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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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12 août 2009

L'heure de vérité (1/2)

"This is not about politics. This is about people's lives.
This is about people's buisness. This is about our future."

En ce moment se joue la mère de toutes les batailles aux Etats-Unis: la réforme du système de santé. Pour Obama c'est très probablement, sauf bifurcation géopolitique majeure, ce qui scellera sa réussite ou son échec. L'enjeu est considérable: il s'agit de réformer le système de santé américain pour qu'il couvre tout le monde à un cout si possible plus bas et sans altérer la qualité de la prise en charge, voire en l'améliorant.

La réalité c'est un cout de 16 % de la richesse nationale US qui part en dépenses de santé et 46 % de la population mal couverte. Par comparaison, en France, tout le monde est couvert - grace à la CMU - et nous dépensons 9 % de notre richesse nationale en dépenses de santé.

La particularité des USA c'est l'inexistence d'une assurance maladie globale. En pratique, les gens sont soit assurés via des compagnies privées (assurance individuelle ou bien contrat négocié via leur employeur) ou bénéficient des programmes Medicare et Medicaid au niveau de chaque Etat pour les personnes agées ou sans ressource, ou bien ne sont pas couverts du tout.

Dans l'Histoire des Etats-Unis, il y eut dans les années 30 une discussion autour d'un système de sécurité social national mais à chaque fois, le projet aborta sous l'effet de l'opposition de l'American Medical Association. De ces batailles passées subsiste dans l'inconscient collectif américain l'association "sécurité sociale = socialisme" que j'ai même entendu lors de mon séjour à Boston... Pour en savoir plus je vous recommande le résumé historique du NY Times. Au delà de l'anecdote, la question de la sécu est un des points d'achoppement centraux du débat politique aux USA (cf wikipedia pour une synthèse). Il pose en effet les questions du rôle du gouvernement dans la redistribution de la richesse nationale, la question de l'équilibre entre production de richesse et protection sociale, le problème de la solidarité intergénérationelle (certaines critiques allant jusqu'à voir la sécu comme un schéma de Ponzi)... Et surtout, l'idée même d'une sécu s'oppose au mythe de l'individu assumant seul la gestion de sa carrière, sa famille et la protection de son univers familial si cher aux américains.

En gros pour les conservateurs américains, la sécu réduit la propriété et le produit du travail au détriment de l'assistance et contourne le fonctionnement des marchés.

En pratique, le principal problème aujourd'hui, ce n'est aucune des grandes questions d'idéologie mais le poids des dépenses de santé: 16 % du PNB, c'est énorme et, comme le dit Obama, c'est déjà assez pour limiter la capacité du pays à faire évoluer son économie et la préparer aux défis du prochain siècle.

On peut se demander pourquoi une telle différence avec chez nous, alors qu'en terme d'espérance de vie par exemple, la différence France/USA n'est pas si spectaculaire (et même plutôt à l'avantage de la France) ?

Une première cause évidente, ce sont les frais de gestion. Un système de sécu global devant assurer tout le monde, il ne dépense rien pour calculer les risques. Au contraire les assurances privées américaines dépensent des sommes importantes pour affiner les clauses qui leur permettront de ne pas payer dans certains cas fort dispendieux (plafonds associés à des maladies graves, clauses de retrait associées à certains antécédents etc). J'avais lu par le passé que la différence de cout de gestion était du simple au triple (3 % en France, 9% aux USA) mais Paul Krugman dit que ce chiffre monte à 30 % dans le cas d'assurances privées non souscrites via un plan d'employeur (article récent de Paul Krugman). Peu importe entre 9 et 30 %, c'est de toutes façon nettement plus que dans un système où aucun filtrage n'existe.

Maintenant au delà des frais de gestions, il y a dérapage des couts. Mon expérience aux USA m'a appris qu'en terme d'acte médical, le cout était 5 à 10x plus élevé là bas qu'ici. L'argent passe probablement dans les poches des labos, des assureurs et aussi dans la poche des médecins. Bref il est probable que tout le monde a pris la mauvaise habitude de se gaver au delà du raisonnable... Et comme le dit Obama, le défi au delà de la mise en place d'une sécu sera de diminuer les couts sans perdre en qualité.

On comprend alors la farouche opposition à laquelle il a affaire...

A suivre...

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Commentaires
P
Puisque tu cites un article de Krugman, j'en profite pour signaler un article d'anticipation de 1996 (http://mit.edu/krugman/www/BACKWRD2.html )<br /> qui fait un peu penser (en moins élaboré :-) ) à tes carbon fictions.
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L
Je suis assez impressionné qu'Obama ait osé s'attaquer à ce pilier sensible de la culture américaine. Bravo!
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B
Dans l'écart entre 16% chez eux et 9% chez nous, il y a sûrement quelques % dans la gestion et... beaucoup dans les bénéfices.<br /> <br /> Chez nous le système de secu/hopitaux n'est à priori pas fait pour en faire (il est même déficitaire). Après, les mutuelles (mais pas toutes), les médecins et pharmaciens (mais à petite dose) et les labos et entreprises pharmaceutiques (à très -trop ?- grosse dose) font des bénéfices sur la santé.<br /> <br /> Aux US, toute la chaîne n'a pour but que de se faire des bénéfices (sauf medicare/medicaid ?) et à plus grosse échelle encore. Normal que ça coûte plus même pour moins d'assurés en proportion !<br /> <br /> <br /> Enfin, c'est en tout cas comme ça que je le vois, c'est peut-être exagéré.
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