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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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13 août 2010

Quand des scientifiques sont à coté de la plaque...

Deux prises de position publiques de scientifiques ces derniers jours... mais qui illustrent hélas des erreurs de raisonnement assez sérieuses.

La première, due à Hawking, prouve que le niveau scientifique ne dispense absolument pas de dire des anneries monumentales:

"Si nous pouvons éviter une catastrophe au cours des deux prochains siècles, notre espèce devrait être sauve si nous nous déployons dans l'espace."

Pourtant, Hawking devrait savoir que nous sommes loin, très loin, de maitriser tous les enjeux techniques d'une présence permanente dans l'espace.

Ainsi, l'ISS est notre seule réussite en service actuellement dans ce domaine et elle représente 100 milliards de $ d'investissements sur plus d'une décénie pour permettre à une demi douzaine de personnes de résider de quelques semaines à quelques mois dans le voisinage immédiat de la Terre: depuis 30 ans, on n'a pas mis les pieds sur la Lune. Rappelons nous enfin que la navette américaine, l'unique programme de véhicules spatiaux réutilisables mis en oeuvre à ce jour, s'est avéré comporter un taux d'accidents largement supérieur à celui des accidents de la route (2 navettes perdues soit 2 accidents sur moins de 200 missions) et que si on avait trouvé plus fiable et moins cher en moins de 25 ans, je crois qu'on aurait mis les navettes dans les musées bien avant qu'elles ne soient toutes bonnes pour la retraite ou désintégrées en petits morceaux.

Bref, les villes sur la Lune et les villas sur Mars, ce n'est pas pour demain et sauf révolution, les étoiles ne sont pas pour l'Homme... en tous cas pas avant que nous n'ayons surmonté la montagne de problèmes qui nous attend sur Terre. 

La seconde vise à l'arrêt pur et simple du projet ITER et le redéploiement des moyens associés.

C'est un vieux serpent de mer qui date de plusieurs années et que j'ai maintes fois entendus pendant les Etats-Généraux en 2004. La tribune part d'un problème réél dans le projet ITER (la résistance des parois et matériaux présents dans la chambre du réacteur au bombardement par des neutrons à 14 Mev issus des réactions de fusion Deuterium-Tritium) pour argumenter que le projet risque de ne pas aboutir dans un temps raisonnable pour apporter une contribution utile à la solution de la crise énergétique globale qui s'annonce.

L'argument semble pertinent mais rappelons nous humblement que ni moi, ni aucun des auteurs de la tribune, ne sommes des experts en physique des matériaux en présence d'un bombardement neutronique. Si l'ensemble de la communauté scientifique ayant cette expertise se retrouve autour d'un consensus critiqué par des membres d'autres communautés scientifiques, on risque de se retrouver dans une configuration déjà vue...

Anyway, indépendement de ITER, il importe de mettre le paquet sur des solutions susceptibles de contribuer plus vite à la solution et il y en a essentiellement deux:

  • Une réduction de la consommation d'énergie primaire nécessaire pour avoir un niveau de confort de vie analogue à celui des pays les plus développés. Notez bien que je ne dis pas pour avoir un "mode de vie" analogue mais un niveau de confort analogue. Pour en savoir plus, allez voir du coté de chez Jancovici et faites votre propre bilan carbone pour bien prendre conscience du problème!
  • Le développement de générateurs électriques susceptibles de produire massivement de l'électricité sans emettre de CO2 (ou presque) et en s'appuyant sur des ressources disponibles sur une période d'au moins 5 siècles. Et là c'est tout ce qui concerne les renouvelables et les réacteurs nucléaires de génération 4 (les surrégénérateurs). Pour en savoir plus, Jean-Marc Jancovici explique très bien sur son site Web quel est le contenu carbone des diverses sources d'énargie primaire et quelles sont les perspectives en terme de déploiement à grande échelle.

Les auteurs de la tribune ont donc raison de demander que plus d'argent soit investi dans le développement de réacteurs de 4ème génération. Mais en lisant la tribune, on voit aussi pointer d'autres motivations plus "naives" (désolé si les auteurs me lisent):

"Ponctionner d’autres projets de recherche au prétexte qu’il y aurait là une source quasi infinie d’énergie n’est donc aucunement justifié. La physique des plasmas doit être financée au même titre que les autres grands domaines de recherche fondamentale, pas au-delà."

En gros, déhabillons Pierre pour habiller Paul... mais en supposant que le jeu est à somme nulle dans le monde de la recherche! Et là est à mon avis la grosse naiveté de cette tribune... 

En effet, si pousse le raisonnement vraiment à son terme, les conclusions sont un peu différentes. Si l'objectif est de se préparer à affronter la crise énergétique globale, alors:

  • En matière de recherche, ce n'est pas forcément les domaines de recherche fondamentale qui devraient bénéficier d'un effort important. L'exemple flagrant c'est le développement des réacteurs de 4ème génération ou encore de systèmes de grille intelligente capables d'opérer un ajustement en temps réél des consommations électriques et des capacités de production. Les uns comme les autres sont avant tout des gros problèmes de recherche finalisée comportant un important volet ingéniérie et un important volet socio-économique liés aux problèmes de mise en oeuvre (usage et acceptation).
  • La transition vers une économie plus sobre ne se fera pas sans modifier nos usages et nos comportements. On sait ainsi qu'une économie importante pourrait être réalisée sur le logement, notammenent par la rénovation massive des logements anciens et par de meilleurs choix lors de la construction de logements neufs (habitats plus groupés, mise ne oeuvre de technologies économiques avancées etc). Or ceci ne se fera pas sans incitations fortes sinon les gens continueront par défaut à privilégier les choix "buisness as usual" (mon grand jardin, ma grande maison, mes mètres carrés etc). Qui dit incitation dit aussi et souvent dépenses liées à la formation des professionnels, au développement des industries produisant les fournitures et au remodelage des infrastructures. Et enfin incitations fiscales qui se traduisent soit par des pertes de recettes (crédits d'impots) soit par des dépenses (subventions). Pour en savoir plus sur ce qui peut vraiment diminuer notre empreinte carbone et énargétique, lisez les réflexions de Jean Marc Jancovici!

Bref, la conclusion qui ne fera surement pas plaisir à mes collègues, c'est que l'argent d'ITER ou de tout autre projet scientifique ou non qui serait arrêté pour mettre en oeuvre une transition vers une société plus sobre énergétiquement devrait être affecté avant tout à autre chose que de la recherche fondamentale (ce qui ne dispense pas de bien la financer)... 

Evidemment, cela suppose que cet argent représente une masse assez importante pour faire une différence... C'est une hypothèse essentielle dans le raisonnement des auteurs de la tribune.

Ceci dit, si ITER c'est 15 milliards d'euros étalés sur 10 ans, payés par environ 750 millions de personnes (300 millions d'européens, 100 millions de japonais, 300 millions d'américains et 50 millions d'autres à la louche), ca ne fait jamais que 2 euros par personne et par an. Je n'ai pas choisi les gens au hasard: dans ces pays, le PIB par habitant est facilement de 20000 euros/an et par personne et donc ITER représente environ 0.01 % de la part de PIB par habitant de ces pays chaque année. 

Pour information, lorsque l'on a sabordé la taxe carbone en France, même avec un montant homéopatique de 17 euros la tonne de CO2, on parlait d'un impact de 100 à 130 euros par personne et par an (à comparer aux 2 que coute ITER dans la répartition ci dessus)...

Alors pourquoi cette crispation sur ITER ?

Un point de vue appelant à la mise en oeuvre d'une taxe carbone non homéopatique et au développement conjoint d'une part d'un vaste plan d'amélioration de l'efficacité énergétique de l'habitat et d'autre part de la recherche sur les surrégénérateurs, les renouvelables et la grille intelligente n'aurait t'il pas été plus approprié ?

Alors quelle sont les pièges dans lesquels les auteurs de la tribune se sont, à mon avis, englué au mieux un pied, et peut être même deux ? J'en vois deux principaux:

  • Un raisonnement réductiviste: dans cette tribune on fonctionne dans un système isolé - la recherche (publique d'ailleurs) - en invoquant des motivations extérieures - la crise énergétique - pour prendre position mais sans prendre en compte que leur prise en compte peut mettre en péril le raisonnement fait sur le système isolé. Or une estimation d'ordres de grandeurs montre que le problème du financement de la préparation à la crise énergétique dépasse largement le financement d'ITER... 
  • Un risque d'erreur scientifique: encore une fois, les auteurs n'ont pas plus l'expertise pour dire que les défis rencontrés par ITER sur la tenue des matériaux ne pourront être résolus que Claude Allègre n'en a pour dire que le GIEC ne raconte que des conneries. La tribune s'appuie donc sur une prise de position qui n'est pas le produit d'un consensus scientifique collectif mais sur un acte de foi qui n'engage que ses auteurs. 

Avec raison, Jancovici a récemment critiqué avec violence la propension excessive de la presse à utiliser des prises de position de chercheurs pour faire vendre du papier. Je crois que la complexité des problèmes et l'importance des enjeux doit nous inciter à plus d'humilité et d'ouverture d'esprit. Faute de quoi, l'apport des scientifiques à ce type de débat échouera bien vite aux oubliettes de l'Histoire sans avoir fait avancer le schmilblick... L'enfer est toujours pavé de bonnes intentions.

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Commentaires
M
Salut Mr. Guillaume, <br /> <br /> J'ai remarque qu'il y avait tant de chose que vous n'aviez pas mentioner, comme si je dirai que les hommes d'aujourd'hui son imcapable d'aller dans la lune ou coicre ce cas, Mais vous devriez y savoir que dans beaucoup de Grand Laborstoirs comme Los Alamos, nous avions inventés des moteurs a "energie libre", les differents type de technology a base de fonctionnement MHD"(Magnétohydrodynamique)selon ce que je pus y voir las bas, nous avion meme des engins qui y alle a Mac 52" en emetant une immense quantité de fusion reaction dans le moteur des appreil et tout en avant sa prope gravité permentant au occupant a ne pas sentir ce qui passe au dehors des appareil.Je pense que la france de travaille de maniere conjointe avec les americains, russes et japonais dans ces genres de science que les americains sont 50 ans en avant sur vous. Je peux vous donner quelques example sur l'areodynamique, ils ont le B2 bombers qui emet une type special de rayonnement MHD.a vitesse superieur de mac 10 ou plus et le tout nouveau models parallele a Aurora et beaucoup d'autre. Merci pour votre attention.Aurevoir.
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P
Salut Guillaume, dr en astrophysique et ex dark prez 2 (sauf fausse reconnaissance)! Content d'avoir des nouvelles et merci pour la vidéo. Sinon ca va à Marseille ?<br /> <br /> Concernant Hawking, je crois qu'il pense vraiment à une installation permanente de l'homme loin de la Terre! Et ça, je crois que ca prendra encore du temps, plus en tous cas que ce qui nous sépare du mur énergético-climatique. Ce qui ne veut pas dire arréter d'essayer d'explorer l'espace mais il faut être conscient des échelles de temps... <br /> <br /> Sinon pour les satellites, 100 % d'accord avec toi: si, à la différence de nos ancètres, nous pouvons anticiper certains problèmes, c'est en partie grace à l'observation par satellite. <br /> <br /> Pour ITER, j'ai fait une estimation conservative comme on dit!<br /> <br /> A suivre sur mon blog: quelques posts consacrés à la "singularité technologique"... Stay tuned!
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G
Cher Pascal,<br /> <br /> Concernant la sentence de Hawking, penses-tu qu'il entendait par "deploiement dans l'espace" un peuplement de l'espace par l'homme ? J'aurais plutot interpreté ce "deploiement" par la mise en place d'un nombre de satellites suffisamment nombreux pour prevenir voire guerir tous les maux qui pourraient venir menacer l'avenir de l'homme sur la Terre qu'ils soient endogenes ou exogenes (cf Armageddon !!!)<br /> <br /> Concernant la navette, les américains ont rapidement compris que le concept ne serait jamais vraiment réutilisable et surtout qu'il serait tres tres couteux (par rapport au Soyouz notamment). Les points faibles de la navette etaient (sont) connus. D'ailleurs, le programme s'arrete tres bientot, il ne reste plus beaucoup de temps pour profiter du spectacle des decollages de la navette depuis les plages de la Floride qui reste (et restera sans doute pour longtemps) le plus impressionnant des lancements d'engins spatiaux par l'homme. A defaut, on peut se delecter de l'excellent montage du decollage d'une navette commenté en francais dans le texte par Patrick Baudry depuis la cabine :<br /> http://www.youtube.com/watch?v=tcDZi7Xag2Q<br /> ou comment atteindre 100Km d'altitude en quelques minutes...<br /> <br /> Amities et felicitations pour ton excellent blog,<br /> Guillaume B.<br /> Docteur en astrophysique !!!<br /> <br /> PS : concernant ITER, tu as oublié de compter les habitants de la Chine et de l'Inde dans ton calcul ;-)
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P
Merci pour ce commentaire! <br /> <br /> Concernant la navette, je parlais d'un véhicule réutilisable. L'idée à l'époque de sa conception était d'avoir un véhicule moins onéreux car on pourrait le renvoyer un grand nombre de fois. Ca s'est avéré ne pas être le cas... Mais je suis d'accord: les Soyouz ont été une très bonne alternative non renouvelable!<br /> <br /> Pour les grands programmes, leur effet d'entrainement auprès du public est réél. On pourrait compléter en mentionnant les retombéees technologiques qu'ils entrainent aussi que le problème de la perte d'expertise quand on les arrête. Mais bon, je ne voulais pas développer une argumentation pour ITER (ni contre d'ailleurs) dans ce post mais montrer que l'argumentaire invoqué dans cette tribune comportant des points faibles sérieux. Savoir s'il faut arrêter ou continuer ITER mérite une analyse bien plus poussée sur plein d'aspects à mon avis.
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N
Deux petites remarques concernant cet excellent article :<br /> <br /> * la navette americaine n'est pas un bon exemple. Si tu prends les Soyouz, qui desservent aussi l'ISS, ont une fiabilite beaucoup plus importante (99,8%). Donc on a plus fiable et moins cher. <br /> <br /> * Pour aller dans ton sens concernant ITER ou plus generalement les grands instruements. J'ai souvent entendu de la part de mes collegues que l'argent investit dans ce type de projets serait mieux utilise dans des projets de taille modeste. C'est a mon avis un mauvais point de vue. Comme tu l'indiques, ce n'est pas un jeu a somme nulle. La "big science" sert a motiver l'opinion public autour de programmes visibles. L'arret de ce genre de projets est le signe d'une perte d'interet global vis-a-vis de la science et donc d'une diminution globale du financement de la recherche.
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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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