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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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19 novembre 2009

The future is unexpected (2)

Suite de ma série de posts inspirée par le texte de Krugman de 1996:

"Eventually, of course, the eroding payoff to higher education created a crisis in the education industry itself. Why should a student put herself through four years of college and several years of postgraduate work in order to acquire academic credentials with hardly any monetary value? These days jobs that require only six or twelve months of vocational training -- paranursing, carpentry, household maintenance (a profession that has taken over much of the housework that used to be done by unpaid spouses), and so on -- pay nearly as much as one can expect to earn with a master's degree, and more than one can expect to earn with a Ph.D..."

Bon, jusque là rien de très nouveau: j'ai déjà entendu cela en travaillant sur les formations doctorales. La question de la valeur des diplômes est déjà présente à tous les niveaux, depuis le doctorat (cf le débat docteur vs ingénieur) jusqu'aux formations de niveau L (cf les discussions sur la désaffection des formations supérieures). En France le débat est encore renforcé par la dévalorisation des métiers manuels et la survalorisation de la formation initiale...

Là où Krugman devient plus intéressant c'est dans la prospective:

"And so enrollment in colleges and universities has dropped almost two-thirds since its turn-of-the-century peak. Many institutions of higher education could not survive this harsher environment. The famous universities mostly did manage to cope, but only by changing their character and reverting to an older role. Today a place like Harvard is, as it was in the 19th century, more of a social institution than a scholarly one -- a place for the children of the wealthy to refine their social graces and make friends with others of the same class."

Effectivement, si la société de la connaissance aboutit à une dévalorisation d'une large classe de métiers de "col blancs", je pense qu'il y aura un impact sévère sur les choix de formations dans les familles. On le voit déjà en France sous une forme biaisée au travers du tropisme pour les filières sélectives censée permettre une meilleure perspective professionnelle que les autres filières. Cependant, je ne crois pas comme Krugman à un krach du secteur d'enseignement supérieur. En tous cas pas dans l'immédiat...

Toute choses égales par ailleurs, l'évolution des attentes des publics étudiants par rapport aux formation supérieure sera progressive comme on l'a vu depuis 25 ans. Cela ne veut pas dire qu'elles n'entraineront pas des évolutions importantes: ainsi depuis mon bac (1983) j'ai vu se développer nombre de formations professionalisantes à l'université, y compris en L3 ce qui fait que le premier cycle général n'est mécaniquement plus un passage obligé. J'imagine que la montée en puissance des IUT a été un boulversement analogue entre l'université des années 60 et celle des années 80. Bref sous l'effet de telles mutations, le paysage du supérieur change mais le concept d'une société où une fraction non négligeable de gens font des études supérieures n'est pas forcément remis en cause ou pas de manière brutale (sur une décénie par exemple).

Ce qui risque vraiment de transformer le secteur, c'est la fin de l'énergie pas chère. La vraie mutation du 20ème siècle en France - et dans nombre de pays développés - c'est la disparition de la main d'oeuvre affectée à la production agricole et manufacturière du fait du développement de la mécanisation, conséquence directe de l'utilisation du pétrole. Un exemple cité par J.M. Jancovici illustre ce point:

"La production d'une tonne de viande de boeuf (avec os) engendre l'émission de 3 à 4 tonne équivalent carbone, soit autant que pour 6 à 8 tonnes d'acier ! Il n'est pas exagéré de dire qu'aujourd'hui nous mangeons du pétrole, car il faut une agriculture intensive pour produire toutes les plantes qui nourriront le bétail, et cette agriculture intensive requiert de la mécanisation et des engrais de synthèse, toutes choses qui n'existeraient pas en pareille quantité sans pétrole." 

Dans un monde où l'énergie sera rare et donc chère, il est prévisible que ce mouvement de tertiarisation s'inverse. Cela se fera progressivement si l'adaptation se fait de manière soft ou bien brutalement si on se prend une crise majeure sur la tête faute d'avoir su anticiper les mutations à venir.

Si on se place dans une perspective optimiste, quel avenir pour l'enseignement supérieur dans un monde énergétiquement sobre mais néanmoins en paix ?

heritiers_bpKrugman a raison de rappeler qu'un certain nombre d'établissement retrouveront une fonction principalement sociale, au grand dam de Bourdieu et Passeron... Mais au delà de ça, je crois qu'il y aura encore une place pour des études supérieures pour deux raisons:

  • Mettre en oeuvre les techniques énergétiquement sobre demandera un certain niveau technique et scientifique (au sens large) sachant que par rapport aux siècles passés, certes energétiquement sobres mais assez peu confortables, le but sera de concilier sobriété et confort...
  • La sobriété n'est pas une qualité innée chez l'Homme. C'est même tout l'inverse. Pour paraphraser Edgar Morin, je dirais que l'éducation est probablement le meilleur instrument pour dompter les démons d'homo sapiens demens

Par contre je n'ai pas dit que ces études supérieures auront la même "forme" ni le même contenu que celles que nous pratiquons actuellement. Probablement pas et c'est un débat à part entière...Mais une chose est sure: les universitaires n'ont pas fini d'être tourmentés par la dualité de leurs missions, entre préparation à l'insertion professionnelle et préparation à la complexité du Monde. 

A suivre...

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