Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
Archives
Derniers commentaires
12 juin 2011

Mais où est passé le coeur du réacteur 1 de Fukushima ?

C'est la question qu'on s'est posé avec un collègue du labo qui m'a montré le document de Tepco discutant les dégats au niveau du réacteur 1 de la centrale de Fukushima... 

Donc voila je vais essayer de vous faire partager ce que j'ai compris... Le but n'est évidemment pas de donner un état exact de ce qui se passe réellement là bas - car précisément, on ne sait pas - mais d'ouvrir une fenètre sur comment aborder ces questions avec un regard de scientifique non expert.

Le document date du 15 mai 2011 soit deux mois environ après la catastrophe. Il présente une analyse retrospective de ce qui s'est passé mais aussi une discussion de la situation présente. 

Première chose: regardons les données fournies dans ce document. Vous pouvez questionner la confiance que l'on peut avoir en ces données fournies par la compagnie exploitant la centrale. A cela je répondrais en demandant si quelqu'un en a d'autres (-: .... Bref partons de ce dont on dispose: les graphes de la page 2 montrent d'une part le niveau de l'eau dans la cuve et d'autre part la température du combustible (apparemment la plus élevée).

Ce qu'on voit c'est:

  • Le combustible s'est trouvé découvert dès les premières heures suivant l'arrivée du tsunami. Dès 18 heures, tout le combustible était totalement découvert.
  • Dans ces conditions, il n'est plus du tout refroidi et donc la température monte très vite du fait de l'énergie dégagée par les désintégrations radioactives des produits de fission. En principe, la réaction de fission a été arrêtée dès la détection du séisme (ceci dit il se peut que localement elle redémarre dans un combustible fondu). 
  • Le graphe de température montre que très vite, le combustible a atteint sa température de fusion (environ 2800 dégrès Celsius): voir le graphe de gauche page 2.
  • A 6 heures du matin, les données de température sont interrompues, sans doute parce que le combustible a totalement fondu et s'est donc écoulé au fond de la cuve.

Première conclusion: tout ce qui a été dit sur une fusion partielle du coeur s'avère faux. Il semble bien avoir totalement fondu très rapidement après l'arrêt du refroidissement (à 6h00 du matin, c'était plié). En page 3 du document, Tepco le reconnait explicitement et présente un scénario de fusion totale du coeur.

Les mesures du niveau de l'eau montrent que l'eau que l'on a pompé dans le réacteur n'a pas rerempli la cuve... Il faudrait savoir exactement comment elle a été injectée pour savoir si elle y est entrée et ressortie ou si elle est descendue au fond de l'enceinte de confinement et qu'est ce qu'elle y a rencontré... 

La question naturelle est en effet de savoir ce qu'est devenu le combustible fondu: les graphes de la page 4 montrent que la température est redescendue.... mais reste quand même loin de l'ambiante. Page 3, Tepco annonce que le combustible est probablement tombé au fond de la cuve et s'y trouve en grande partie. 

Mais est-ce le cas ? 

Il est encore un peu tot pour le savoir: l'argument donné par Tepco est que la température en bas de cuve est maintenant bien descendue et que les fluctuations de pression sont correlées aux injections d'eau ce qui suggère que le matériau chaud issu de la fusion du coeur est encore en (grande) partie dans la cuve et donc vaporise l'eau injectée... Ca semble raisonnable mais cela n'implique pas qu'il n'y a pas eu fuite et je ne sais pas donner d'argument à partir des données présentées sur l'ampleur d'une fuite éventuelle.

Pour saisir le problème, il faut se rappeler que la chaleur libérée par désintégration radioactive est importante. Dans le cas de l'accident de Three Miles Island en 1978, on a estimé que 224 minutes après l'arrêt, chaque kg de matériau émettait 130 W de puissance thermique... Du coup 10 tonnes émettent de l'ordre de 1,3 MW... C'est assez pour amener du métal à son point de fusion assez vite et percer une cuve. Tout dépend des détails du scénario: quelle quantité de métal a coulé, comment et à quelle température et quelles étaient les conditions de refroidissement de la cuve à ce moment là...

Les hautes températures du métal en fusion sont également suffisantes pour décomposer le béton. Si vous voulez en savoir plus consultez l'article de Wikipédia sur le corium... mais je vous préviens: là aussi c'est compliqué.

Du coup, il est difficile de dire ce qui s'est vraiment passé: y'a t'il eu fuite de matériau fondu hors de la cuve ? si oui quelle quantités ? et quelles ont été les interactions avec le béton situé en dessous ? Pour le moment Tepco pense que non mais j'attends qu'on en sache un peu plus.

La situation est donc loin d'être claire. Dans ce contexte, il y a une mauvaise nouvelle récente: la remontée du niveau de radiations dans le sous sol du réacteur 1:

An extremely high radiation level – approximately 4,000 millisieverts per hour – has been detected in the first reactor of the Fukushima nuclear power plant on Saturday. According to Itar-Tass news agency, the radiation level surge might be caused by a spew of hot steam coming from a damaged pipe in the system; the steam’s temperature reaches 50 degrees Centigrade

Ceci dit, notez l'imprécision de la dépèche: vous avez bien lu, on parle d'eau sous forme vapeur à 50 degrés! A ma connaissance, à pression ambiante, l'eau bout à 100 degrès (sous pression moins élevée elle bout plus bas mais qu'est ce qui causerait une telle depression là dedans ?). Et surtout aucun mot qui ne permette de savoir ce qui cause cette apparition de vapeur... ni sur le tuyau où est la fuite: d'où part t'il et ou va t'il ?

Bref, le point c'est ce n'est pas encore fini et qu'il faut encore travailler dur pour y voir vraiment clair... 

Voir aussi le point sur le blog Sciences2 de Libération.

Publicité
Commentaires
P
Ah non... cela dépend surement de la géométrie je pense. Le mécanisme qui arrête la réaction dans ce type de réacteur ca doit plutot être des barres de Cadmium...<br /> <br /> Sinon l'échauffement après arrêt de la circulation d'eau provient des désintégrations de tous les noyaux instables issus des réactions de fission... Tout ce qui est rayonnement alpha et béta est dissipé sous forme de chaleur dans le matériau. Les gammas s'échappent plus facilement mais surement pas complètement (c'est des métaux)... Donc une partie de l'énergie des désintégrations se retrouve sous forme de chaleur directement dans les barres de combustible.
Répondre
S
Normalemnt, plus d'eau (modérateur)=arrêt des réactions de fission???
Répondre
After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
Publicité
Publicité