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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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2 octobre 2007

Productivité de l'Etat et malheurs de la France: l'eternelle ralerie...

Il parait que les blogs démarrent des conversations. Sur mon post à propos de l'interview de Sarkozy dans le NY Times, ca n'est pas encore très constructif... Donc voilà, comme je viens de passer un an loin des cafés du commerce, j'ai décidé que j'allais "remonter" le niveau du débat. Et comme je suis un scientifique à la base, j'ai horreur des incantations. Donc je vais secouer le cocotier en commencant par un des commentaires de Jérome (désolé...):

"Mais si je compare l'Etat Francais à ma boite (une multinationale), je me rends compte qu'on nous demande de faire plus avec moins de monde alors que la France fait moins avec plus d'effectifs."

C'est aussi le cas dans certains secteurs de la fonction publique. Je le vois directement - c'est mon boulot - dans l'enseignement supérieur où la demande en terme de diversification pédagogique et en terme de recherche est présente. Les effectifs ont monté certes mais la charge qui pèse sur chacun n'a pas baissé... au contraire!

Il se trouve que je connais des gens dans le milieu hospitalier et là aussi, on demande une meilleure productivité du fait des déficits de la sécu. Ca se traduit en particulier par un racourcissement des durées de séjour, une prise en charge ambulatoire (donc moins d'hospitalisation), utilisation croissante des génériques etc...

Bref comme le dit le vieil adage: l'herbe est toujours plus verte dans le jardin d'a coté. Conctrètement on percoit toujours plus la pression que l'on subit directement que celle que subissent d'autres. Mais cela ne veut pas dire qu'elle n'existe pas!

"Les gains de productivité de notre administration, bien que difficilement mesurables, me semblent misérables par rapport aux gains obtenus par la plupart des multinationales."

Affirmation non étayée. Où sont les analyses qui permettraient de fonder cela ? Encore une fois, ne pas confondre ce qu'on perçoit et la réalité. Ce n'est pas la même chose.

"Or les salaires des fonctionnaires représentent la moitié du budget de l'Etat. De là à conclure que LA solution à tous nos problèmes passe par une rationnalisation du fonctionnement de l'Etat, il n'y a qu'un pas que je franchis allègrement."

Quel est la part des salaires dans les dépenses d'une grand groupe de services ? Par curiosité j'aimerais bien savoir... car c'est ce qui permettrait d'avoir des éléments pour élaborer une opinion étayée sur le sujet. Là on est dans l'affirmation d'un dogme: c'est trop parce que c'est plus que X %. Mais pourquoi X plutôt que Y ?

"Malheureusement, la complexité de notre administration et les conservatismes rendront la rationnalisation de l'Etat longue et difficile."

C'est pareil dans un grand groupe privé...

La véritable difficulté consiste à avoir un management intelligent qui fait que les évolutions sont acceptées et non pas combattues par des attitudes "passive/agressive". J'ai écrit plusieurs posts sur le sujet dans la rubrique Sauver la Recherche de ce blog, avec en tête la problématique de l'évolution des pratiques professionnelles dans ce secteur. De plus, j'ai référencé le blog de Gilles Martin qui discute exactement les mêmes thématiques dans le domaine de l'entreprise.

Enfin, c'est quand même étrange que plein de gens considèrent que même si c'est long et difficile dans un grand groupe, c'est éventuellement faisable alors que c'est intrinsèquement impossible dans le domaine de la fonction publique. Quelle curieuse configuration intellectuelle conduit de nombreux soit disants réformateurs à entériner ainsi des états de fait ?

"Quant aux baisses d'impots, elles ne doivent pas être une fin en soi. Il est cependant très net que notre fiscalité (au sens large, je ne parle pas simplement de l'IR) ne rend pas la France ou ses entreprises spécialement compétitives."

En ce qui concerne l'attractivité du pays, c'est un ensemble de facteurs qui joue. La fiscalité en est un mais ce n'est pas le seul: la qualité des infrastructures, de la formation et l'efficacité de l'administration en sont trois autres...

Le choix qui a été fait en France a consisté à faire porter un certain nombre de couts par la collectivité via soit l'impot soit des systèmes gérés de manière paritaire (par l'Etat et les partenaires sociaux: la sécu étant un exemple). Du coup, il y a une taxation au sens large plus élevée mais il se trouve qu'elle a permis, dans certains cas, une efficacité supérieur. Le cas de la santé est un exemple: pour une qualité équivalente, la France dépense environ 10.5 % de PIB pour la santé contre 15.4 % les Etats-Unis (source OMS). La comparaison est pire en valeur absolue: 3000 $ par personne et par an en France contre 6000 aux USA (chiffres en $ 2004, source OMS).

Autre exemple: les mécanismes de régulation choisis pour faire évoluer les telecoms chez nous et permettre l'émergence de marchés pour des services tels que la téléphonie mobile ou encore l'internet haut débit ont aboutit à des résultats supérieurs en terme de qualité à ce qu'on voit aux USA (cf mon précédent post sur le sujet et l'éditorial récent de Thomas Friedman dans le NY Times).

Je n'ai pas dit que des choses ne devaient pas être améliorées. Je dis juste qu'une affirmation globale à l'emporte pièce se heurte à la réalité des faits.

"A mon humble avis, il y a un sureffectif de l'ordre de plusieurs centaines de milliers d'employés dans des administrations telles que la Sécu, les DDE, DRIRE et tralala, les finances, la fonction publique territoriale (en doublon avec l'administration centrale) etc."

Mais bon sang, où sont les sources pour étayer des affirmations aussi précises ?

Je ne connais même pas les effectifs des DDE, des DRIRE etc... Je ne sais même pas quelles analyses ont été faites sur les doublons entre fonctions publiques territoriales et nationales. Déjà rien que dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche, j'ai au mieux une "vague vision" alors que je connais pourtant très bien ce secteur...

Si quelqu'un a des infos plus précises, je suis preneur.

"Le système social et fiscal francais a été concu de manière très inégalitaire et on est souvent obligé de créer de nouvelles inégalités pour en corriger d'autres."

Erreur historique. Le système social que nous connaissons aujourd'hui date en bonne part de l'après seconde guerre mondiale et il a justement été mis en place pour permettre une couverture de l'ensemble de la population contre les risques liés à la maladie, aux accidents du travail et pour fournir aux gens une retraite (bien que l'amélioration de la situation des retraités doivent en fait beaucoup à Giscard avec la généralisation de l'assurance vieillesse en 1975).

Je vous invite à regarder l'article de Wikipédia consacré à la sécurité sociale qui montre précisément comment on est passé au cours de l'histoire d'un système d'assurance par corporations à un système basé sur l'assurance par des organismes à buts lucratifs (compagnies privées) ou non lucratifs (mutuelles) pour avancer, après la seconde guerre mondiale, vers un système garantissant des droits équivalents à tous (donc égalitaire) impliquant des organismes paritaires et les autres acteurs (souvent de manière complémentaire). Soit le contraire de l'affirmation précédente... Ceci dit, ca ne veut pas dire qu'il n'y ait pas encore des reconfigurations à faire (notamment les régimes spéciaux qui sont restés en dehors de ce mouvement).

"Je pense que le diagnostic de Sarkozy sur un certain nombre des difficultés du pays est assez juste. Le problème, c'est que peu de Francais sont prêts à accepter le traitement de choc qui s'impose. A commencer par les innombrables bénéficiaires d'avantages fiscaux ou sociaux plus ou moins justifiés."

Dans les grandes lignes, il a effectivement pointé des éléments corrects de diagnostic durant sa campagne. Je suis même entièrement d'accord avec la dernière phrase. Mais je pense que justement, le gros des troupes qui ne veut pas se bouger, ce ne sont pas forcément les "petits fonctionnaires" ni même les moyens. Ce sont les classes les plus aisées du pays, indépendemment de leur appartenance au secteur public et privé... Et la politique de cadeaux fiscaux aux plus aisés qui va nous couter 15 milliards d'euros par an n'est absolument pas une incitation à se dynamiser. Au contraire... c'est favoriser la rente.

Comme le dit Piketty, il faut arrêter de pleurer sur les gens qui, assis sur des patrimoines parfois considérables, sont incapables de le faire fructifier... ou sur ceux qui, bien qu'ils aient un revenu les plaçant dans les 5 % supérieurs, considèrent que c'est un revenu "à peine moyen" comme je l'ai trop souvent entendu. La réalité économique est toute autre comme je l'ai déjà expliqué sur ce blog.

J'ai déjà dit sur ce blog que je pensais que le principal problème de Sarkozy serait son incapacité à resister à ses "amis". Le projet de redynamiser la France nécessite aussi de donner quelques coups de pied au cul de son propre électorat. Or je crains que, trop désireux d'être "aimé" par ses électeurs, il en soit absolument incapable.

Commentaires welcome... mais citez vos sources et soyez précis si possible (-:

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Commentaires
P
Ecoute, maintenant que notre président s'est augmenté de 172 %, il faut qu'il travaille 172 % de plus... donc il doit sauver le monde, nous réconcilier avec l'Amérique, renflouer les arches de zoé et de Noé, ainsi que les finances publiques et le Titanic, reconquérir la Lune et éventuellement une nouvelle épouse, dénucléariser l'Iran, pérenniser les approvisionnement énergétiques de la France, sauver les pécheurs bretons, refroidir le climat et les grévistes de la SNCF, libérer Ingrid, faire rigoler Angéla Merkel et remonter le dollar, débloquer 20 universités...<br /> <br /> Alors bon, la fonction publique dans tout ca... l'intendance suivra.
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P
Mais où est passée l'excellente idée de négocier des réductions d'effectifs contre des augmentations de salaire pour les fonctionnaires qui restent ?<br /> Depuis que Sarkozy a pris ces fonctions, on n'en entend plus tellement parler...
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P
L'origine de l'inefficience de la fonction publique française n'est pas plus difficile à comprendre que celle de la faillite du communisme : l'égalitarisme salarial et l'absence de leviers de management réel lié au statut de la fonction publique.<br /> <br /> Et c'est précisément parce que le poids des salaires est fort qu'il y aurait de réels gains à attendre d'une meilleure gestion RH.<br /> <br /> <br /> Et il n'est pas besoin d'aller très loin pour constater le terrible blocage de l'Etat : effectifs quasiment stable depuis des années au ministère des finances, alors qu'une entreprise privée qui aurait eu la même mission aurait réduit ses effectifs du fait de l'informatisation. Une réforme évidente comme la fusion Impôt/Trésor public est repoussée par les syndicats car elle conduirait à supprimer des emplois (sic). CQFD. Plus on est nombreux pour fournir le même travail total (surtout s'il est inutile), plus on s'approche du plein emploi.<br /> <br /> Côté sécu, le régime n'a de général que le nom sachant que des millions de fonctionnaires, militaires, salariés des régimes spéciaux, artisans, commerçants, agriculteurs bénéficiaient de régimes très divers. <br /> <br /> Les français n'aiment les privilèges que s'ils sont octroyés par l'Etat et l'on voit en ce moment comme il est difficile de les y faire renoncer.
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