Ethique, scepticisme et action politique...
Il y a quelques jours, un de mes collègues de bureau a posté un commentaire un peu provocateur sur un de mes posts:
"il me semble raisonnable d'envisager qu'en plus de satisfaire leur égo, ces gens-là ont envie d'essayer d'agir, quitte à accepter des "compromis" parfois douloureux. Avoir des convictions de gauche signifierait-il que l'on est condamné à l'inaction pendant un certain nombre d'année, dans le seul but de rester confortablement drappé dans ses convictions ?"
Chez les Trotskystes, on promet la révolution à tous les apéros en sachant très bien qu'elle ne se sera pas produite d'ici le prochain. Comme personellement, je n'ai jamais compris la nécessité de se frustrer en prenant l'apéro, ce mode de fonctionnement n'est pas le mien (-: ...
Cependant, nous sommes dans une démocratie bien établie et donc nous ne sommes pas condamnés à être les sujets obséquieux d'un pouvoir tout puissant, seul endroit d'où on pourrait faire des choses pour le pays. De nombreuses possibilités s'offrent aux citoyens qui veulent s'engager et agir sur le terrain politique.
En premier lieu, ca parait tautologique, mais il y a une opposition à faire vivre. Et il s'avère qu'en ce moment, en France, elle est en assez mauvais état. Des hommes et femmes de bonne volonté et convaincus pourraient trouver là un terrain d'action certes moins clinquant que les ors de la République mais qui n'en est pas moins important pour le pays. Et qu'on ne me dise pas qu'au sein des partis de gauche, la seule chose à faire consiste à aller à faire de la pseudo thérapie de groupe rue de Solférino ou à promettre le grand soir qui n'arrive jamais avec LO...
Au delà des partis politiques, tout le monde associatif et syndical regorge de possibilités d'action. Un certain nombre des personnes dont j'ai parlé en sont d'ailleurs issues et y ont même gagné leur notoriété (et donc aussi l'intérêt de l'actuel président). Or il se trouve que depuis quelques années, les gouvernements ne peuvent pas vraiment contourner la société civile. Ils se doivent de maintenir un dialogue avec les syndicats mais aussi avec les associations (pour les associations, c'était beaucoup moins le cas il y a 20 ou 30 ans...).
Bien sur, parfois ca tourne au cause toujours, tu m'intéresse. Mais quand il joue cette partition, l'executif perd à coup sur de potentiels relais et y gagne souvent des critiques acerbes et durables... Les équipes gouvernementales intelligentes ont toujours pris soin de laisser la porte ouverte au dialogue. Cela leur sert à prendre la température ou bien à trouver de nouvelles pistes et de nouvelles idées. Ce dialogue est sain à partir du moment où chacun reste dans son rôle. La règle est simple et claire: la société civile propose, le gouvernement dispose.
A l'inverse et comme je l'ai expliqué, être embarqué dans un bateau gouvernemental oblige à une solidarité gouvernementale qui peut aboutir soit au silence, soit à une expression peu crédible... Dans le contexte actuel, s'y rajoute un élément de conjoncture qui est la faiblesse de l'opposition. Et là, comme je l'ai expliqué, ca devient malsain.
Ceci m'amène à répondre à un second commentaire concernant cette fois mon post sur le Grenelle de l'Environnement.
Bien sur, je ne suis pas naif. Je sais bien que l'on est encore loin d'un basculement de paragigme concernant la société. Mais justement, ne jouons pas les ultrasceptiques ronchons et regardons les choses en face:
- Le Grenelle a permis aux divers partenaires de s'exprimer librement et de mettre au clair leurs points de consensus et leurs points de disensus. C'était un préliminaire indispensable pour avancer.
- Le Grenelle a forcé l'executif à expliciter des intentions, parfois sous forme de propositions concrètes qui, même si elles étaient déjà dans les directives européennes, ont maintenant valeur d'engagement. Mêmes si les promesses n'engagent que ceux qui y croient, ceux qui ne les tiennent pas prennent le risque de foudres électorales.
- Sur le fond, en mettant ces sujets sur la table, le Grenelle permet de mettre en lumière les contradictions entre les "totems" de croissance et d'expansion perpétuelle de nos sociétés capitalistes et les limitations du monde physique dans lequel nous vivons.
- Même si certaines évolutions posent des problèmes (en particulier le cout social de certaines mesures et transformations), le Grenelle a permis de les faire passer du statut d'idées portées par une nébuleuses associative à celui de véritables sujets gouvernementaux sur lesquels il va falloir dégager des propositions opératoires.
La situation me rappelle ce que j'ai vécu tout au long de mon action sur les formations doctorales.
Toutes les réunions, concertations et grand messes auquel j'ai participé n'ont pas débouché forcément sur des avancées fortes et rapides. Je me rappelle encore des nombreuses remarques sceptiques que j'ai entendu ou que j'ai moi même faites. Mais à chaque fois, sur le moyen terme, ces réunions et concertations ont permis de faire avancer les choses.
Un changement de paradigme politique s'apparente en fait à une transformation d'un écosystème. Mais sauf cataclysme (guerre etc), de tels changements ne peuvent être que graduels et difficiles car ils impliquent toutes les échelles. Pour y arriver, il faut donc catalyser l'évolution dans les manières de penser et d'analyser les choses partout où c'est possible: de l'individu aux institutions. Et dans une démocratie, l'outil légitime pour cela, c'est le débat.
Tout l'enjeu consiste à donc créer le débat puis continuer à le faire vivre et se développer dans la durée et dans le maximum de couches de la société. Le Grenelle a une (petite) chance d'être l'amorce d'un tel processus sur les questions écologiques.
Pour cette raison, je pense qu'il faut en souligner les cotés positifs sans pour autant croire au père Noel.