C'est juste des oeufs, on va pas en faire une chanson...

L'originalité dans les séries télé française, c'est un peu comme un concert de Nina Hagen au Vatican: c'est le truc dont tout le monde rève mais que personne n'ose organiser. Alors on se tape les séries policières toutes plus fades les unes que les autres. Le gendarme et le voleur, en France, ça fait vendre. 

Mais là, France 2 a décidé de franchir le pas avec une série sur les cuisiniers. Quand on sait la puissance érotique des publicités pour les produits laitiers dans les années 80, je me suis dit: va falloir que je regarde ça, si ca se trouve, ca va être à la série télé française traditionnelle (comprendre policière) ce que Six Feet under aura été à Starky et Hutch! 

Eh bien, je n'ai pas été déçu du voyage... Comme j'ai loupé le début, l'intrigue m'est assez incompréhensible mais je trouve déjà l'ambiance assez étrange. Pour moi, la cuisine c'est d'abord un partage, une improvisation festive. Mais là, la musique est dramatique, l'image est contrastée avec des halos de lumière, les cuisines la nuit ressemblent à un laboratoire étrange où officieraient quelques Experts disséquant un corps maltraité (quand on n'y trucide pas quelqu'un). Ou bien, aux heures ouvrables, à une sorte d'orgie d'activité en proie à une frénésie tendue. Le personnage principal est sombre, massif, avec une barbe poivre et sel, un regard noir et qui dirige sa brigade comme une sorte de capitaine Némo qui aurait des airs de samourais... A première vue se dégage un fumet de mystre, de tensions, de secrets lourds. Un énorme potentiel donc...

Malheureusement, plus on se rapproche de la cuisine, plus les fumets deviennent nombreux et contradictoires... Jugez plutôt:

Etrange scène d'une tension sexuelle insoutenable entre deux chefs et leurs seconds chez un maraicher japonais à l'ascétisme absolu, tranchant comme un sabre millénaire... 

Scéne suivante: deux cuisiniers en train de sortir un cadavre sous cellophane de la cuisine du resto le tout sur fond de dialogue à la Audiard (mais en moins bon)... Le chef arrive, ouvre le sac à maccabée et demande: "C'est toi qui à fait ça?" puis "Dehors"... 

Troisième plan: Le commis de cuisine sort et se fait suivre par le fantome du type sous cellophane... 

Etrange atmosphère donc... une sorte d'hybride de série polar et de série fantastique... C'est un drôle de ragout  que nous a concocté France 2 dans ses cuisines de l'enfer... Un mitonnage qui fait de droles de bulles, certaines confinant au sublime d'un plat raffiné, charnel et potentiellement vénéneux et d'autres qui évoquelent plus le poulet au riz franchouillard préparé à la tonne.

"Le topinambour vous remercie des soins que vous lui avez prodigué, vous en avez fait un prince dans un habit de soie. Mais mes légumes resteront seuls cete année!"

(Maître Matsumoto, 25 secondes avant un air d'accordéon)