques et parapubliques.

Alors là, en tant que fonctionnaire travaillant pour le plus gros organisme de recherche du pays, je peux vous traduire ce que cela veut dire: gels puis réquisition des crédits. On va déshabiller certains services et organismes publics ainsi que des entreprises publiques pour acheter des obligations d'Etat françaises que personne d'autre ne voudra acheter! Oui oui, vous aviez bien lu: on va faire les poches des services et institutions publiques pour financer le grand plan de LFI!

Enfin, en imposant des planchers de détention de dette souveraine française aux banques privées et aux compagnies d’assurance opérant en France. Tous ces remèdes sont des solutions de crise.

Bon là aussi, ca à l'air technique et bien éloigné des préoccupations du citoyen de base. On va mobiliser ces salauds de banquiers! Sauf que ce qui est visé, c'est les obligations détenues dans ce qu'on appelle les "fonds euro" des assurance vie. Si vous avez le moindre kopeck d'épargne placé sur un tel plan, qui est le placement préféré des français avec 1600 milliards d'euros placés ainsi dans notre pays, ben vous l'aurez dans l'os: on va remplacer les obligations allemandes, néérlandaises etc par des obligations de la banque de France. Au début, plein de gens seront contents parce que le rendement va monter... sauf que quand il faudra vendre, ben ca ne vaudra plus rien donc la banque vous mettra des freins pas possibles.

En gros ce qui est organisé c'est tordre le bras à ces citoyens français pour leur faire acheter des obligations en voie d'être "pourries", et pas forcément les très riches. Si vous avez une assurance vie, vous êtes directement concernés.

En pratique, on en va pas se mentir: la plupart des "petits épargnants" avec une "petite assurance vie", ne s'en occupent jamais. L'argent reste en fond euro des années, voire des décénie et est vue comme une manière de placer de manière sure, avec une fiscalité pas trop défavorable lors de la succession. Donc les "petits", ils resteront à roupiller et c'est des années plus tard que la mauvaise surprise les rattrapera. Ce seront les dindons de la farce.

Bien avant cela, les banques auront invité leurs "gros épargnants", ce qui ont accès aux plans d'assurance dont le seuil d'entrée est de 300 000 euros, à "diversifier leurs fonds", c'est à dire à vendre les fonds euros pour les remettre soit sur des actifs extra-nationales (actions US, émergentes), soit sur des fonds euros localisés par exemple au Luxembourg ou aux Pays Bas et qui échapperont donc à la machine infernale mise en place par LFI. Croyez moi, si je vous décrit cela, c'est que je sais comment ça marche ;-)

Peut être que vous commencez à comprendre pourquoi je parle de "marché de dupes" ? 

Mais bon, ce n'est pas fini. Continuons à lire le camarade Mélenchon:

Si le message de prudence n’est pas entendu ni respecté par le secteur financier il n’y aura aucune faiblesse dans leur mise en œuvre.

Du grand Jean-Luc ça: on sent le social-démocrate partisan de la négociation européenne... Bon je blague: c'est une menace d'un leader autoritaire, ni plus ni moins.

A cela s’ajoutent d’autres mesures de crise tout aussi drastiques mobilisables en peu de temps. Comme de réformer les émissions de dette souveraine en obligeant les principales banques privées à participer (sans frais) aux émissions, et en les soumettant à des planchers d’achat.

Donc en clair, on va forcer les banques à avaler des obligations de la banque de France et donc à dégrader la qualité de leurs actifs. Comment elles vont gérer cela ? Personne ne le dit mais il faut se rappeler que ca veut dire que même vos dépots bancaires, votre compte courant, risque d'être adossé à un "collateral" sous forme obligations potentillement pourries sans qu'on vous previenne. Tout cela ne va pas mener très loin... si ce n'est à une faillitte des banques.

Le comique du rapport Terra Nova n’est ni dans ce bidouillage de chiffres ni dans sa mauvaise foi ni même dans son catastrophisme. Il est dans le fait de douter que nous ayons pleine conscience du fait que nous ne raisonnons pas à partir du même cadre. Et que nous n’ayons rien appris de l’improductivité totale de la soumission du gouvernement Tsípras aux diktats germano-français. L’économie est pour nous un circuit de service des besoins humains. Pour les satisfaire, nous sommes déterminés à n’accepter les injonctions d’aucune vache sacrée.

C'est bien là qu'est soir un aveuglement, soit une hypocrisie majeure du camarade Mélanchon. En matière de finances, il n'y a pas de "vache sacré"... Le taureau de Wall Street qu'on utilise souvent pour symboliser les marchés financiers n'est qu'une statue de bronze. Dans le monde réél de la finance, il y a certes des institutions financières lais surtout, derrière, il y a le secteur "abstrait" de l'économie basé sur le confiance que vous, moi, l'épargnant américain, allemand, espagnol, place dans ce vaste réseau d'interdépendances...

Ce qu'ignore ou feint d'ignorer Mélenchon, c'est que la vache sacrée, c'est NOUS! Et à la fin, c'est nous tous qui paieront les pots cassés car le patrimoine de ceux qui n'ont pas de capitaux mobiles, c'est la confiance accordée à la signature de notre pays, c'est nos services publics dont la capacité à être financée est associée à la confiance accordée à cette signature.

Marché de dupes je vous dit: dans cette croisade de LFI, c'est vous, moi, tout le monde et surtout les plus fragiles la chair à canon! C'est plus clair comme cela ?

Quelle est la réponse la plus probable ?

De la même manière que Mélenchon trouve naïf d'imaginer que ses experts n'ait pas tiré les leçon de la capitulation grèque devant l'UE et n'aient pas prévu un plan B, il est naif de croire que l'ensemble des pays du nord, les experts de la BCE et les grandes banques européennes vont rester sans anticiper les pires scénarios. Un contre plan B, que je préfère appeler "plan X" sera mis en place. Il est facile d'imaginer ses grandes lignes, qui sont ce que je ferais si j'étais à leur place:

1) Préparer un plan de contingence permettant le soutien aux pays du Sud autres que la France en cas de divergence des taux d'intérêts.

2) A bas bruit, isoler peu à peu la france en envisageant une diminution drastique des échanges financiers et même commerciaux avec elle... Etablissement d'un cordon sanitaire autour des banques françaises systémique pour permettre aux autres banques européennes systémiques de continuer à fonctionner même en cas de faillitte des cinq.

3) Inviter les détendeurs de capitaux français à mettre ceux ci à l'abri dans des banques hors de la zone euros: déplacements de comptes, conversions progressive d'obligations du trésor françaises en obligations d'autres pays de la zone euro ou rapide en passant par des conversions en actions d'entreprises non françaises et cotées hors place de Paris...

Les banques privées allemandes, belges, hollandaises, luxembourgeoises seront ravies de procéder à cela et il est probable que cela se fera avec l'aide des banques françaises qui espéreront conserver ainsi un peu de fidélité de leurs plus riches clients. De toutes façon, les téléphones n'arreteront pas de sonner ;-)

4) Prévoir une dernière chance: gagner du temps quand le climax surviendra pour que la pression sur la population française devienne tellement insupportable qu'une crise politique aboutisse à un changement de gouvernement.

5) Envisager le pire: la survenue du crash sous la forme d'un défaut de la France et alors pousser celle ci à la sortie de la zone euro pour qu'elle repenne une monnaie nationale. Le plan X, c'est le X de "eXpulsion". Du point de vue des faucons dans les pays "frugaux" du Nord, l'eXpulsion de la France de la zone Euro, c'est la "magic bullet":

- elle expulsera le problème francais de la zone euro avec un cout certes terrible mais qui sera d'un ordre de grandeur inférieur au choc que subira alors la France. Ca sera un aspirateur à confiance massif en direction du reste de la zone euro et la chute dans le trou noir de la défiance pour nous...

En effet, les bons du Trésor en franc ne trouveront pas plus preneur, il y aura eu une fuite de capitaux terribles, plus aucune grande, moyenne et même petite entreprise française ne pourra se financer... Plusieurs banques françaises auront fait faillitte. Le tout nouveau franc sera en chute libre: c'est un scénario à l'Argentine qui se profle avec une chute des revenus effectifs en dizaines de %, une inflation annuelle à deux chiffres et un chaos social, économique et politique sans précédent depuis la seconde guerre mondiale. Tout cela sans Marine Le Pen!

- la France ne s'en relèvera pas: ce sera un pays affaibli qui terminera à l'issue d'une période de troubles massifs sous tutelle du FMI, avec une classe politique ravagée (la gauche française sera enterrée un peu comme le nationalisme en allemagne après 1945), l'économie sera effondrée, les plus diplomés en fuite massive à l'étranger. C'en sera terminé de la position de la France dans l'UE telle que nous l'avons connue, et même probablement à l'ONU. On sera sortis de l'histoire du monde par la petite porte.... Du point de vue des faucons dans les pays du Nord, l'arrogance française aura eu ce qu'elle méritait.

Bien entendu, évidemment, en tant de cohabitation, avec un président qui est parfaitement conscient de ce que j'écris (c'est un ancien banquier), ca partira dans le décor bien avant cela. Je pense que dès le désordre installé, il dissoudra l'assemblée en se posant en garant de la signature du pays et du respect de nos engagements via les traités européens (que les manips discutées plus tot violent allégrement) et je doute que la NUPES ne regagne une partie gratuite dans un pays où les effets de la crise de la dette auront déjà bien fait des ravages. Je pense que la NUPES aura volé en éclat bien avant...

Il est très peu probable que les points (4) et (5) soient mis en oeuvre mais il faut être conscient que dans le pire des scénarios, c'est ce qui pourrait se passer.

Mais les points (1) à (3) ci dessus seront sans doute mis en oeuvre dès le lendemain d'une victoire NUPES. De manière furtive mais résolue... Et ca sera le début de la l'orage, quand le ciel n'est pas encore noir mais que les nuages changent et l'air se fait plus lourd.

Voilà pourquoi je pense que la NUPES était une erreur. Le programme économique de LFI se heurtera au manque de confiance dans notre capacité à financer les 10-12% de notre richesse nationale en efforts d'investissements supplémentaire tout simplement parce que LFI ne veut pas mettre en place un programme pour muscler notre capacité à produire cette richesse. Le seul plan qui est prévu, c'est celui qui consiste à prendre en otage la zone euro pour forcer la banque centrale européenne à imprimer de la monaie à notre seul bénéfice.

Et ca, je suis désolé mais c'est inacceptable: où est le respect des autres citoyens de l'UE là dedans ? Selon que vous soyez né en France ou dans un autre pays de l'UE, vous n'avez clairement pas le. droit au même chez LFI.


10 juin 2022

NUPES: marché de dupes (1.5/3)

Comme je l'ai expliqué dans le précédent post de cette série, le problème du programme NUPES n'est pas dans l'estimation de l'ampleur de l'effort d'investissement auquel nous allons être confronté mais plutot dans l'algorithme retenu pour y arriver. En gros, comment financer cela... 

Je pourrais aussi être critique sur des éléments du programme, notammenent le choix de sortir du nucléaire, mais ce n'est pas le point que je voudrais discuter ici. Ca ne veut pas dire que cela ne soit pas important mais mon point porte vraiment sur la crédibilité de l'algorithme proposé pour financer cela.

En effet, le point essentiel est que, en moyenne lissée dans le temps, l'effort à faire représente un peu plus de 10% de la richesse totale produite comptabilisée en unités monétaires. Je préfère préciser tout de suite car même si je pense que la notion de richesse produite définie par le PIB n'est pas la "bonne" d'un point de vue conceptuel, c'est celle là qui compte ce qui peut être redistribué pour faire des choses. Même si une femme ou un homme qui s'occupe de ses enfants à la maison ou qui entretien les fleurs sur son balcon contribue à l'amélioration de la vie collective, on ne peut pas redistribuer cela sauf à assigner autoritairement le temps "non professionnel" des uns et des unes à des activités jugées utiles pout l'intérêt général (ce qui, je pense, receuillerait une adhésion très modérée...).

Il va donc falloir trouver 11 euros et quelques là où avant, il y en avait 10 sachant que sur ces 10, 5 sont déjà mobilisés par la dépense publique, qu'il faut bien que les gens mangent, s'habillent, payent les commodités de base, que les entreprises doivent aussi assurer leurs investissements (y compris de mainenance) et donc que dans les 10, sans doute 9 sont déjà des dépenses contraintes quasiment incompressibles et le 1 qui n'est pas les 9 incompressibles correspond à ce qui nous sépare d'une vie de privation totale que connaissent ceux et celles sous le seuil de pauvreté.

Pour produire de la richesse, il faut avoir quelque chose à proposer que d'autres personnes sont prêtes à échanger contre de l'argent qui est un "vecteur de valeur" permettant de troquer la fabrication d'un meuble contre l'acqusition de produits pour faire des crèpes (farine oeufs etc) ou se faire des souvenirs de vacances (pellicule photo ou carte mémoire): bref des trucs qui n'ont rien à voir... 

Dans l'économie du quotidien à laquelle nous sommes toutes et tous habitués, la richesse est issue d'un travail. Quand on achète un meuble par exemple, on va payer l'ensemble de la chaine qui a conduit des matériaux bruts fournis gratuitements par mère nature (comme le dit Jancovici) au produit fini: cela inclus l'extraction de ces matériaux bruts et leur transformation en matériaux utilisables (de l'arbre aux planches par exemple), l'acheminement de ceux ci sur les lieux de transformation (l'usine de meubles), leur mise en forme (travail des ouvriers, et frais liés à l'emplois de machines) pour aboutir au produit fini et enfin acheminement de ce dernier. 

Dans cette partie de l'économie à laquelle nos parents, grands parents, arrière grands parents, et nous mêmes sommes habitués et que j'appelle le "secteur concret", la valeur des choses est directement reliée à deux indicateurs: la quantité d'une part (cf la notion de prix au kg des patates) et la technicité d'autre part.

La notion de quantité va au delà de la notion de masse ou de volume: elle recouvre aussi le nombre d'étapes qui doivent être faites. Si un avion est bien plus cher qu'un camion, qui est lui même bien plus cher qu'une voiture, alors qu'en gros on est sur un niveau de technologie comparable, c'est par la masse de matériaux maus aussi, et surtout, par la complexité du processus de fabrication. En gros, c'est le nombre de pièces assemblées qui fait la différence.

La technicité, elle, est à prendre dans un sens large: ce n'est pas la "technologie". Bien sur, les ingénieurs de chez ASML, fabricant des machines-outils pour la lithographie permettant de graver des processeurs à 5 nm, ont une technicité élevée associée à des savoirs faires dans la haute technologie mais, finalement, la notion est bien plus large. Ainsi, les compagnons du devoir charpentiers, les couturières de chez Channel, ne travaillent pas dans la haute technogie mais ont une grande technicité dans leur métier. L'agriculteur qui cultive des légumes rares et fragiles a une grande technicité comparé à celui qui cultive des produits largements répandus et robustes. Le médecin a une technicité que l'on pourrait relier naïvement à la technologie mais c'est louper un point essentiel: son "sens clinique" est l'essence même de sa technicité, plus que l'appareil IRM situé trois étages plus bas que sa salle d'examen...

Pour résumer, la technicité c'est la maitrise des savoir-faires, et c'est ce qui fait la hierarchie des valeurs en euros au sein d'un même corps de métier, ou d'une même famille de produit. La technicité est principalement une notion comparative: une haute technicité est par définition rare et c'est pour cela qu'elle se traduit par une forte valeur ajoutée: ce qui est rare est cher dit le proverbe.

Je doute que les experts économiques de la NUPES remettent en cause ni n'ignorent les deux lois qui gouvernent le "secteur concret" de l'économie: d'une part: plus gros ou plus complexe = plus cher et d'autre part: ce qui est hautement technique et donc rare est plus cher.

Par contre, mon intuition est qu'ils oublient que le travail n'est pas le seul élément qui fait tourner une économie. Et là c'est plus génant... 

Pour comprendre quel est le second élément, il faut s'intéresser à un autre secteur de l'économie que je vais appeler le "secteur abstrait"... Pourquoi abstrait ? Parce qu'on y échange pas quelque chose qui est issu d'un processus de fabrication. Chacun aura compris que le secteur financier en fait partie mais ce n'est pas le seul: quand on achète un appartement ou une maison, j'affirme qu'on est dans le "secteur abstrait" alors qu'on parle pourtant d'un objet on ne peut plus matériel.

La raison est simple: dans la plupart des cas, les logements qui sont achetés et vendus existent déjà depuis belle lurette, parfois depuis bien plus qu'une génération. On achête donc pas du tout ce qui correspond à leur fabrication (c'est à dire la chaine d'activités qui conduit du sable ou des pierres ou des arbres à l'assemblage final qu'est le batiment). 

Mais alors qu'est ce qui fixe la valeur monétaire dans le secteur "abstrait" ? Ma réponse est que c'est quelque chose d'immatériel, qui relève bien plus d'une notion d'information, mais qui est une valeur essentiellement humaine: c'est la confiance.

Quand on achète un appartement, on achète un lieu pour vivre avec son état et son environnement, qui sont des éléments permettant d'accéder à un certain type de vie personnelle et professionnelle. Les appartements dans une métropole comme Lyon sont censés assurer l'accès aux commodités de la grande métropole et à son bassin d'emploi. Un appartement bien isolé est censé assurer une capacité à tenir des hivers rigoureux sans se ruiner en chauffage. Un appartement refait est censé assurer la capacité d'y vivre sans devoir investir beaucoup en maintenance à court terme. La confiance se cache dans le "censé assurer"...  Plus le degré de confiance en la capacité d'un logement à assurer certains "éléments de vie" appréciés est élevé, plus il sera recherché et plus il sera cher. Inversement, un appartement dans une zone promise à la démolition ne vaut plus rien, et cela quel que soit ses caractéristiques, sa localisation ou son état.

Quand on contracte un prêt, on sollicite d'un préteur un capital que l'on devra rembourser. Evidemment, le préteur ne se rémunère pas sur le capital... il échange le service qui consiste à préter contre des intérêts. Mais qu'est ce qui détermine les intérêts ? C'est la confiance en la capacité de l'emprunteur à rembourser le capital... C'est vrai à l'échelle individuelle (quand on emprunte pour se loger), mais aussi à l'échelle des entreprises et enfin, à l'échelle des états.

Mais il ne faudrait pas croire que la confiance ne soit présente que dans le monde froid et inhumain de la finance! 

Dans les métiers du service et même du soin (les anglo-saxons diraient du "care"), la notion de confiance est absolument cruciale: si j'ai besoin de quelqu'un pour garder mon chat, mon choix sera guidé par une évaluation du degré de confiance en la personne. C'est vrai aussi pour les gardes d'enfants ou le choix d'une aide ou d'un infirmier pour un parent agé. Je ne connais personne qui ait pris comme critère de choix les qualifications qui sont des indicateurs de technicité: c'est souvent une simple condition nécessaire. Mais par contre les recommandations, le bouche à oreille, jouent un rôle essentiel dans l'évaluation de la confiance dans la capacité du professionnel à assurer le meilleur service possible. En fait, plus un métier est au coeur de l'humain, plus la notion de confiance y est importante.

Enfin, l'archétype du secteur "abstrait" est évidemment la bourse... au sein de laquelle la valeur des titres reflète le degré de confiance attribué par l'ensemble des investisseurs en les entités émettrices de ces titres. Mais, et c'est pour cela que j'ai développé tous les exemples avant, le secteur "abstrait" est en fait bien plus large que la bourse... 

Si le "secteur concret" de l'économie se caractérise peu ou prou par la transformation de la matière et est donc indissociable de l'énergie, avec une échelle de valeur fixée, dans l'approche classique de l'économie, par la quantité (de matière et de transformation) et la technicité que cela requiert, le "secteur abstrait" est un secteur où on échange des possibilités (de se loger, de mobiliser du capital, d'accéder à certains services) avec une échelle de valeur basée sur le degré de confiance

Les deux secteurs ne sont pas disjoints: ainsi, dans le "secteur concret", l'évaluation de la capacité d'un "producteur" à assurer un certain niveau de technicité est une attribution d'un degré de confiance qui contribue, comme je l'ai expliqué, de manière cruciale à la valeur de la prestation. Et si le secteur "abstrait" existe, c'est pour permettre au secteur "concret" d'effectuer des investissements dans la durée, qu'il s'agisse du pizzaiolo qui va acheter un nouveau four aux Etats eux mêmes.

En fait, si je parle de secteurs "concrets" et "abstraits" c'est juste par commodité: pour moi, l'un n'est pas plus abstrait que l'autre. Mais la notion de degré de confiance est quelque chose de bien plus subjectif et moins facile à appréhender que celle de masse, de volume, de rareté d'un matériau, et même de technicité d'une activité. C'est très paradoxal car, selon certains spécialistes en sciences cognitives, le cerveau humain est cablé pour prendre des décisions en fonction d'une attribution de niveaux de confiance... Ainsi le secteur "abstrait" est probablement celui où la subjectivité humaine est la plus présente alors que pour le secteur "concret", on peut plus facilement objectiviser ce qui fait la valeur des choses. 

Mon point à ce niveau, c'est que l'économie fonctionne à partir de deux carburants: l'énergie (qui permet de transformer et de faire du "travail" et donc de "produire") mais aussi la confiance (qui permet de se projeter vers l'avenir et de prendre des risques).

Sans confiance, il n'y a plus d'économie qui fonctionne. A la limite y'a même plus de société: sans confiance, il n'y a plus de sociabilité possible. Il n'y a plus que des prédateurs solitaires. Or nous ne sommes pas et nous n'avons jamais été comme cela: nous sommes des animaux sociaux et c'est sans doute pour cela que nous construit des sociétés et que notre économie carbure certes à l'énergie mais aussi à la confiance... 

Mon point, c'est que la NUPES imagine pouvoir financer son programme en s'asseyant sur la confiance. Je pense que cela ne marchera pas.

Pourquoi est ce que la NUPES a ce point aveugle ? Grande question... La seule explication que je vois est le "surmoi" marxiste qui tend à visser la vision sur le dogme selon lequel la production n'est que l'expression du capital et du travail des travailleurs... Et là, c'est terriblement décevant... car cela revient à voir le monde à travers une vision donnée par la théorie économique classique dont on sait qu'elle est dépassée au niveau conceptuel vu qu'elle est conçue pour un monde infini.

Déjà, Jancovici développe en long, large et travers, le fait que la production n'est pas que fonction du capital et du travail des travailleurs mais aussi des externalités que sont les flux  -- en particulier énergétiques et matériels -- extraits de l'environnement ainsi que des services rendus par la biosphère. Dans un monde fini, il n'y a pas que le travail des travailleurs et le capital qui détermiment la production... Tot ou tard, on est rattrapé par l'impact sur les réserves et services de la biosphère. Donc Marx avait déjà tout faux mais bon, il n'était pas le seul et il y en a eu plein d'autres après lui (dont les économistes de l'école de Chicago, grands adorateurs du chaos comme agent auto-régulateur devant l'Eternel)...

Ce que je dis en plus, c'est que même si le capital n'est qu'une boucle interne au système économique (cf Jancovici), son évolution, et parfois sa valeur même sont l'expression de degrés de confiance attribués de manière pas forcément rationnelle par des êtres humains (en clair, homo économicus n'est pas l'acteur rationel de la théorie classique). Je dis aussi que la confiance est le carburant qui fait circuler le capital, lequel permet effectivement d'effectuer des ré-allocations différées de ressources financières dans le système financier. Et sans confiance, le système économique se bloque faute d'être capable de désynchroniser les allocations de ressources des flux instantanés pour investir et se transformer dans la durée.

Dit autrement, pour faire tourner une économie, il faut de l'énergie et une biosphère fonctionnelle, mais aussi de la confiance. Comme dit la sagesse populaire: "l'espoir fait vivre" et "poignée de main vaut contrat" (voir la vidéo)... 



Parce qu'elle fait complètement l'impasse sur le troisième élément, la NUPES va dans le mur. Dans le prochain post, j'analyserai pourquoi plus précisément.

8 juin 2022

NUPES: le marché de dupes (1/3)

Dans quelques jours, on va voter pour les legislatives et ce choix va évidemment impacter la trajectoire du pays pour les 5 années à venir. Il est donc important de voir quels en sont les tenants et aboutissants et quels sont les différents programmes présentés.

Comme je l'avait prévu, on est dans une configuration à trois blocs avec d'un coté le bloc identitaire d'extrème droite (FN + Reconquête), le blob central qui maintenant intègre un large spectre de sensibilités (de la droite plutot conservatrice à la gauche sociale démocrate en passant par les nuances du centre) et enfin le bloc NUPES dans lequel, pour cette élection, LFI est en position de force.

Je ne vais pas m'attarder sur le bloc nationaliste qui manifestement n'essaye pas d'avoir une majorité et donc de gouverner: ils sont divisés et ne font pour ainsi dire pas campagne. Marine Le Pen est assurée d'être réélue mais clairement gouverner pendant les 5 prochaines années ne l'intéresse pas... Outre le fait que leur programme soit incohérent, il ne semble pas y avoir d'autre enjeux de leur coté autre que d'assurer une rente et une tribune à quelques dizaines de cadres de ces mouvements respectifs.

C'est tout à fait différent avec la NUPES et en particulier avec LFI qui voit dans cette élection un troisième tour de la présidentielle.

Très récemment, Jean-Luc Mélanchon a présenté le chiffrage de son projet économique pour le pays. On dispose donc d'éléments précis pour discuter et donc évaluer si c'est une option valable ou pas. 

Pour commencer sur des bases claires, je ne remet absolument pas en cause un certain nombre d'éléments: oui, on entre dans une période où il va falloir financer un certain nombre de choses pas forcément très "glamour". J'appelle cette période "l'age de la maintenance" pour bien souligner qu'il va s'agir principalement de conserver des capacités plutot que de faire une expansion de celles-ci. On peut aussi parler de "sobriété" mais je pense que cela loupe le fait qu'il s'agit d'éviter de perdre un certain nombre d'acquis plutot que de faire un choix de convenance personnelle dont on pourrait naivement penser qu'il est optionnel et ne nous impacterait pas tant que cela finalement. 

La maintenance, c'est pas optionnel: si on ne la fait pas, il y a des conséquences désagréables. C'est quelque chose à laquelle on est en fait plus ou moins contraint, et même plutot plus que moins sur des choses aussi vitales que les infrastructures de base et les services publics.

Concrètement, qu'est ce que l'age de la maintenance auquel je fais allusion ? C'est chercher à résoudre deux problèmes majeurs:

1) Un paquet de services publics sont en fait largement sous financés.

Par de 5 ou 10% mais plutot de 30 à 50%.

Dans mon secteur (recherche et enseignement supérieur), on est à 25-30 % de sous financement pour revenir au niveau où de pays comparables et ne pas finir par décrocher de manière irreversible. Dans le secteur de la santé, on est sans doute quelque part dans les mêmes eaux, voire pire si on veut se redonner des marges en cas de coup dur comme le COVID et éviter d'envoyer des soignants au burnout et donc à la démission.

Je ne vous parle pas de la justice qui croule sous le sous investissement et n'arrive plus depuis longtemps à exercer sa mission dans des délais décents (ce qui maintient pas mal de gens dans la mouise voire dans la souffrance)...

Je ne dit pas qu'il faut payer les chercheurs ou les médecins comme des stars du foot, mais qu'il faut redonner des marges pour que tout le monde ne soit plus au taquet tout le temps. Ca veut dire plus de moyens, souvent sous la forme de personnel en plus, parfois d'investissements dans des locaux, de la formation, parfois aussi sous la forme de salaires mais aussi d'horaires décents (je pense aux internes en médecine).

Maintenant regardez les budgets et faites le calcul: on est à 30 milliards annuels pour enseignement supérieur et recherche, 10 pour la justice, 80 rien que pour l'hôpital public. Additionnez le tout: 120 milliards chaque année.

Prenez un quart pour estimer combien il faudrait pour remettre de l'huile juste là dedans: on arrive à 30 milliards d'euros pour 67 millions de français, sachant qu'on est déjà avec un budget en déficit de 90 milliards par an (je veux bien redescendre à 70 pour éviter d'être trop biaisé par les années actuelles avec le "quoi qu'il en coute" si on veut mais cela ne change pas grand chose). 

Donc pour arriver à se remettre à flot tout en bossant juste une partie des services publics (j'ai pas parlé du logement, de la transition énergétique, etc etc... juste deux trois trucs sans même inclure l'enseignement jusqu'au bac), on est à 100 à 120 milliards par an. Cela représente pas loin de 1800 euros par citoyen français chaque année (soit 7200 pour papa/maman et leur deux gosses)...

2) Il va falloir des investissements massifs pour la transition énergétique, la préservation des ressources naturelles, l'adaptation à l'évolution du climat.

Là aussi, les chiffres sont massifs : on a 5 millions de passoires thermiques dans le pays qui nécessiteront plus de 15 000 euros de travaux chacun (75 milliards d'euros), sans doute une quinzaine de millions de logement qui nécessiteront des rénovations importantes pour ne pas devenir invivables lors des canicules. (avec à la clé une somme équivalente à dépenser). On a 25% de pertes sur le réseau d'eau potable du fait de fuites dans les canalisations (si si)... On a un parc entier de centrales nucléaires à upgrader avec de nouveaux réacteurs (cout: 400 milliards) ou d'éoliennes (a minima c'est aussi cher en système complet comme le discute très bien Jancovici)...

Il faudrait évidemment rajouter à l'inventaire le déploiement d'un parc de bornes de recharges pour les véhicules électriques (5 million de bornes moyenne puissance à 1000 euros et 100 000 de grande puissance à 10 000 euros pièce ca va bien faire un total de 7 milliards sans compter l'infrastructure d'amenée de courant... sachant que ca fait moins de bornes de recharge grande puissance que de pompes à essence il y a 30 ans en France), mais aussi la rénovation et l'adaptation des batiments publics au changement climatique, les travaux d'amènagement dans les villes pour plus de transports en commun, plus de végatalisation, plus de pistes cyclables...

Bref, à la fin, on va surement taper quelque part entre 500 et 1000 milliards d'euros sur une vingtaine d'années, soit 25 à 50 milliards par an en moyenne. Mettons que je me sois trompé d'un facteur deux et on arrive aussi autour de 50 à 100 milliards annuels.

Le bilan net c'est qu'on va devoir en gros, et en moyenne lissée, investir de l'ordre de 4000 euros par an et par citoyen français durant les 20 prochaines années pour avoir, à la sortie, un pays qui: d'une part, retrouve le niveau de qualité des services publics que les gens attendent, et qui d'autre part soit en bonne voie d'avoir adapté son parc de logements à la nouvelle donne énergétique et climatique, et qui pour finir, ait un système de collecte de l'énergie en bonne voie pour éliminer tous les hydrocarbures (gaz et pétrole). Ce sont en gros les grands objectifs du programme de la NUPES ou en tous cas c'est quelque chose qu'ils ne renieraient pas.

Et attention, je n'ai pas inclus le cout de remplacement des véhicules thermiques pour les particuliers, ni l'évolution probable des prix sur un certain nombre de produits manufacturés si la production est relocalisée en France. 

Bien sur, c'est une moyenne lissée: en pratique, on ne va pas demander à chaque citoyen français de cracher 4000 euros chaque année. Certaines dépenses ne seront pas déclanchées de suite (la construction des centrales nucléaires, la rénovation des batiments publics), il y aura du financement par l'emprunt soit directement pour les infrastructures publiques, soit pour finnancer les mécanismes d'aides qui feront que ceux qui n'ont pas les moyens de financer leru propre adaptation ne seront pas laissés en plan.

Mais bon, c'est utile d'avoir l'ordre de grandeur en tête et surtout de le ramener à la richesse que nous produisons par personne: 38 k€ euros par an et par citoyen.

On voit que c'est loin d'être négligeable car une partie de la richesse produite est en fait déjà engagée dans des "dépenses contraintes" dont les dépenses publiques (environ 50% de cette masse) mais aussi le train de vie des citoyens (salaire médian net après impot: 1.7 k€ mensuels soit 20 k€ annuels par actif) qui n'est pas celui des rois du pétrole (rappel: seule 7% de la population dispose d'un revenu net après impots et charges sociales supérieur à 3.6 k€ par mois). 

Je le redis pour que cela soit clair: un effort d'investissement de 4 k€ par citoyen (soit 8 k€ par actif !) chaque année représente un effort très lourd pour un pays comme le notre. Pour être concrêt, cela n'est pas atteignable par un peu ni même beaucoup de sobriété sur les vacances, les fringues, les restos, les planches apéro, les clops et même les cadeaux de Noël des enfants.

Si on prend le chiffrage présenté par le camarade Mélenchon lui-même, on est sur les mêmes ordres de grandeur: il prévoit 250 milliards d'euros de dépenses annuelles en plus.

chiffrage_NUPES



Nous sommes donc d'accord sur en gros un ordre de grandeur de l'impact. Je précise pour les gens qui me lisent que j'ai fait ma propre estimation à la louche sans avoir regardé le chiffre donné par Mélanchon. Certains pourraient argumenter que oui, tout cela, c'est en voulant du "all inclusive" et qu'on pourrait faire avec des ambitions plus limitées. En fait, je pense que les ordres de grandeurs sont les bons et que entre 150 et 250 milliards par an, ca ne change pas fondamentalement l'ordre de grandeur du problème.

La question, que j'aborderai dans le prochain post, c'est dont de savoir si le programme de la NUPES propose des solutions réalistes pour conduire ce gigantesque double chantier de maintenance de notre pays...

Stay tuned...



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10 avril 2022

Ca y est, on est dans le toboggan (1)

En ce dimanche de vote, certains seront surement surpris de la différence d'activité sur mon blog entre cette année d'élection et la précédente (2017). C'est vrai: je n'ai pas vraiment eu le temps ni l'énergie de m'exprimer... Mais cela ne veut pas dire que je n'ai pas eu envie de le faire.

Plutot qu'une longue série de posts, ma réponse postée sur une liste de diffusions de vieux militants de la cause des doctorants qui résume assez bien pourquoi je n'ai pas pu m'exprimer autant qu'il y a 5 ans, et comment je vois l'évolution de mon univers professionnel au delà de la perspective de cette élection.
Si je ne me trompe, cela doit être la première élection présidentielle où nous ne titillons pas/chamaillons pas un peu sur cette liste

Pas faux...

Nous veillissons ? 

Oui évidemment. A titre personnel, je suis dans la fin d'un long tunnel de surcharge de travail lié à plusieurs facteurs, dont six semaines HS depuis début janvier pour cause de COVID puis d’une sinusite qui a failli dégénérer en pneumonie… Bilan: 6 semaines out sur 12. Ceci explique cela et mon inertie à répondre à divers mails que j’ai pu recevoir...
Sinon effectivement, comme le dit F., le mode « survie » est une réalité mais là dedans, il faut rendre à César ce qui appartient à César:
1) En vieillissant certains d’entre nous se retrouvent à des postes et à des niveaux d'ancienneté où effectivement, il nous incombe de « faire tourner la baraque » plus qu’il y a 20 ans. C’est objectivement plus de pression. 
Mais soyons honnêtes, cela le serait aussi même dans un monde idéal sauf à la jouer vieux prof littéraire des 80s flamboyantes qui ne s’occupait pas de ses doctorants, des étudiants à qui il enseigne et qui se contentait d’aller congratuler ses pairs dans des colloques en sirotant des coktails.
2) Douze ans de sous-recrutement dans l’université et dans la recherche commencent à se voir : on est moins nombreux sur le pont… Un de moins sur 10 selon les propres mots du président du CNRS. Et cela se rajoute à l’effet précédent. 
Comme je le dis à mes collègues, si on continue dans cette spirale de contraction, quand je vais partir à la retraite, je mettrai l’intégralité des papiers qui sont dans mon bureau à la benne, je reformatterai les disques durs du matériel appartenant au CNRS ou à l’ENS puis je fermerai la lumière, ce qui ne laissera aucune trace de mon activité au laboratoire autre que ce qui est publié… En terme de politique RH, normalement on fait mieux...
3) Vingt ans d’augmentation de la puissance des ordinateurs et de l’interconnexion en réseau ont considérablement augmenté le pouvoir de nuisance des administratifs..
Très concrètement, là où une mission se bouclait en dix minutes de discussions au secrétariat après avoir essentiellement acheté ses billets de train via un minitel, il faut maintenant une demi heure de saisie dans un logiciel type Rydoo ou autres et six mails quand ce n’est pas le double ou le triple en cas de pataquès administratif…. 
C’est aussi cela qui a permis la démultiplication des guichets et des appels à projets par tous les acteurs, ainsi que de la bureaucratie qui très souvent les accompagne.
Tout est devenu plus lourd et donc visqueux. Et franchement, ça pèse…
Mais soyons honnêtes, tout cela n’est pas le fait que de l’actuel président de la République. 
C’est l’ensemble de la collectivité nationale qui, depuis 20 ans, sous investi dans les domaines du savoir. On ne peut pas avoir un système éducatif, des universités et une recherche « premiums » en cherchant à les financer au tarif Lidl, en laissant les problèmes courir sur deux décennies et sans mettre ce qu’il faut pour gérer les impacts liées aux technologies de l'information. 
Nous avions lancé l’alerte des 1995 et durant 10 ans sur un certain nombre de points. Maintenant, comme on l’avait prévu, on paye l’addition des problèmes non résolus...
Malheureusement, c’est aussi vrai dans la santé, c’est vrai dans la justice, et dans plein d’autres secteurs relevant de la puissance publique… C’est aussi vrai dans l’armée mais eux ont su convaincre en 2017 qu’il fallait inverser la courbe…
Un des reproches qu’on peut faire à l’actuel occupant de l’Elysée est précisément de n’avoir pas anticipé qu’il fallait aussi travailler sur les secteurs produisant du savoir, même en période de crises successives car ils s’inscrivent dans des temps très longs. Malheureusement, je pense que tous les candidats de 2017 auraient en gros aboutit au même résultat, voire à bien pire.

Nous ne sommes pas certains ou fiers de notre propre choix de vote ? 
Je n’ai jamais eu aucun problème avec mes choix. 
J’ai pas contre de plus en plus de problèmes avec mon pays… même si je suis conscient que c’est pas forcément mieux ailleurs.

L'Enseignement Supérieur Rercher a totalement disparu des problématiques de la campagne ?

Oui, comme je l’avais prévu à l’époque des EGR et quand j’étais vice président à l'ANDES: la fenêtre de tir pour infléchir les choses dans notre écosystème était limitée. Si on attendait trop, d’autres problèmes allaient prendre le dessus (dont la contrainte énergie/climat) et l’ESR serait en « vol balistique » jusqu’au crash, où jusqu’à ce que quelqu’un se rende compte qu’il fallait vraiment faire quelque chose. Pour le moment, on est encore dans cette phase de « vol balistique »… 
Dix ans plus tard, j’entrevois que le crash puisse en fait se faire « mollement » : sous l’effet de la contrainte énergie/climat, le flux de jeunes se lançant dans les études supérieures va diminuer. L’apprentissage vers des métiers manuels, le développement d’une agriculture moins mécanisée, peuvent en dix à quarante ans changer radicalement la donne… Le crash pourrait très bien être un retour vers l’université dé-massifiée d’avant les années 80, voire des années 60, voire, dans le pire des cas, des années de guerre.
Pour conclure, je pense comme J.: on est sur un certain nombre d’indicateurs déjà dans le toboggan.
Pour moi ce n’est pas une surprise mais ce n’est pas pour autant plus agréable car je n’ai pas l’impression qu’on se soit doté des moyens de maitriser cette trajectoire.
13 janvier 2022

Taubira dans les pentes de La Croix Rousse: candidature qui roule n'amassera pas des masses...

Dans deux jours, Christiane Taubira va faire une "déclaration" à la Croix-Rousse dans le cadre de sa potentielle candidature à la présidentielle. Ayant prévu une livraison de courses chez moi, je ne suis pas sur d'être disponible pour sortir voir de quoi il retourne mais j'avoue hésiter entre en profiter pour passer par là avec Choupette qui serait bien capable de rafler la vedette à la potentielle candidate -- c'est mon coté joueur -- ou aller photographier ce qui restera un pas de plus vers le naufrage de la gauche à la prochaine élection.

Le fond du problème de la candidature Taubira, comme de toutes les autres candidatures à gauche, c'est que le travail qui aurait permis de dépasser les positionnements des uns et des autres et de sortir une vraie esquisse d'un programme n'a pas été fait. Donc on est dans une concurrence fratricide d'officines politiques qui parlent chacun à un segment électoral comme BMW, Dacia et Renault parlent à des segments de clientèle.

Ce n'est pas cela qui peut faire émerger la gauche au niveau national. C'est même tout le contraire... 

Certes, au niveau local, des succès électoraux sont possibles, comme à Lyon, mais même s'ils peuvent déboucher sur des mandats potentiellement positifs voire réussis [on ne va pas débattre de cela ici et maintenant, c'est pas le sujet], ils sont extraordinairement trompeurs. En effet, les pouvoirs des élus locaux sont en fait assez contraints, et les vrais problèmes durs sur laquelle les différentes officines ne gauche ne sont ni d'accord, ni convaincantes, échappent aux périmètres des collectivités locales.

La gauche historique actuelle, qui ne représente pas la totalité du bloc progressiste, est actuellement dans la même situation que la SFIO à la sortie de la guerre d'Algérie: elle a démontré son incapacité à relever les défis macroscopiques et elle n'a pas de programme convaincant... 
Il a fallu le génie politique et la persévérance d'un Mitterand pour arriver à restaurer une crédibilité à gauche. Cela qui a pris 10 ans de traversée du désert et 10 ans d'une stratégie claire qui a fini par être payante... Or je crois que là, on est même pas au début d'un tel processus.

Tout cela est tragique pour le pays car dans le contexte difficile qui est en train de se déployer depuis des années, la tentation régressive et réactionnaire ne va faire que croitre. 

Dans un monde sous contrainte où il n'y a pas de solutions simple, l'être humain tend souvent soit à mettre la tête dans le sable ("Don't look up") soit à trouver une manière d'éliminer ce qu'il pense être la source de tous les problèmes (Allemagne années 33-45, Cambodge sous les Khmers rouges, Rwanda 1994 etc).

Trouver des voies de sorties vers le haut demande infiniment plus d'énergie mentale et de réflexion... 

Historiquement, dans notre pays, c'est le camp progressiste qui a poussé poussé pour sortir par le haut des crises: les Lumières qui ont permis de dépasser les impasses de l'ancien Régime en France, puis les multiples mouvances rationalistes, républicaines et sociales au 19ème siècle pour consolider ces acquis et tempérer les ravages sociaux de l'essor de la révolution industrielle (sans arriver à empêcher la première guerre mondiale ceci étant), puis, bien plus tard, le conseil national de la résistance pour relancer la République Française sur des bases plus saines après la désastreuse et très régressive "révolution nationale" de Pétain et compagnie. Et à chaque fois, il y avait des gens de sensibilités très différentes portant des diagnostics clairs sur les principaux problèmes et tentant de les résoudre par la raison... Ces gens avaient travaillé pour trouver des solutions et ne se contentaient pas de faire des campagnes marketing.

Là on y est pas. A part sur la montée en puissance du danger que représente la contrainte climatique, l'ensemble des progressistes (qui incluent une partie de l'électorat de Macron) ne se retrouve pas sur un diagnostic pleinement partagé et lucide et encore moins sur des esquisses de solutions. Chaque groupe s'accroche à ses totems pour vendre sa soupe en imaginant que cela va l'aider à surnager alors qu'en fait, tous sont sur le pont du Titanic en train de jouer leur petite musique pendant que l'eau monte.

A moyen terme c'est très inquiétant... Parce que coté régressif, y'a pas besoin de grandes analyses fondées sur la raison. Il y a juste besoin de la rencontre entre une pensée fantasmatique qui résonne avec les peurs des gens et d'un porteur compétent et charismatique. Cela s'est déjà produit et cela se reproduira encore. Ca n'est qu'une question de temps.

Si ce qui s'identifie comme étant la gauche voyait ce danger, peut être qu'elle arrêterait de se regarder ses multiples nombrils et qu'elle travaillerait plus largement pour le moyen terme, plus sérieusement, en se débarrassant de ses totems et autres hochets idéologiques pour faire vraiment émerger une vision progressiste capable d'affronter des crises comme on en a encore jamais eu, peut être qu'il y aurait un espoir solide là où aujourd'hui on a juste un bal des égos et des prétentions...
5 mai 2021

Notre étrange défaite: la France in 2021.

Les idéaux sont pacifiques, l'Histoire est violente dit War Daddy, le pesonnage joué par Brad Pitt dans le film de guerre Fury. 

C'est exactement la leçon qui est en train de nous être infligée. Le pays dans lequel je vis entre pour son cinquième mois consécutif dans une période où 300 de nos concitoyens, l'équivalent d'un avion de ligne, perdent la vie chaque jour parce que nous avons refusé collectivement de nous donner les moyens d'écraser la circulation virale.

Capture d’écran 2021-05-05 à 14



Trois cent morts par jour, c'est 1.5 fois les attaques terroristes de novembre 2015 tous les jours.

C'est quasiment 7 fois l'hécatombe routière de l'année 1972, où 16000 personnes mourrurent sur les routes dans notre pays, au point que les habitants de Mazamet firent un "die in" global pour sensibiliser l'opinion à cette violence ordinaire insupportable... Aujourd'hui, nous supportons 7 fois pire sans sourciller, dans une indifférence coupable...

Comment en est on arrivé là ? Après 15 mois de pandémie, il n'est pas inutile de reprendre l'histoire de nos décisions, de nos choix collectifs avec un peu de hauteur, sans resté scotchés sur les détails, et en regardant sans complaisance quand et en quoi nous avons renoncé.

Pour moi, il y a eu deux périodes bien distinctes: une première période jusque vers mai-juin 2020 où, il faut reconnaitre ce qui est, on s'est fait "dépuceler" par une virus dont les caractéristiques étaient étonnantes et très éloignées de notre expérience antérieure: d'une part, il présente une forte contagiosité en phase symptomatiques, d'autre part, il était aérosolisé avec une énorme variation dans la contagiosité des infectés. Il faut voir qu'on était habitué à l'inverse! Le consensus scientifique sur ces deux propriétés a commencé à émerger vers la fin du printemps 2020, pas avant. L'aérosolisation a été suspectée vers mars-avril par les japonais mais confirmée par l'accumulation d'enquêtes de contamination en Asie et aux usa dans les six premiers mois de 2020.
 
Pour moi, le seul vrai gros foirage dans cette période, c'est le retard sur la montée en puissance de la capacité à faire des tests PCR mais il est du aux ARS qui n'ont pas voulu mobiliser les capacités des centres et écoles vétérinaires et des laboratoires CNRS et INSERM. On peut ergoter sur les masques mais ca avait été décidé avant, et il faut quand même se rappeler que c'était une épidémie inédite par les caractéristiques même de l'agent infectieux.. Donc on s'est fait dépuceler mais on a réagit fort et vite avec le premier confinement, les toubibs ont appris à mieux prendre en charge, bref, on a du apprendre à se battre contre ce truc dans la tempête. Et je pense qu'on a pas démérité tant que cela durant cette phase...

La seconde période commence vers mai 2020: là on commence à avoir des preuves claires du caractère aérosolisé et une vision claire aussi du role des super-contaminateurs. On commençait aussi à recueillir les fruits du travail fait dans la tempête avec des outil de tests, d'analyse plus fine de la propagation virale, des outils de traçage modernes, des études sur l'aérosolisation et les moyens de lutter contre...

Or c'est là qu'on a commencé à merder vraiment: 
  • D'abord l'hyper-optimisme présidentiel avec le retour des "jours heureux"... Cela reposait sur une idée: que le virus ne passerait pas vraiment l'été... Idée dont on sait maintenant, rétrospectivement, qu'elle était fausse. SRAS-COV-2 n'est pas saisonnier au sens où il résiste aux étés comme aux hivers. De plus, il n'a pas évolué vers moins de dangerosité, au contraire.
  • Ensuite, l'absence d'une voie gouvernementale forte pour répéter que non, c'était pas encore fini durant l'été 2020. 
Les données ont montré que ça repartait dès mi-Juillet... On aurait du expliquer aux gens ce qui allait se passer et qui était très modélisable... Au lieu de ça, le champ a été laissé libre aux "rassuristes" et on l'a payé en octobre, notamment parce que entre septembre (où il faisait beau et chaud) et octobre, on a basculé d'un coup tous les leviers dans le mauvais sens: nettement moins d'UV pour décontaminer l'air extérieur, plus de gens en intérieur sans adaptation niveau ventilation, et gros brassage lié au retour au travail en présentiel et des enfants à l'école... Tel la cigale de la fable, on s'est pris le retour de baton dès que la bise est venue après avoir chanté tout l'été.

Enfin troisième erreur stratégique, qui est la plus grave car bon, on peut toujours invoquer "errare humanum est" pour notre négligence de l'été 2020, la sortie du confinement de l'automne. Le gouvernement s'était fixé un seuil de 5000 cas par jour auquel il a renoncé sans aucune explication! L'avis scientifique a été délibérément ignoré...

En parallèle rien n'a été fait pour essayer de monter des barrières à la propagation virale (notamment en terme d'adaptation à la ventilation, en terme de protocoles pour les lieux recevant du public)... on s'est contentés d'attendre en espérant que les vaccins, qui arrivaient trop lentement, allaient nous protéger contre des variants plus contagieux dans une infection dont on venait de voir quatre mois avant qu'elle pouvait engendrer une vague majeure en trois mois (mi-Juillet -> mi-septembre 2020) à partir d'une circulation très faible...

Pour moi, cela marque la signature de notre acte de capitulation face au coronavirus. On a tout simplement renoncé à le faire rentrer dans la boite... 

Malheureusement, cette responsabilité est partagée: celle de notre actuel président de la République est écrasante car c'est lui qui a décidé de s'asseoir sur les recommandations du conseil scientifique fin janvier (un confinement strict aurait alors pu permettre de limiter les dégâts). 

Mais il faut aussi dire qu'aucune force politique dans notre pays ne s'est opposée vigoureusement à cela, aucune aussi bien à l'échelle nationale qu'à l'échelle locale! Je suis désolé pour nos élus mais quelque part, ils ont quasiment toutes et tous une part de responsabilité dans ce fiasco...

C'est un peu comme en 1940 quand Pétain à signé l'Armistice avec l'Allemagne: l'ensemble de notre classe politique a collectivement acté que la partie était perdue... A l'époque il était resté quelques courageux et un visionnaire pour dire que c'était une connerie et même une infamie. Aujourd'hui, on a quelques scientifiques comme Dominique Costagliola par exemple qui prêchent un peu dans le désert... mais la triste réalité est là. Aucun politique ne parle de reprendre la main face au virus en expliquant que cela implique un vrai effort collectif.

Pour moi, cet épisode est la version contemporaine de l'étrange défaite de 1940 sauf que notre ennemi n'est pas humain. Rétrospectivement, il apparait clair que nous allions devoir mener une guerre qui n'était pas facile. Somme toute, par le premier confinement, on était plutôt pas mal partis: ça a vraiment marché! Mais suite aux décisions prises ensuite, on a perdu tout le terrain qu'on avait regagné. Bilan, nous allons avoir la guerre longtemps et durement avec beaucoup de morts, beaucoup de gens meurtris et de sombres repercussions pendant longtemps. 

Y'a pas de quoi pavoiser effectivement... Cela restera un épisode sombre de l'histoire de notre pays... un pays qui aura préféré discourir plutôt qu'agir au nom de quelques grands principes et d'une nostalgie de sa grandeur passée. 

Beaucoup d'erreurs diverses, dont les effets s'accumulèrent, nous ont mené au désastre. Une grande carence, cependant, les domine toutes. Nos gouvernants et ceux qui agissent en leur nom n'ont pas su penser cette guerre contre un ennemi nanométrique. En d'autres termes, le triomphe du coronavirus fut, essentiellement, notre défaite intellectuelle et c'est peut-être là ce qu'il y a eu en lui de plus grave...
26 avril 2021

Et si j'habitais à coté du jardin Rachel Carson ?

Il y a quelques semaines, la mairie de l'arrondissement lyonnais où je vis avait lancé un appel à proposition pour nommer quelques squares et rues dans le quartier en l'honneur de femmes. Cela concernait plusieurs lieux dont le petit jardin en pente pas très loin de chez moi. Alors c'est vrai, l'appel était cloturé au 18 avril mais bon, même l'Agence Nationale pour la Recherche ayant repoussé sa deadline on ne sait jamais...

Dans cet exercice, la difficulté est évidemment de sortir des poncifs. Oui, Marie Curie a été une grande scientifique mais on peut dire que sa mémoire a été plus qu'honorée, idem dans d'autres domaines pour Simone Weil, George Sand, Marguerite Duras, Marguerite Yourcenard et quelques autres. Peut être en sera t'il aussi de même de Gisèle Halimi et de Françoise Barré-Sinoussi qui, pour le moment, sont surement moins connues du grand public que les grandes figures que je viens de citer. 

A Lyon, capitale de la gastronomie, s'ajoute aussi la difficulté du paradoxe des mères lyonnaises à qui certres on doit beaucoup, mais n'est t'il pas un peu paradoxal de penser pour un tel appel à projet en premier lieu à des femmes qui, au départ, furent les cuisinières de grandes familles bourgeoises de Lyon, et dont certaines décident de se mettre à leur compte dès le milieu du xviiie siècle, ou qui furent, pour certaines, renvoyées par les grandes familles ruinées après la grande crise de 1929 et décidèrent de continuer leur activité en ouvrant un restaurant...

Alors du coup, j'ai eu une idée: sortir du cadre... en l'occurence notre héxagone. ou passent les jours et les semaines et où, dit la chanson, même si le décor évolue, la mentalité reste parfois la même. Pourquoi ne pas célébrer des femmes d'ailleurs qui auront contribué non seulement à faire avancer la cause des femmes là où elles vécurent mais une cause plus grande encore, qui nous toucherait par delà les frontières ? 

Il est peut être un tout petit peu tôt pour Katalin Kariko à qui on doit les découvertes fondamentales sur l'ARNm qui ont permi le développement des nouveaux vaccins contre la COVID... Mais en revanche, Rachel Carson serait une excellente candidate. Selon la page Wikipédia qui lui est consacrée, elle est née à Pittsburg le 27 mai 2907 et estr décédée le 14 avril 1964 dans le Maryland. Spécialiste de biolofie marine, c'est une des, si ce n'est la première, grande lanceuse d'alerte sur les questions d'environnement et de biosiversité.

Carson commença sa carrière comme biologiste au Bureau des pêches des Etats-Unis puis se consacra progressivement à l'écriture à plein temps dans les années 1950. On lui doit une trilogie de livre dans les années 50 qui explore l'éventail de la vie marine, du littoral aux profondeurs.

images

Toujours selon Wikipédia, après avoir acquis une certaine aisance grace à ses livres, Carson se concentra à plein temps à la protection de l'environnement et sur les problèmes causés par les biocides de synthèse. Ceci la conduisit à publier Silent Spring (Printemps silencieux) en 1962 qui déclencha un renversement dans la politique nationale envers les biocides. C'est le livre qui a conduit à la prise de conscience de l'impact potentiel sur la diversité des pesticides.

Après une bataille âpre, il conduisit à une interdiction nationale du DDT et d'autres pesticides aux Etats-Unis. Le mouvement populaire que le livre inspira conduisit à la création de l'Environmental Protection Agency. Carson reçut à titre posthume la médaille présidentielle de la Liberté. Un prix international décerné aux défenseurs de l'environnement porte son nom, le Prix Rachel Carson, décerné depuis 1991.

Alors oui, ce n'est pas une française. Oui c'est une femme qui a fait fortune dans un pays fortement capitaliste. Mais on lui doit très clairement la première alerte importante sur le déclin de la biodiversité, il y a bientot 60 ans, plus d'un demi-siècle, 10 ans avant la première candidature écolo à la présidentielle dans notre pays. Ca mériterait bien une plaque, surtout que son nom n'a, d'après mes recherches été attribué que sept fois dans tout notre pays. 

Pour en savoir plus: voir la page dédiée de l'"Environnemental society" américaine ou l'article suivant de la revue Influx.

 

20 février 2021

La faute lourde de Frédérique Vidal

Le point c'est que aucun membre de l'exécutif n'a à fouler aux pieds un des principes quasiment constitutionnels qu'est la liberté de questionnement des chercheurs et universitaires (https://www.senat.fr/questions/base/2019/qSEQ190108689.html) ni à ouvrir la porte à la confusion des genres entre une opinion et une argumentation scientifique étayée...

C'est d'autant plus inacceptable que cela émane d'une universitaire en charge des universités et des organismes de recherche, ancienne vice présidente d'université, et qui donc sait bien qu'il existe une différence fondamentale entre la distinction entre le questionnement du chercheur ou de l'universitaire -- qui doit rester totalement libre -- et les modalités d'exécution de la recherche ou d'expression pédagogiques qui doivent se faire dans le respect des lois de la République.

Ce n'est pas une question d'opinion, ou de bien-pensance, c'est un point essentiel pour qu'un système de recherche et d'enseignement universitaire marche bien.

Si la ministre voulait lutter contre les effets de coterie à l'université, qui sont un vrai problème, c'est la pire des manières qu'elle a choisi. On connait bien ce que sont les coteries universitaires à Lyon avec l'institut d'études indo-européennes de Lyon 3 qui était un nid à fachos à la production académique critiquée (https://www.lemonde.fr/.../un-reseau-construit-autour-de...). Mais la réponse n'est pas la police de la pensée sous forme hard ou soft, via l'irruption du politique dans la labélisation des sujets de recherches selon ses bons vouloirs.

La réponse réside dans une évaluation des modalités d'évaluation des travaux par les pairs et des modalités de recrutement. On sait très bien que pour une coterie ronronne dans son coin en faisant autre chose qu'un boulot scientifique de qualité, il faut qu'elle puisse se préserver du regard extérieur et cela, c'est un point légitimement accessible à l'évaluation du fonctionnement des institutions de recherche...

Les enquêtes sur le fond scientifique sont acceptables et même en fait indispensables à partir du moment où des éléments avérés de dysfonctionnement apparaissent: fraude scientifique bien sur (cf l'affaire Voinnet) ou bien délivrance de diplômes en deçà du standard de qualité attendu. L'affaire Bodganov a ainsi donné lieu à une évaluation a postériori du travail des frères Bogdanov car l'adéquation entre le diplôme délivré et la qualité du travail de recherche effectué avait été remise en cause par des pairs. Le comité national du CNRS, qui est en charge de l'évaluation des chercheurs CNRS, de leur recrutement et promotions, et qui est partie prenante dans l'évaluation des unités de recherche, a donc été missionné en interne pour mener une expertise sur les conditions de délivrance du grade docteurs aux Bogdanov afin d'éclairer l'organisme et le ministère en charge des universités sur un éventuel dysfonctionnement du circuit de délivrance du doctorat à l'université de Bourgogne.

C'est aussi ce qui se produit dans les cas de fraudes scientifique: au départ, il y a une remise en question étayée rédigée par des pairs. Des enquêtes sont donc lancées quand un universitaire français ou un membre d'un organisme de recherche est impliqué dans une affaire de fraude scientifique, le but étant de déterminer s'il y a eu faute professionnelle ou pas. Et une telle enquête comporte un volet scientifique afin de renforcer la solidité des décisions qui pourraient en découler.

Mais encore une fois, il ne s'agit pas de lancer une enquête sur un champ disciplinaire, au motifs de concepts mal définis scientifiquement, uniquement parce que c'est dans l'air du temps. Même si de telles affaires sont rarissimes dans le champ des sciences exactes, les sciences humaines peuvent donner lieu à des joutes entre courants de pensée par voie de presse généraliste. Ce n'est pas nouveau, et cela se produira encore... Dans la mesure où les prises de positions sont argumentées, cela nourrit le débat public et c'est donc un des éléments indispensable au fonctionnement d'un pays démocratique. C'est d'ailleurs la motivation derrière la liberté d'expression publique dont disposent chercheurs et universitaires qui sont pourtant fonctionnaires d'Etat, et qui déborde largement de ce qui est autorisé par le "devoir de réserve" auxquels sont soumis les fonctionnaires des autres administrations.

Mais, en aucun cas, la publication d'une tribune dans un journal grand public, fusse t'elle signée par 100 de mes éminents collègues, ne saurait constituer une remise en question étayée par des pairs. Le point étant le "étayée": une tribune n'est pas un argumentaire scientifique étayé et surtout un journal grand public n'est pas un journal scientifique où les commentaires, qui doivent être circonstanciés, sont eux même soumis à évaluation et ouvrent un droit de réponse.

Tout cela, la ministre le sait très bien car c'est une professionnelle du secteur...

Et c'est pour cela qu'accorder un crédit comparable à une remise en cause en bonne et due forme par des pairs à ce qui constitue des expressions d'opinions dans le débat public, qu'il s'agisse de "L'islamo gauchisme gangrenne les universités" ou dans un autre domaine d'une tribune comme "Arrétons ITER, ce réacteur nucléaire hors de prix et inutilisable" est une faute lourde inexcusable.

NB: La tribune contre ITER n'a pas été suivi d'une déclaration ministèrielle et d'une commission d'enquête sur le projet... Ca aurait l'analogue d'une affaire Vidal mais en bien pire au niveau des conséquences étant donné que ITER est un projet international approuvé et supervisé par plusieurs états...
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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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