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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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28 novembre 2010

QE2: croisière vers le monde d'après (3/3)

Merci à Benoit d'avoir commencer de manière aussi complète ma série de posts. Je vais donc repartir de quelques observations qu'il a mis en commentaires pour développer pleinement ce que je voulais raconter sur QE2:

"Doit-on reprocher aux Chinois de rouspéter alors qu'ils se rendent compte (comme tout le monde) que les USA ne seront jamais capable de payer leur dette (qui dépasse les 10 trillons de dollars...), et donc qu'ils vont pouvoir se torcher le c... avec leurs T bonds ?... Qu'ils ont fait trimer leur population ouvrière dans leurs usines à esclaves pour être payés en monnaie de singe ?..."

Les Chinois sont évidemment libres de rouspéter...

Par contre, ils sont majeurs et vaccinés et donc parfaitement responsables de leur choix d'une course en avant mercantiliste. Et de la même manière que l'on peut reprocher aux américains d'avoir laissé naitre les bulles qui nous ont foutu dans la merde, on peut reprocher aux Chinois un modèle de développement particulièrement instable sur le moyen et le long terme.

De même devons nous être lucides et donc critiques envers nos propres comportements qui ont conduit à construire notre confort sur l'exploitation de 200 millions de Chinois dans des conditions qu'ici nous jugerions comme totalement inacceptables...

"Evidemment les USA voudraient poursuivre leur racket. C'est pourquoi il serait bon je pense que l'europe s'unisse avec les pays du BRIC (Chine, Inde, Russie, Brésil) et que l'on impose cela au plus vite aux USA. C'est dans l'intérêt de tout le monde."

Quid du national-capitalisme chinois dont j'ai déjà parlé ? Que se passera t'il si la Chine, tel un vélo trop chargé qui n'arrive plus à accélerer pour se stabiliser, succombe aux charmes discrets du nationalisme vengeur comme d'autres nations l'ont déjà fait au siècle passé ? Que penser du capitalisme oligarchique russe dont on sait très bien qu'il n'hésitera pas à employer les moyens les plus glauques pour assurer son emprise ?

Je sais bien qu'on va m'accuser de jouer les Cassandres mais quand même, on ne vit pas dans un monde de bisounours. Dans le grand bras de fer des monnaies n'oublions pas que derrière ce sont des systèmes politiques bien différents qui s'affrontent. 

Comme je l'ai développé dans mon précédent post, il se pourrait donc bien que le plan QE2 soit une tentative, certe risquée et un peu de dernière extrémité, non pas de relancer à coup sur l'économie américaine, mais de mettre le nez de la Chine et d'autres dans les déséquilibres qu'ils engendrent. Dans cette optique, l'idée serait de forcer une prise de conscience des dirigeants Chinois qui actuellement bloquent tout par peur de turbulences sociales et politiques intérieures.

Car comme Benoit l'a justement souligné, le système actuel ne s'en sortira pas tout seul. Il faudra à un moment décider de neutraliser les dettes des pays occidentaux et en contrepartie de mettre sur la table une refonte du système monétaire et de la finance internationale afin d'éviter d'une part la consitution de bulles spéculatives ainsi que l'apparition de distortions de compétitivité indites par les taux de change. Les pays émergents demanderont également des évolutions sur un certain nombre de dossiers comme les subventions aux exportations agricoles des pays riches. Bref tout le monde va devoir se mettre à table et faire des concessions faute de quoi, la perspective est claire: une bonne grosse guerre mondiale quelque part avant la fin du siècle.

Dans cette optique, le plan QE2 a principalement un objectif politique: précipiter la prise de conscience qu'il est impératif de faire évoluer les choses et contraindre les dirigeants des grands ensembles avancés (USA et UE27) et des grandes puissances émergentes (Chine essentiellement mais aussi Russie, Inde et Amérique Latine) qu'il fautdébloquer la situation. Je crois que l'administration Obama est consciente que le calendrier est serré. Je ne serai pas surpris si dans les bureaux de Washington on n'avait pas fait les constatations suivantes:

  • Chaque année qui passe nous rapproche de la crise pétrolière: il serait bon de commencer à travailler ensemble avant que la production ne commence vraiment à décliner (d'après l'AEI, nous sommes entré dans le plateau qui précède la chute).
  • Chaque année qui passe voit la puissance militaire chinoise se renforcer: il serait bon de commencer à faire bouger la Chine avant qu'elle ne se sente trop en confiance militairement.
  • Chaque année de crise frappant le camp occidental renforce la conviction d'un certain nombre de dirigeants d'états non démocratiques que la démocratie fait la preuve de son inefficacité. Il serait donc bon qu'ils comprennent que nous sommes tous dans le même bateau.

Cette grille de lecture explique aussi un certain nombre de coincidences troublantes: d'une part les gesticulations en Corée du Nord qui clairement ne seraient pas possible sans un consentement implicite de la Chine... Une manière de mettre les USA devant les limites de leur influence au voisinage immédiat de l'Empire du Milieu. D'autre part, la résurgence de la crise de la dette européenne: un évènement qui fort opportunément diminue le contraste d'attractivité entre Euro et $ et contribue donc à neutraliser, pour un temps, la hausse du $ US qui pourrait résulter de QE2.

Bref, n'y aurait t'il pas derrière QE2 comme un air de "Si tu veux la paix, prépare la guerre."? Dans les années 40, nous avons eu le déshonneur puis la guerre. Prenons garde à ne pas récupérer la même potion en ce 21ème siècle...

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Commentaires
P
Oui ca fitte bien avec la stratégie que je décrit: le but est que QE2 fasse baisser le $ mais pas trop non plus, juste assez pour faire du bien aux exportations US et faire chier les Chinois en dévalorisant les réserves et en créant des bulles mais sans ruiner le crédit des USA. Le timing est important: il faut que le plan produise un effet positif avant que le $ US ne souffre trop.
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B
Sinon sur le détournement de l'attention de sur la crise de la dette publique des Etats européens, l'autre raison est que cela permet aussi de dissimuler au moins un temps la situation au moins aussi catastrophique (sinon plus) des Etats américains...
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P
Ah ça je suis entièrement d'accord. Nous aurions tout intérêt à nous coordonner entre nous et avec les américains (meme si on n'est pas d'accord avec eux) pour essayer de stabiliser un monde plus "durable" et démocratique...
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B
Merci pour ce point de vue effectivement intéressant et pertinent...<br /> <br /> Et de nous faire un peu plus regretter l'absence de véritable coordination des politiques Européennes...:-(
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