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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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29 décembre 2009

Chemins de traverse (3.5)

Pour répondre à la question que je posais dans mon précédent post, j'ai l'impression que la difficulté vient du fait qu'il faudrait que nous puissions enseigner les choses différemment de la manière dont nous les avons appris.

Pour ma génération, qui fournit les enseignants chevronnés d'aujourd'hui, l'apprentissage des sciences, de l'histoire et de la géograohie, de la littérature et de la philosophie s'est faite au travers de disciplines segmentées: l'histoire géo, le français, les maths, la physique, la philo, la physique, la biologie...

Mais dans une certaine mesure, je crois qu'on arrivait à remettre les choses en perspectives, c'est à dire à avoir une vision à peu près cohérente bien que partielle du tableau brossé par l'ensemble de ces enseignements. Mais il n'est pas évident que cela soit le cas pour les nouvelles générations alors que c'est pourtant ce qui permettrait de leur assurer une base solide. Lorsque j'écoute des ados dans ma famille, j'ai l'impression que les enseignements qu'ils recoivent se juxtaposent sans qu'en émerge une vue d'ensemble. Un peu comme dans un tableau pointilliste sauf que là, il n'y a plus que des points et pas d'image qui s'en dégage. Alors, là faute à qui ou à quoi ?

Evidemment poser cette question c'est prendre le risque d'allumer la polémique entre ceux qui pensent que "si ces glandus se sortaient les doigts du cul, ils y verraient peut être plus clair" et les tenants du "mais ces pauvres petits, on leur met tellement la pression". Je pense qu'il y a un subtil mais néanmoins pervers mélange des deux. Mais ça ne fait pas avancer des masses le schmiblick. Ce qui m'intéresse plus c'est pourquoi les enseignants d'aujourd'hui n'arrivent plus à faire passer une vision d'ensemble.

Je ne prétend pas avoir la réponse mais peut être quelques pistes.

Tout d'abord, je crois qu'on ne fait bien passé que ce que l'on a intériorisé, ce qui suppose d'avoir soi même une vision en laquelle on ait confiance pour déchiffrer le monde. Est-ce le cas des enseignants d'aujourd'hui ? Pas sur qu'ils soient moins paumé statistiquement que l'ensemble des citoyens...

Second élément: les héros sont fatigués. Comme expliqué dans une tribune parue récemment, il n'est pas forcément évident de ramer à contre courant lorsque l'on est enseignant aujourd'hui...

On rejoint là un thème que j'avais déjà développé dans un précédent post ainsi que dans la série Darwin, Internet et l'IA (voir ici le dernier de la série). Les forces qui sont à l'oeuvre ne sont à mon avis ni le résultat d'un "complot" ni le résultat d'un "pur hasard": nous voyons dans l'évolution du rapport des enseignants et des élèves à la culture se déployer des comportements émergents, résultant d'évolutions qui touchent l'ensemble de la société. La véritable question est donc de savoir comment destabiliser ces tendances et semer les germes d'autres comportements émergents.

Dans le cas présent, on n'arrivera à rien par des aménagements à la marge et des batailles d'horaires. Peut être est t'il temps de repenser l'enseignement au delà des frontières des disciplines traditionnelles.

Un exemple: si on voulait enseigner un peu de sciences aux élèves des sections littéraires, est ce que c'est vraiment judicieux de les découper en maths, physique, biologie ? Ne faudrait t'il pas penser un enseignement de sciences plus globalement ? Par exemple en articulant l'enseignement autour d'une synthèse de l'histoire des sciences, de quelques "projets" de sciences expérimentales (histoire de découvrir la méthode scientifique) et d'un enseignement de maths centré sur l'apport des mathématiques en terme de modélisation autour de deux ou trois grands thèmes (dont probas et calcul différentiel) ?

Plutôt que d'enseigner aux élèves des sections littéraires à faire des exercices de maths ou de physique un peu convenus, ne faudrait t'il pas insister sur l'évolution des sciences, les grandes ruptures scientifiques et techniques et leur influence sur notre civilisation quitte à les illustrer par quelques projets bien choisis et quelques recherches bibliographiques ? 

Mais le problème c'est que ça n'est pas comme cela qu'on forme les enseignants... Alors comment casser le cercle et sortir de ce dilemme en forme de poule et d'oeuf ? Peut être en prenant le temps de lever la tête du guidon pour expérimenter de nouvelles idées au niveau de la formation des enseignants... Par exemple en prenant le temps d'introduire des éléments donnant du recul sur l'évolution des sciences et techniques et leur impact sur nos civilisations auprès de ceux et celles qui seront les futurs enseignants. 

Bref ce sont typiquement des choses que nous pourrions faire là où je travaille, à l'Ecole Normale Supérieure de Lyon, surtout que celle ci regroupe à la fois les Sciences dites exactes et les Sciences de l'Homme et de la Société depuis que nos deux établissements ont fusionné... 

Mais encore faut t'il se donner le temps de le faire...

agora

 

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Commentaires
B
Poursuite du com précédent : <br /> <br /> c'est donc tout particulièrement essentiel que l'enseignement ouvre des espaces de ce type où l'on puisse développer une vision globale du monde. C'est à dire en définitive qu'il ne serve pas seulement à remplir les têtes d'un fatras de connaissances, mais permette aux citoyens de devenir plus intelligents. <br /> <br /> On est en plein dans le débat central en fait, entre une éducation "utilitariste" (produire à moindre coût de bons petits soldats pour les entreprises d'aujourd'hui), et une éducation plus humaniste, où le but serait AUSSI de hausser le niveau d'intelligence de ses citoyens. <br /> <br /> Bon réveillon !
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B
Sinon, l'une des clés essentielles face à la plupart (tous ?) des grands défis de cette première moitié de siècle est à mon avis vers la fin de ton texte : trouver le moyen par moment de sortir la tête du guidon, pour aborder les problèmes auxquels on est confronté avec une perspective large et de long terme. <br /> <br /> C'est vrai pour tout, et pour tous je crois... <br /> <br /> En fait c'est une caractéristiques fondamentale de l'intelligence (par rapport à une simple accumulation de connaissances) : faire des connexions et organiser sa connaissance de manière cohérente. <br /> <br /> Or le temps de plus en plus contraint, et nous orientant sans cesse vers le court-terme, nous réduit de plus en plus ces espaces de réflexion et d'élargissement des perspectives.
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B
Ah, cette série de textes commence enfin (au 3e billet 1/2...) à rentrer dans le vif du sujet et apporter quelques pistes de propositions ;-)<br /> <br /> Les pistes développées vont clairement dans le bon sens (on a déjà eu l'occasion d'en discuter ;-)), et à mon avis l'introduction de ce type d'approche globale, aux côtés d'enseignements méthodologiques plus classiques, serait intéressante à tout niveau : primaire au supérieur inclus. Autre problème (que la seule formation des enseignants) : on se heurte au problème de cloisonnement et d' "officines" (en particulier dans le supérieur...) : les maths ne sont bien enseignés que par les matheux, etc.
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