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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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17 février 2012

Physique, information et calcul (2)

Cette semaine, les étudiants ont eu droit à une partie gratuite: deux cours de deux heures au lieu d'un seul...

En fait j'avais échangé un cours avec mon collègue qui fait la physique statistique en prévision de mon séjour aux USA. Mais entre temps, E-Coli s'est invitée dans mon organisme ce qui fait que j'ai du annuler Boston mais j'avais oublié que le swap des cours était non local en temps... Bref, je croyais n'avoir que deux heures cette semaine et c'était un peu la panique car à cause de la plomberie de l'immeuble je n'avais pas beaucoup d'avance sur ce coup là.

Ceci étant, on a quand même assuré. Pour la première séance, j'ai poursuivi sur le problème de l'estimation des états quantiques à partir d'un nombre fini de réalisations. Je n'ai pas démontré le résultat de Popescu et Massard mais j'ai discuté en détail l'estimation à partir d'une réalisation unique et dans la limite d'un grand nombre de réalisations pour le protocole de tomographie quantique qu'on utilise habituellement...

La chose agréable, c'est que les étudiants ont posé des questions fort pertinentes en demandant notamment ce qui se passait quand on changeait d'estimateur... Du coup, on a estimé la qualité de deux autres protocoles d'estimation sur une réalisation unique:

  • Le protocole du fainéant ou qui consiste à estimer le vecteur d'état par un vecteur fixé à l'avance dans toutes les circonstances... (comme un étudiant qui coche toujours la même case lors d'un QCM).
  • Le protocole du mec bourré qui s'est emmélé les pinceaux et qui, lorsqu'il mesure une polarisation verticale (par exemple), estime qu'il a affaire à un photon polarisé horizontalement...

Il s'avère que la nature semble avoir une tendance à récompenser le bon sens vu que le protocole du mec bourré obient un score de 1/3, là où le faignant obtient 1/2 et l'optimal atteint 2/3... Pédagogiquement, faire ces deux exemples semble avoir laissé une impression plus forte que si je m'étais arrété au cas du protocole optimal (-: ...

Enfin, l'étude du protocole d'estimation par tomographie quantique fut une belle occasion de leur faire revisiter des choses qu'ils venaient de voir en mécanique statistique comme les fluctuations d'un estimateur statistique autour de sa valeur moyenne. Bref, un cours dense mais où ils ont bien accrochés et où je me suis bien amusé... 

Cela a conclu notre étude approfondie du qubit unique... Il était temps de rentrer dans le vif du sujet, à savoir l'intrication quantique

Ainsi lors de la seconde séance, c'est ma collègue qui est principalement intervenue en discutant les états de deux qubits. Ca parait un peu élémentaire pour des étudiants de physique qui sortent d'un cours de mécanique quantique mais il faut se rappeler que dans le lot, nous avons quelques informaticiens qui sont forcément moins familiers avec tout cela que les physiciens.

Ce fut aussi l'occasion de leur raconter l'histoire pas forcément bien connue du très celèbre chat de Schrödinger qui eut bien plus que le quart d'heure de célébrité promis par Andy Warhol aux cinq milliards d'habitants de la planète. Et comme un petit film vaut mieux qu'un grand discours, on les à invité à aller regarder les cinq premières minutes du premier épisode de la saison trois de Six Feet Under...

En fait, cette séance durant laquelle nous leur avons fait faire un certain nombre de petits calculs sur les portes à deux qubits fut la bienvenue avant que nous entrions dans des choses plus avancées sur l'intrication quantique et les algorithmes quantiques. En fait, Natacha leur a présenté l'algorithme de Deutsch-Josza qui permet de tester la constance d'une fonction discrete: cela a constitué leur premier contact avec le calcul quantique. 

Ce fut d'ailleurs l'occasion de voir que la notion de "calcul" des informaticiens n'est pas évidente pour les physiciens. En fait pour les informaticiens, un "calcul" n'est pas un truc qu'on fait sur une feuille de papier. C'est en fait une "boite noire" qui est capable de réaliser des opérations en executant un programme. C'est précisément sur ce point que l'informatique rejoint la physique car une telle chose est une "machine" qui est évidemment soumise aux lois de la physique. Et cela, on y reviendra dans la suite de ce cours.

Mais en attendant, dans les prochains cours, je prendrai le relai sur l'intrication quantique pour en monter toute l'importance... L'objectif sera de montrer:

  • Que l'intrication est à l'origine du phénomène de décohérence, c'est à dire de la destruction des interférences quantiques pour les sous systèmes quantiques, ce qui fout la merde pour le calcul quantique. On retrouve là l'idée que le "calcul" des informaticiens est limité par les lois de la physique. Mais l'intrication a aussi un bon coté: c'est ce qui est à l'origine du monde classique que nous percevons! 
  • Que si l'intrication est une nuisance elle joue aussi un rôle fondamental en information quantique et en calcul quantique. On présentera notamment une discussion du protocole de téléportation quantique et de son lien avec la finitude de la vitesse de la lumière et le théorème de non clonage quantique. D'expérience, c'est un truc qui fait réver et qui m'étonnera toujours.
  • Qu'elle introduit une nouvelle symétrie que Zurek appelle la symétrie induite par intrication (envariance) qui reflète l'ambiguité dans la décomposition de Schmidt d'un état intriqué et que comment cela est relié au paradoxe EPR et au conflit entre localité et réalisme... On parlera bien sur des expériences d'Alain Aspect sur la violation des inégalités de Bell.
Last but not least, on leur montrera bien sur que la nature produit sans arrêt de l'intrication via les processus d'interactions et que l'on peut en produire à la demande en laboratoire au moyen de processus impliquant une interférence de deux "chemins" comme les cascades radiatives contrôlées que l'on voit par exemple dans les LED à photons intriqués.
 
J'aimerais aussi utiliser l'intrication pour discuter de la dynamique des systèmes quantiques ouverts dans l'esprit de ce que Serge Haroche a présenté dans son cours au collège de France en 2004. Ca serait vraiment super d'aller jusque là...

Bref un vaste programme... Mais bon, j'ai trois semaines pour compléter mon chapitre sur l'intrication. J'ai pas mal de matériau mais il faut que j'adapte et que je le distille pour un niveau licence... Et entre temps, j'aurais présenté le chapitre sur les impossibilités quantiques. Il est possible que l'on intercale aussi le chapitre sur la thermodynamique du calcul avant de discuter plus précisément la décohérence de manière à bien mettre en exergue l'idée des limites physiques au calcul... A voir...

Stay tuned... 

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Commentaires
P
Ah ben qu'est ce que tu crois... Et à préparer c'est pas mal de boulot je peux te dire!
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T
Tudieu, ça chôme pas.
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