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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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23 janvier 2012

La fusion des bords opposés ou le commencement du début de la fin (1/3)...

Suite aux nombreux commentaires que mon dernier post à suscité, j'aimerais développer un point sur la dynamique de ces élections. J'ai mentionné qu'on assistait à deux phénomènes:

  • Une forte poussée du Front National,
  • Un effondrement de la gauche du PS.

Mais se contenter de cette observation ne me parfait finalement pas suffisant pour comprendre la dynamique qui se joue au sein du corps électoral... Je pense qu'il faut pousser un peu plus la réflexion.

Pour mémoire, on peut se rappeler des élections de 2007 et notamment du premier tour. Plutôt qu'une analyse basée sur les partis traditionnels, je propose une analyse en "blocs" avec:

  • Les abstentionnistes que l'on oublie trop souvent...
  • Le bloc "Marxiste" regroupant les partis d'extrème gauche et le PC.
  • Le bloc "Démocrate" regroupant PS, Modem et Verts.
  • Le bloc "Conservateur" qui ne regroupe que l'UMP.
  • Le bloc "Nationaliste" avec le FN, De Viliers et CNPT.

Avec cette grille de lecture, le premier tour de l'élection de 2007 peut se lire ainsi (nombre de voix et pourcentages du corps électoral: source):

Abstention           

7218592       

16,60 %

Marxiste

3300054

7,59 %

Démocrate

16896897

38,85 %

Conservateur

11448663

26,33 %

Nationaliste

4623582

10,63 %

Bien sur, vous pourrez me dire que la grille n'a pas été très pertinente pour le second tour car le bloc "Démocrate" était constitué de deux ensembles (PS+Verts et Modem) en concurrence et s'est finalement morcellé entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. Au passage on voit qu'un tel bloc unifié aurait probablement remporté l'élection de 2007 mais bon, ne remuons pas le couteau dans la plaie.

Néanmoins, je pense que cette analyse nous apprend quelque chose sur l'expression du morcellement de la société au travers du premier tour... Ces différents blocs regroupent finalement les grandes tendances de fond au sein du corps électoral:

  • Les abstentionnistes du premier tour sont ceux qui pensent que les élections ne servent à rien et qui ont en gros perdu espoir de peser sur le cours des choses.
  • Le bloc nationaliste est constitué de ceux qui pensent qu'il suffit de fermer les écoutilles et de dire merde au reste du monde pour que les choses aillent mieux, accompagnés par tout ceux qui veulent mettre un gros coup de pied dans la fourmillière.
  • Le bloc conservateur est constitué de ceux qui pensent que c'est en permettant à chacun de faire son trou que ça ira mieux accompagnés de tous ceux qui n'aiment pas que les choses changent.
  • Le bloc marxiste est le descendant du PCF de la grande époque, et agglomère donc ceux qui pensent que les idéologies marxistes peuvent apporter une solution.
  • Enfin, le bloc démocrate est, malgrès l'ancienneté de certains partis qui le constituent, le plus récent et celui qui n'est pas encore cristallisé. Il est constitué des gens qui sentent qu'un espoir se situent dans un changement articulé autour d'un ou plusieurs des trois éléments suivants: justice sociale, écologie et démocratie.

Les évolutions récentes de la société française tant au niveau démographique que sociologiques mais aussi géographiques conditionnent en partie l'évolution de ces différents blocs... C'est un peu ce que je voudrais explorer au travers de ce post et des suivants (je vais essayer de continuer la série).

Deux hypothèses que l'on peut faire raisonnablement pour 2012 sont:

  • Que dans le bloc démocrate, tout se jouera entre Bayrou et Hollande car Eva Joly sera dans les choux.
  • Que le bloc conservateur va perdre une partie de son électorat, principalement en direction de l'abstention et du Front National.

La seconde hypothèse se comprend aisément par la déception qu'à engendré le quinquennat Sarkozy: ce bloc est en train de perdre tout ceux et celles qui ont adhéré au "travailler plus pour gagner plus", c'est à dire qui ont cru que la libre concurrence généralisée était de nature à permettre à chacun d'améliorer son sort... Le bloc conservateur va donc se réduire à son coeur électoral formé par les gens qui ont peur du changement et des bouleversement et qui ne sont pas pour autant prêts à une "révolution nationaliste" (en gros les vieux et les riches (le top 10%)).

Cependant pour expliquer la dynamique de 2012, cela ne suffit pas. Je pense qu'un troisième phénomène intervient: une partie des électeurs du bloc marxiste est en train de "faire le tour" du spectre politique et de rejoindre le bloc nationaliste où Marine Le Pen sera en position ultra-dominante. Une autre ira rejoindre l'abstention et enfin il n'y restera que le dernier carré de fidèles qui rejoindra Mélanchon.

Cela se comprend: plus le temps passe, moins ceux qui ont grandi à une époque où le PCF irriguait des pans entiers de la société française sont nombreux. Ainsi la retraite de Besançenot qui séduisait nombre de jeunes des années 90 et 2000 va éroder le socle historique du bloc marxiste... Mais en parallèle, le mécontentement grandissant du fait de la crise, une partie de l'électorat de ce bloc va se tourner vers l'autre bloc protestataire, à savoir le bloc nationaliste.

Enfin parmis les nouveaux électeurs (5 cohortes annuelles, environ 4 millions d'électeurs tout de même soit de l'ordre de 10% du corps électoral), on assiste à une tri-polarisation entre abstentionistes, bloc nationaliste et bloc démocrate. La nouveauté est la percée du bloc nationaliste chez les moins de 24 ans: de 7% de vote FN en 2007, on passe entre 17 et 28% d'intentions de vote pour le FN pour 2012! Là aussi: les jeunes arrivent dans un contexte de crise particulièrement dure et apporteront leur sentiment de révolte au bloc nationaliste sachant que le bloc marxiste verra son attractivité érodée par son vieillissement... Voir ici une analyse de ce phénomène.

Le tableau qui se dégage est donc inquiétant car deux des trois blocs marxiste, démocrate et conservateur vont se vider au profit de l'abstention et du bloc nationaliste. Et pour tout dire je pense qu'une partie de l'abstention de 2007 ira voter pour le bloc nationaliste (ceci dit l'abstension pourrait ne pas baisser du fait de tous ceux qui s'abstendront alors qu'ils ont voté en 2007)...

Je maintiens donc que 2012 sera l'année de la percée du "bloc nationaliste" au niveau électoral et que cela va être une surprise très désagréable à coté de laquelle le 21 avril 2002 apparaitra retrospectivement comme un bête accident électoral.

Dans le prochain post, j'essayerai de dégager des éléments qui expliquent ce phénomène et qui à mon avis montrent qu'on est parti pour de longues années, voire décénnies, de péril nationaliste en France.

A suivre...

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Commentaires
B
Alors, à la lecture de cette "lettre au peuple Français", extrême-droite ou pas extrême-droite le "national-sarkozysme" ?<br /> <br /> <br /> <br /> http://www.mediapart.fr/journal/france/050412/la-france-renfermee-de-nicolas-sarkozy
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B
Point de vue très intéressant d'Emmanuel Todd, qui répond efficacement au commentaire initial qui a movité cette série d'article (à savoir, dans le fond du fond, ce qui distinguera une présidence Hollande d'une présidence Sarkozy) :<br /> <br /> <br /> <br /> http://tempsreel.nouvelobs.com/election-presidentielle-2012/20120304.OBS2872/emmanuel-todd-je-parie-sur-l-hollandisme-revolutionnaire.html<br /> <br /> <br /> <br /> Pour résumer "Entre l'incertitude et la mort, je choisis l'incertitude"
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B
J'ai presque l'impression d'avoir été entendu :<br /> <br /> <br /> <br /> http://elections.lefigaro.fr/presidentielle-2012/2012/03/08/01039-20120308ARTFIG00734-les-maths-donnent-sarkozy-victorieux-avec-503-des-voix.php<br /> <br /> <br /> <br /> ...ce qui n'est pas pour me rassurer, je préfèrerais me tromper !
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B
Tout à fait d'accord pour dire que cette campagne a fait apparaître les faiblesse de Marine Le Pen, en revanche pour 2012 un FN plus faible que prévu et en même temps un front de gauche plus fort que prévu, ce n'est peut-être pas une si bonne nouvelle que cela... <br /> <br /> <br /> <br /> Car du coup les chances de Marine Le Pen de se qualifier pour le 2nd tour et d'éliminer Sarkozy de la course se sont réduites (même si ce scénario reste encore envisageable). Or si Sarkozy se qualifie au second tour, dans un contexte où Mélanchon réussi de son côté un gros score, il aura à mon avis des chances non négligeables de l'emporter...<br /> <br /> <br /> <br /> Sociologiquement la France est de + en + à droite, de ce seul point de vue les prévisions de 2nd tour actuelles sont totalement anormales. Avec sa campagne de 1er tour (peut-être plus intelligente qu'il n'y paraît...) Sarkozy pose des jalons pour récupérer le vote frontiste au 2nd. Tout pourrait alors dépendre du choix de Bayrou : si Hollande est prisonnier d'un Mélanchon très haut, in fine Bayrou pourrait apporter un soutien actif à Sarkozy (et on peut compter sur ce dernier pour vraiment utiliser tous les moyens possibles pour cela...), et alors le second tour devrait être du 50/50...
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P
Oui en effet... Je ne vais pas m'en plaindre. Ce qui est intéressant c'est que la campagne actuelle révèle aussi quelques faiblesses de Marine Le Pen, en particulier son incapacité à affronter de sérieux détracteurs (cf son refus de débattre avec Mélanchon). <br /> <br /> <br /> <br /> Donc bonne nouvelle... mais je ne serais soulagé qu'en voyant les résultats du premier tour. Et enfin, le péril sera toujours là pour 2017!
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