Mélanchon, vers l'Apocalypse et au delà
Au départ, c'était un jeu des Daltons: me faire écouter le meeting de Mélanchon après avoir écouté un peu de celui de Macron pour que je puisse comparer.
Le problème c'est que je suis sérieux et que j'ai donc écouté l'intégralité du meeting de Mélanchon (en faisant un peu autre chose mais j'ai quand même prété une oreille attentive)...
Et là, c'est un peu la plongée en direct dans le paradoxe Mélanchon. Car en sortant du PS, il a fait comme Alice au pays des merveilles: il est passé de l'autre coté du miroir et ça a changé sa manière de voir les choses. Oui, on peut dire que Mélanchon a probablement pris conscience de la grande menace qui pèse sur nos sociétés avancées, à savoir la double crise énergétique et climatique. Ce n'est pas une blague: lisez ce post brillant que j'ai trouvé sur son blog. Le diagnostic est là: clair et bien posé.
Enfin un candidat qui se projette au delà de la fin d'un monde (notre Apocalypse actuelle), vers la naissance d'un nouveau monde. Et ça, c'est plutôt une bonne nouvelle... et c'est sans doute ce qui explique une partie de son succès et de son audience actuelle, comparativement à 2012.
Malheureusement, 30 ans de socialisme productiviste et positiviste, ça vous marque un homme surtout s'il n'a pas la culture scientifique pour faire la transition. Et c'est là qu'on arrive au paradoxe Mélanchon... Ce qui m'a frappé tout au long du meeting, c'est que finalement, ce qu'il nous explique c'est que y'a qu'à lancer un grand programme de transition énergétique et on va sortir du carbone, du nucléaire et faire 100 % de renouvelables le tout sans aucun impact récessif ou de toutes façon assez faible pour qu'en taxant les riches, on arrive à s'en sortir.
Sur le papier c'est séduisant, tout comme le scénario Négawatt dont JLM est d'ailleurs un grand fan. Mais le hic, c'est que ca c'est des constructions théoriques et quand on les examine un peu en détail, et bien ca ne marchera pas. Je ne dis pas qu'on ne peut pas éviter le crash, mais en tous cas, pas en suivant la voie qu'il propose.
Tout repose sur deux postulats:
- que les verrous technologiques à la mise en oeuvre d'un système 100% renouvelables et sans nucléaire vont sauter rapidement;
- que la société peut encaisser une diminution drastique (-50%) du nombre de kWh consommé par habitant d'ici 2050 sans imploser.
Je ne crois ni à l'un ni à l'autre pour des raisons que j'ai déjà expliqué 20 fois sur ce blog.
Première grosse faille: faire l'apologie d'un scénario assez fortement récessif (negawatt) et en même temps aller promettre plus de richesses à se partager me parait quelque peu contradictoire. Peut être qu'il a en tête des solutions miracles mais elles n'existent pas, et si elles n'existent pas en laboratoire aujourd'hui, elles n'ont aucune chance d'être déployées à grande échelle avant l'an de grace 2040 car, je vous le rappelle, 20-30 ans c'est le temps nécessaire pour déployer à grande échelle une technologie de rupture qui change le monde! Donc la première option ne donnera rien (en tous cas à horizon 2020-2030) et la seconde, c'est un boulevard vers un régime autoritaire.
Il y a donc une naiveté et une foi en le progrès touchante chez lui... enfin touchante tant qu'il n'a pas le pouvoir. Parce que s'il arrive convaincu que les choses doivent se passer comme il les imagine, je pense qu'il n'a pas fini de piquer des colères dans les couloirs de l'Elysée. Car Mélanchon est un ancien Marxiste, qui est persuadé que le politique domine les autres forces. Lénine disait: la guerre est l'accélérateur de l'histoire. Mélanchon nous dit que la crise énergético-climatique est l'accélérateur de l'histoire... Dans un cas comme dans l'autre, ce qu'il faut comprendre c'est qu'en bons Marxistes, ils parlent des circonstances qui créent les conditions pour que la volonté politique entraine la transformation historique.
Mais peut être qu'on peut se tromper, qu'il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir, que le happy end n'est pas au bout du chemin ou en tous cas pas là où on l'attendait... Et là, que se passera t'il ? Le doute m'étreint...
Ceci étant, je dois lui reconnaître un certain panache: ca fait une éternité qu'on n'a pas entendu "Gloire à l'esprit humain, gloire à nos chercheurs" dans un meeting politique... Oui il faut reconnaître, il y a du panache et une vision, un optimisme qui tranche avec le déclinisme ambient. Peut être que l'esprit de 1789, celui qui a donné naissance au système métrique et aux écoles normales, centrales et à polytechnique s'est enfin réveillé dans cette campagne ?
Mais le doute m'assaille à nouveau: que dira Mélanchon président quand, en pleine tourmente économique, avec un baril à 200 € (si on joue de malchance ca pourrait arriver vite), les mêmes chercheurs et ingénieurs expliqueront que non, là on ne sait tout simplement pas faire et on ne saura pas faire avant la fin de son mandat ? J'ai comme un souvenir d'une République acculée qui finit par ne plus avoir besoin de savants...
PS: Je ne suis pas le seul que la planification écologique à la JLM inquiète... bizarrement avec les mêmes soucis que moi.