6 avril 2009
All this has happened before... and it will happen again.
Si je suis resté plutot silencieux pendant la crise des universités qui dure depuis près de deux mois, c'est que tout cela me consterne... Lors des Etats Généraux de la Recherche, j'avais déjà annoncé que le vrai problème était les conditions de travail des universitaire et la gestion de leurs multiples missions. Hélas, les EGR n'avaient pas permis d'approfondir ces points autant que nécessaire, les années qui suivirent n'aboutirent à aucune amélioration sur le sujet. Les frustrations sont donc allées en s'accumulant et, comme je l'avais prévu, cela a fini par déboucher sur la crise actuelle.
En touchant au décret de 1984 qui définit les obligations professionnelles des enseignants chercheurs, la ministre a ouvert la boite de Pandore et allumé toutes les tensions. Depuis des années, le sentiment de déclassement professionnel s'est accumulé et toucher à la "liberté" de gestion du temps dont on dispose dans nos métiers ne pouvait qu'être perçu comme une agression.
Du point de vue de Valérie Pecresse, cela peut sembler un peu paradoxal : ainsi, le déploiement du financement sur projet a apporté à un certain nombre d'équipes des moyens considérables, notamment humains. Or même dans ces équipes le sentiment de mécontentement est très élevé... En discutant avec mes collègues de Paris et d'ailleurs, la raison apparait rapidement: dans le paradigme du financement quasi-exclusif sur projet, les équipes et labos vivent dans la crainte d'une grosse fluctuation à la baisse de leurs moyens. En période faste, elles ouvrent de multiples front d'activité qu'elles craignent de devoir arrêter brutalement au bout de deux ou trois ans. Exactement le stress que j'ai constaté chez mes collègues américains et qu'ils désignent poétiquement par a real pain in the ass.
Cela confirme ce dont j'ai eu l'intuition depuis de nombreuses années: certes l'argent est une denrée rare mais nettement moins que le temps. L'erreur du ministère a été de sous-estimer cette donnée essentielle.
Le blocage est tel aujourd'hui que je vois mal une sortie de crise par le haut. On s'oriente donc vers un "scénario DOMTOM" avec quelques foyers de tension aigue (Rennes II, Toulouse 2, Montpellier 3 étant les plus emblématiques) et de beaucoup plus nombreux foyer de frustration et de tensions latentes... En pratique, la planche sera savonnée pour les 10 ans à venir et je souhaite bien du courage à tout gouvernement qui reprendra le dossier. Il faudra beaucoup d'habilité politique et de sincérité pour éviter la malédiction attribuée par un illustre essayiste (dont je tairais le nom) à Mittérand: "Réformer l'université est impossible: c'est le merdier".
Je reste persuadé qu'il était possible d'avancer sur le sujet à condition de prendre en compte les besoins rééls des gens sur le terrain. Mais ca j'en reparlerai dans de prochains posts. Stay tuned.
Publicité
Commentaires
P
B
P
B