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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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12 mai 2012

Derrière le miroir sans tain: rencontres quantiques entre électrons (et trous)...

Ah ca y est: l'article sur le partitionnement des électrons individuels sur une lame semi-réflechissante est enfin publié dans Physical Review Letters (en editor's suggestion en plus). Cet article marque une "pierre blanche" dans le développement de l'optique quantique électronique. Ce n'est pas la première expérience qui met en évidence la cohérence quantique des électrons se propageant dans les canaux de bord de l'effet Hall quantique mais c'est la première qui met en évidence l'effet Hanbury Brown et Twiss avec une source d'électrons uniques à la demande.

On y décrit une expérience dans laquelle on partitionne les électrons émis par une source d'électrons uniques sur une structure appelée contact ponctuel quantique et qui joue le rôle de lame semi réfléchissante pour les electrons. Bon déjà quand on électron arrive sur un tel miroir semi-réfléchissant, il part soit d'un coté, soit de l'autre... Ca parait con, mais cela n'avait pas été vérifié dans un système conducteur avec une source d'électrons uniques. 

Ceci étant, ce n'est pas la fin de l'histoire car dans un conducteur, il y a plein d'électrons. Vraiment plein... Or quand on envoie deux particules sans interactions de chaque coté d'un miroir semi-réfléchissant, il se produit un truc tout à fait remarquable. Si les particules sont "classiques" ou bien parfaitement discernables, elles se réfléchissent de manière indépendante, chacune choisissant si elle sera transmise ou réfléchie indépendemment de ce que fera l'autre (on les suppose sans interactions). Mais dans le monde quantique, les choses ne se passent pas comme cela. Deux particules identiques étant justement indiscernables, elles ont plein de chemins possibles pour sortir toutes deux du même coté: soit l'une est transmise et l'autre réfléchie ou bien l'une et réfléchie et l'autre est transmise. Et selon les règles de la mécanique quantique, ces deux chemins vont interférer. C'est l'essence de l'effet Hanbury Brown et Twiss...

Du coup, on crée des corrélations dans les sorties des particules et ce, en l'absence d'interactions entre elles! C'est juste un effet d'interférence quantique liée à leur indiscernabilité. Pour des photons, cela tend à les faire ressortir du même coté alors que pour les électrons, c'est l'inverse: ils se fuient comme la peste. Mais bon je radote vu que j'ai déjà expliqué cela dans un précédent post.

Le truc, c'est que on a mis cela en évidence expérimentalement. Enfin c'est le travail de mes collègues à Paris... Le circuit utilisé est représenté sur l'image ci dessous: on voit nettement la source d'électrons uniques (l'électrode dorée dans le quadrant supérieur gauche avec une boucle bleue dessinée dessus) et le miroir semi réfléchissant (la machoire formée par deux électrodes au milieu). Les lignes bleues marquent le trajet des électrons...

hbt

Déjà pour que ce circuit fonctionne, c'est pas gagné. Mais pour mesurer les fluctuations de courant en sortie c'est carrément Moise et les hébreux dans le Sinai. Sauf que la mer Rouge ne s'ouvre pas et qu'il ne faut pas que ca dure autant parce qu'un projet ANR et une thèse, c'est 3 ans! Et en principe, le prophète ne meurt pas avant la fin de l'expérience...

C'est dans la mesure qu'est la principale difficulté et le gros exploit technique de l'expérience: il faut être capable de détecter une fluctuation correspondant à une variation de courant électrique de quelques milliers d'électrons par seconde.  Pour mesurer une telle variation, il faut acquérir des données pendant une heure! La raison en est simple: le circuit de détection produit lui même du bruit, qui est comparable au fond cosmologique... et le bruit qu'on cherche à mesurer est environ 100000 fois plus faible. Pour vous donner une image, c'est un peu comme chercher à entendre une personne chanter "Au clair de la Lune" dans un stade de foot un soir de coupe du Monde!

Si vous voulez savoir comment ils ont fait pour y arriver: lisez l'article suivant... C'est du grand art!

Bref avec tout cela, l'expérience a mis en évidence l'effet Hanbury Brown et Twiss parce que dans un conducteur, il y a des excitations dans les deux voies d'entrées. D'un coté, celles qu'on met volontairement au moyen de la source d'électrons unique. Et de l'autre, sur l'autre canal d'entrée (voie 2 sur le schéma ci dessus), il y a celles crées par les fluctuations thermiques. En opérant la source dans deux régimes différents, on arrive à voir une variation du bruit en sortie qui reflète précisément la tendance à s'éviter pour deux électrons (ou des absences d'électrons) arrivant avec la même énergie sur le miroir semi-réfléchissant... 

Dans ce papier, le gros du travail est venu de l'équipe expérimentale. On ne le dira jamais assez: faire marcher une manip pareille, c'est comme monter une exploitation maraichère bio en Patagonie: vous avez interêt à avoir la foi... Là dedans, Charles et moi avons apporté notre contribution théorique en calculant le bruit dans un modèle d'électrons sans interactions. Et si vous lisez le papier, vous verrez que cela marche plutot bien... ce qui est étonnant quand on sait que les interactions devraient bousculer cette image simple... 

Mais alors quel intérêt d'utiliser une théorie potentiellement inadaptée pour décrire cette expérience me direz vous ? Bon tout d'abord, c'est nous qui avons suggéré comment reconstruire les excitations émises par la source par une variante de cette expérience et c'est ce qui in fine montrera vraiment ce qu'il advient des électrons... Ensuite, l'origine de la réduction du bruit est la même qu'il y ait des interactions ou pas. Ce que la comparaison favorable entre le modèle sans intéraction et l'expérience montre, c'est que si les interactions jouent un rôle, elles ne changent pas vraiment le nombre d'excitations hors des fluctuations thermiques générées par la source. Et bon, nous avons des raisons de penser que c'est sans doute cela qui se passe... 

Donc la suite de l'histoire, c'est la caractérisation des interactions dans le circuit. Et en fait, c'est faisable avec le circuit ci dessus. Mais ça c'est une autre histoire!

Affaire à suivre donc...

PS: stricto censu, les choses se passent sur le contact ponctuel quantique mais j'ai trouvé amusant de glisser une référence dans le titre de ce post (-:...

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Commentaires
C
Intéressant.<br /> <br /> <br /> <br /> "Donc la suite de l'histoire, c'est la caractérisation des interactions dans le circuit."<br /> <br /> Les interactions autre que celles du QPC ?<br /> <br /> car il me semble que celles-ci sont connues et contrôlées (via V_qpc), ainsi que ce qu'il se passe au niveau du quantum dot (via la tension de grille)
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