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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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1 novembre 2007

Ethique, scepticisme et action politique...

Il y a quelques jours, un de mes collègues de bureau a posté un commentaire un peu provocateur sur un de mes posts:

"il me semble raisonnable d'envisager qu'en plus de satisfaire leur égo, ces gens-là ont envie d'essayer d'agir, quitte à accepter des "compromis" parfois douloureux. Avoir des convictions de gauche signifierait-il que l'on est condamné à l'inaction pendant un certain nombre d'année, dans le seul but de rester confortablement drappé dans ses convictions ?"

Chez les Trotskystes, on promet la révolution à tous les apéros en sachant très bien qu'elle ne se sera pas produite d'ici le prochain. Comme personellement, je n'ai jamais compris la nécessité de se frustrer en prenant l'apéro, ce mode de fonctionnement n'est pas le mien (-: ...

Cependant, nous sommes dans une démocratie bien établie et donc nous ne sommes pas condamnés à être les sujets obséquieux d'un pouvoir tout puissant, seul endroit d'où on pourrait faire des choses pour le pays. De nombreuses possibilités s'offrent aux citoyens qui veulent s'engager et agir sur le terrain politique.

En premier lieu, ca parait tautologique, mais il y a une opposition à faire vivre. Et il s'avère qu'en ce moment, en France, elle est en assez mauvais état. Des hommes et femmes de bonne volonté et convaincus pourraient trouver là un terrain d'action certes moins clinquant que les ors de la République mais qui n'en est pas moins important pour le pays. Et qu'on ne me dise pas qu'au sein des partis de gauche, la seule chose à faire consiste à aller à faire de la pseudo thérapie de groupe rue de Solférino ou à promettre le grand soir qui n'arrive jamais avec LO...

Au delà des partis politiques, tout le monde associatif et syndical regorge de possibilités d'action. Un certain nombre des personnes dont j'ai parlé en sont d'ailleurs issues et y ont même gagné leur notoriété (et donc aussi l'intérêt de l'actuel président). Or il se trouve que depuis quelques années, les gouvernements ne peuvent pas vraiment contourner la société civile. Ils se doivent de maintenir un dialogue avec les syndicats mais aussi avec les associations (pour les associations, c'était beaucoup moins le cas il y a 20 ou 30 ans...).

Bien sur, parfois ca tourne au cause toujours, tu m'intéresse. Mais quand il joue cette partition, l'executif perd à coup sur de potentiels relais et y gagne souvent des critiques acerbes et durables... Les équipes gouvernementales intelligentes ont toujours pris soin de laisser la porte ouverte au dialogue. Cela leur sert à prendre la température ou bien à trouver de nouvelles pistes et de nouvelles idées. Ce dialogue est sain à partir du moment où chacun reste dans son rôle. La règle est simple et claire: la société civile propose, le gouvernement dispose.

A l'inverse et comme je l'ai expliqué, être embarqué dans un bateau gouvernemental oblige à une solidarité gouvernementale qui peut aboutir soit au silence, soit à une expression peu crédible... Dans le contexte actuel, s'y rajoute un élément de conjoncture qui est la faiblesse de l'opposition. Et là, comme je l'ai expliqué, ca devient malsain.

Ceci m'amène à répondre à un second commentaire concernant cette fois mon post sur le Grenelle de l'Environnement.

Bien sur, je ne suis pas naif. Je sais bien que l'on est encore loin d'un basculement de paragigme concernant la société. Mais justement, ne jouons pas les ultrasceptiques ronchons et regardons les choses en face:

  • Le Grenelle a permis aux divers partenaires de s'exprimer librement et de mettre au clair leurs points de consensus et leurs points de disensus. C'était un préliminaire indispensable pour avancer.
  • Le Grenelle a forcé l'executif à expliciter des intentions, parfois sous forme de propositions concrètes qui, même si elles étaient déjà dans les directives européennes, ont maintenant valeur d'engagement. Mêmes si les promesses n'engagent que ceux qui y croient, ceux qui ne les tiennent pas prennent le risque de foudres électorales.
  • Sur le fond, en mettant ces sujets sur la table, le Grenelle permet de mettre en lumière les contradictions entre les "totems" de croissance et d'expansion perpétuelle de nos sociétés capitalistes et les limitations du monde physique dans lequel nous vivons.
  • Même si certaines évolutions posent des problèmes (en particulier le cout social de certaines mesures et transformations), le Grenelle a permis de les faire passer du statut d'idées portées par une nébuleuses associative à celui de véritables sujets gouvernementaux sur lesquels il va falloir dégager des propositions opératoires.

La situation me rappelle ce que j'ai vécu tout au long de mon action sur les formations doctorales.

Toutes les réunions, concertations et grand messes auquel j'ai participé n'ont pas débouché forcément sur des avancées fortes et rapides. Je me rappelle encore des nombreuses remarques sceptiques que j'ai entendu ou que j'ai moi même faites. Mais à chaque fois, sur le moyen terme, ces réunions et concertations ont permis de faire avancer les choses.

Un changement de paradigme politique s'apparente en fait à une transformation d'un écosystème. Mais sauf cataclysme (guerre etc), de tels changements ne peuvent être que graduels et difficiles car ils impliquent toutes les échelles. Pour y arriver, il faut donc catalyser l'évolution dans les manières de penser et d'analyser les choses partout où c'est possible: de l'individu aux institutions. Et dans une démocratie, l'outil légitime pour cela, c'est le débat.

Tout l'enjeu consiste à donc créer le débat puis continuer à le faire vivre et se développer dans la durée et dans le maximum de couches de la société. Le Grenelle a une (petite) chance d'être l'amorce d'un tel processus sur les questions écologiques.

Pour cette raison, je pense qu'il faut en souligner les cotés positifs sans pour autant croire au père Noel.

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Commentaires
P
Une étude de Bercy chiffrerait à 2 milliards le cout additionel du bouclier fiscal à 50%.<br /> Pour cela voir voir un post d'Ecopublix (http://www.ecopublix.eu/2007/06/rforme-fiscale-1-le-bouclier-arverne.html) qui développe aussi une analyse fort intéressante de cette mesure.
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E
Juste une précision pour conclure ce débat : le "bouclier fiscal" n'est qu'une partie de la loi "en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat", dont le budget global est de 15 milliards d'euros. Le budget du bouclier fiscal est estimé à 810 millions d'euros. Sur ce montant, la part attribuée aux ménages les plus riches (revenu annuel supérieur à 41000 euros) est de 564 millions d'euros (source Observatoire des Inégalités, http://www.inegalites.fr/spip.php?article721).<br /> <br /> Le restant des 15 milliards d'euros est destiné notamment à financer la défiscalisation des heures supplémentaires, ou encore le relèvement des plafonds concernant les droits de successions (sommes en-dessous desquels il n'y a pas de droits de successions à payer). Ces mesures concernent plutôt les bas salaires pour la première (puisque les cadres ne sont a priori pas concernés si je comprends bien), et les classes moyennes pour la deuxième (étant donnés que les successions importantes se trouvent au-dessus des plafonds de défiscalisation).<br /> <br /> Donc bien sûr, la critique de fond selon laquelle des cadeaux fiscaux sont faits aux plus riches reste tout autant valable. Et on peut aussi s'interroger sur l'efficatité économique de l'ensemble de ces mesures. Mais pourquoi ne pas discuter sur la base de chiffres réalistes ?
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P
En plus de 15 ans de carrière, j'ai pu amplement constater que je n'avais pas vraiment la même pensée politique que la plupart de mes collègues.<br /> <br /> Et ce blog n'est pas destiné qu'à des chercheurs...<br /> <br /> En ce qui concerne les diverses questions posées, j'ai déjà répondu dans les multiples posts de ce blog sous une forme parfois indirecte. <br /> <br /> Mais je vais le refaire encore une fois en commentaire et brièvement histoire qu'on passe à autre chose:<br /> <br /> Q: En quoi est-il immoral pour quelqu'un de gauche de participer à un gouvernement de droite ?<br /> <br /> La question n'est pas exactement celle des étiquettes.<br /> <br /> Je me demande comment en ayant préché une forme de justice sociale on peut participer à un gouvernement qui, alors que le pays est en difficulté financière, a distribué 15 milliards d'euros aux classes les plus aisées via des mesures dont l'efficacité économique est en plus assez douteuse. Il y a des hommes politiques catalogués à droite que cela gène aussi (Bayrou par exemple)...<br /> <br /> Q: Est-ce que les schémas de pensées servant à justifier cette immoralité ne sont pas un peu dépassés ?<br /> <br /> Certains oui. D'autres non.<br /> <br /> - Est-ce que la France n'a pas avant tout besoin de réforme ? <br /> <br /> Oui.<br /> <br /> - La France n'a-t-elle pas besoin d'un leader politique fort pour dépasser les corporatismes et avancer dans le 21e siècle ?<br /> <br /> J'aimerais que ce pays ait une alternative entre le bonapartisme et le couillemollisme.<br /> <br /> - Avoir une opposition suffisamment forte est évidemment un préalable indispensable en démocratie. Mais quel est le poids d'une opposition qui ne s'autorise pas la liberté de penser face au gouvernement ? <br /> <br /> Très faible.<br /> <br /> - A être systématiquement contre tout, a-t-on encore la moindre crédibilité le jour où il y a réellement quelque chose d'important à dénoncer ?<br /> <br /> Ce qui cause le manque de crédibilité de l'opposition actuelle c'est l'absence de vision et de propositions. C'est pour cela que la candidate du PS a perdu la présidentielle et, si ce problème n'est pas résolu, c'est ce qui risque aussi de faire perdre le/la candidat(e) du PS en 2012.
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E
Bien sûr, je ne voulais pas dire que la seule alternative pour les candidats à l'ouverture était de rentrer au gouvernement ou de rester chez eux à s'ennuyer. Si je voulais rester dans le ton de mon commentaire précédent, je dirais qu'effectivement la restauration embauche et que la France manque d'infirmières, et que par conséquent il est clair que les emplois utiles disponibles ne sont pas seulement au gouvernement. Mais comme l'auteur du blog a fait un effort dans ce dernier post, je ne vais pas céder à la provocation gratuite.<br /> <br /> En fait, il me semble assez clair que l'on atteint ici les limites du "blog écrit par un chercheur pour des chercheurs". Comme finalement la pensée politique des chercheurs est assez homogène (comme le montre d'ailleurs globalement les commentaires de ce blog), alors personne, à commencer par l'auteur du blog, ne prend la peine d'expliciter un certain nombre de choses jugées totalement évidentes. Du coup, et malgré certains efforts de pédagogie, on a un peu de mal à sortir de la discussion de "cafet' de physiciens" (une version chic du café du commerce), ou tout le monde est grosso modo d'accord, ce qui ne fait pas énormément avancer le débat. Pourtant, notre culture scientifique devrait nous pousser à vouloir comprendre réellement ce qui se passe, y compris dans le monde politique, plutôt qu'à simplement se gausser de l'action des gouvernements de droite avec un sourire entendu.<br /> <br /> Donc, osons poser quelques questions qui fâchent, et dont les réponses mériteraient d'être explicitées et débattues, plutôt que d'être prises pour évidentes (rappelons que la science a progressé quand elle a commencé à s'interroger sur des choses jugées auparavant évidentes) :<br /> <br /> - En quoi est-il immoral pour quelqu'un de gauche de participer à un gouvernement de droite ?<br /> <br /> - Est-ce que les schémas de pensées servant à justifier cette immoralité ne sont pas un peu dépassés ?<br /> <br /> - Est-ce que la France n'a pas avant tout besoin de réforme ? La France n'a-t-elle pas besoin d'un leader politique fort pour dépasser les corporatismes et avancer dans le 21e siècle ?<br /> <br /> - Avoir une opposition suffisamment forte est évidemment un préalable indispensable en démocratie. Mais quel est le poids d'une opposition qui ne s'autorise pas la liberté de penser face au gouvernement ? A être systématiquement contre tout, a-t-on encore la moindre crédibilité le jour où il y a réellement quelque chose d'important à dénoncer ?<br /> <br /> Voilà, j'espère que ces quelques lignes permettront de faire progresser un peu la réflexion. Le but n'est pas de faire changer d'avis l'auteur du blog, mais de lui suggérer de sortir de son confort intellectuel de cafet' de labo, pour qu'il argumente un peu plus ses positions...
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