Virginie ou l'art de secouer les puces...
Le second article concerne une autre femme, moins connue, qui parait t'il arpenta les pentes de la Croix-Rousse, fut femme de ménage, prostituée sur Minitel, travailla des salons de massage et des peep shows, vendit des disques avant d'être pigiste pour journaux rocks et critique de films pornos avant d'atterrir au rayon librairie du Virgin Megastore de Paris et d'écrire des romans, parfois sous cocaine et en moins de quatre jours.
Le reste est déjà plus connu et vous n'avez qu'à voir sa fiche Wikipédia...
Avec un tel pédigrée, Virginie Despentes (de la Croix-Rousse) car tel est son nom de plume, n'était pas du genre à continuer son tricot quand les partisans de l'ordre patriarcal et religieux et des bonnes tradition genre kinder-kirche-küche allaient monter au créneau contre le projet de loi sur le mariage pour tous.
C'est finalement le camarade Jospin mis le feu aux poudre en partageant sur Canal+ sa frilosité politique cuvée prè-2002 qui lui réussit si bien à l'époque...
Certes chacun est libre de s'exprimer en démocratie, y compris les archevèques, les rabbins, les immams et même les mormons depressifs, mais je ne vois pas pourquoi on se priverait de leur répondre sous pretexte qu'ils expriment des opinions réactionnaires avec un air constipé et compatissant, la palme revenant quand même à la très sainte église catholique romaine qui montre là qu'elle ne s'est pas départie de son génie dans l'hypocrisie contrite depuis l'invention des indulgences. Comme dirait un doctorant fatal picard de ma connaissance, on sait tous pourquoi les enfants de choeur ont la raie au milieu alors ne la ramenez pas trop messieurs les cardinaux...
C'est donc via mon mur Facebook, cette version moderne de Dyonisos, Bacchus et autres divinités créatives et récréatives de la Nature, que me parvint la prose de Virginie et que je vous invite à lire avec attention, si possible après avoir renouvelé votre aller simple pour l'Enfer par les péches de luxure et/ou gourmandise, histoire d'être dans de bonnes dispositions.
D'accord son papier est un peu long, mais qu'est ce que c'est bon... En le lisant, j'ai instantanément pensé aux sages paroles d'un de mes collègues installé dans une ville du sud de la France, qui pestant contre le déferlement de familles habillées en gentilles explorateurs Quetchua qui envahissaient littéralement les ruelles paisibles où il habite de juin à septembre dans une harmonie comportementale toute bosonique, dénoncait cette société où pour être heureux il fallait absolument se conforter au modèle familial héteronormé judéochrétien, manger bio, boire avec modération, ne pas fumer même de temps en temps, éviter la gnole et la glande post-prandiale comme le petit apéro post boulot et épargner pour attendre la retraite tout en regardant TF1... Vaste programme...
Car le point que soulève Virginie Despentes est à mon avis central. Lorsqu'elle écrit:
"Arrêtez de nous bassiner avec le modèle père et mère quand on sait que la plupart des enfants grandissent autrement, et que ça a toujours été comme ça. Quand les dirigeants déclarent une guerre, ils se foutent de savoir qu'ils préparent une génération d'orphelins de pères. Arrêtez de vous raconter des histoires comme quoi l'hétérosexualité à l'occidentale est la seule façon de vivre ensemble, que c'est la seule façon de faire partie de l'humanité. Vous grimpez sur le dos des gouines et des pédés pour chanter vos louanges. Il n'y a pas de quoi, et on n'est pas là pour ça. Vos vies dans l'ensemble sont plutôt merdiques, vos vies amoureuses sont plutôt calamiteuses, arrêtez de croire que ça ne se voit pas. Laissez les gouines et les pédés gérer leurs vies comme ils l'entendent. Personne n'a envie de prendre modèle sur vous. Occupez-vous plutôt de construire plus d'abris pour les sdf que de prisons, ça, ça changera la vie de tout le monde. Dormir sur un carton et ne pas savoir où aller pisser n'est pas un choix de vie, c'est une terreur politique, je m'étonne de ce que le mariage vous obnubile autant, que ce soit chez Jospin ou au Vatican, alors que la misère vous paraît à ce point supportable."
ce n'est pas juste un soutien au mariage pour tous ou une manière de dire "Foutez nous la paix" tout en renvoyant les défenseurs de l'ordre moral à leurs contradiction... Ce qu'elle dénonce c'est la propention hélas trop humaine au totalitarisme soft, c'est à dire à l'imposition par pression sociale d'un modèle soit disant meilleur tout en ignorant soigneusement les merdes sous le tapis au sein de notre société.
Alors oui, elle a infiniment raison: faisons le mariage universel et tout le package qui va avec au plus vite et occupons nous ensuite d'inventer un monde plus solidaire avant qu'on ne soit rattrapés par la barbarie... Parce que là, y'a vraiment du boulot!
Comme quoi, la femme peut être le meilleur de l'Homme quand elle ne pense pas comme les autres, c'est à dire qu'elle ne pense pas comme ceux qui ne pensent pas.
Et pour ceux qui ne l'ont pas encore vu, allez voir "Shortbus", surtout si vous êtes cardinal...