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After a year in Boston, entering an happy Apocalypse
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18 décembre 2011

Oh my god!

Quelqu'un m'a dit un jour que mon blog était comme un cabinet de curiosités, ce qui suppose une certaine diversité dans les thèmes abordés. Mais du coup, l'actualité montrant que nous nous enfonçons lentement et surement dans une série de crises tout à fait inédites, mon blog tourne plutot au boudoir de Cassandre au risque de devenir anxiogène et d'entretenir la spirale déflationiste dans laquelle nous sommes en train de plonger.

Il est donc temps de "sortir du cercle" et de renouer avec la tradition originelle de ce blog, à savoir les diverses curiosités que le vaste Monde nous offre.Et, tels les passagers de première classe du Titanic en route vers leur funeste destination, je vous donc invite à oublier les tourments du Monde et à renouer avec le début du siècle passé, temps glorieux de la première mondialisation ou les cabinets de curiosité laissèrent la place aux musées et aux expositions qui firent découvrir les merveilles du Monde à tant de visiteurs.

Jeudi midi, lors du café, j'ai ainsi ouvert de nouveaux horizons à mes collègues du labo en leur racontant une étrange et insolite histoire de la médecine qui investit durant des siècles des efforts considérables dans le diagnostic et le traitement de ce qu'elle considéra lentement comme un problème de santé publique, un désordre majeur touchant plus d'une personne sur huit, avant de le retirer des manuels de pathologie médicale. On imagine mal aujourd'hui combien ce problème préoccupa le corps médical il y a 100 à 150 ans mais diverses statistiques comme le nombre de thèses de psychiatrie consacrées en France au problème témoignent de l'intensité du combat:

Hysteria_chart

En 1859, on estima qu'un quart des femmes souffraient de cette mystérieuse pathologie et des listes de symptômes de plus de 70 pages furent rédigées. Mais de quoi s'agit t'il ?

Ben de l'hystérie: un mal mystérieux touchant les femmes et qui se traduit pas une multitude de symptomes comme des évanouissements, une nervosité générale, des insomnies, des contractures abdominales, des spasmes musculaires, des oppressements respiratoires et surtout, une tendance irrepressible à foutre le boxon... Comme aurait pu dire ma mère, professeur titulaire de la chaire de psychiatrie à la faculté de médecine de Tours, l'hystérique c'est le talent d'emmerdeuse élevé au rang des Beaux Arts... (bon d'accord, elle ne l'a jamais dit mais je suis sur qu'elle l'a pensé)...

On incrimina bien sur les aléas de la vie moderne ce qui est fort possible car c'est au moment de l'essort de la révolution industrielle et de la bourgeoisie urbaine qui l'accompagna que l'hystérie devint un problème de santé publique majeur de l'Angleterre victorienne et de la nouvelle puissance industrielle qu'étaient les Etats-Unis d'Amérique.

Cependant, dès le 2ème siècle de notre ére, Aelius Galenus, aussi appelé Galen de Pergamon, un des grands médecins de l'antiquité connu et pour sa théorie de la physiologie du système circulatoire, trouva par son seul bon sens la cause de cette mystérieuse pathologie mais ne put mettre au point, pour des raisons évidentes, l'instrument qui transforma la vie des "patientes" qui durent attendre plus de 18 siècles de pouvoir se délivrer de leurs impatiences par le progrès technologique...

Au fil des siècles, de nombreux remèdes furent essayés... Au moyen age, des arrangements familiaux ou impliquants divers serviteurs étaient couramment utilisés pour résoudre le problème. Je subodore que la très sainte Inquisition et quelques ecclésiastiques zélés explorèrent des méthodes plus radicales mais quelque peu contradictoires avec la première strophe du macime Hipprocratique "Primo non nocere" ou dans sa version originale "ἀσκέειν, περὶ τὰ νουσήματα, δύο, ὠφελέειν, ἢ μὴ βλάπτειν"... Notons cepdnant que la recherche de causes paranormales aux troubles hystériques continua bien longtemps après la fin de l'Inquisition... On eut également recours à l'hypnose, au repos allongé et sans doute aux fameuses saignées si présentes chez Molière...

Bride_on_a_fainting_couchMais c'est au 19ème siècle, auquel Huebner attribue le pic d'innovation de notre civilisation industrielle, que nous devons une véritable floraison d'innovations thérapeutiques. On l'ignore mais la chaise longue que nous associons au farniente estival et au spectable innocent des familles profitant des bienfaits des bains de mer est avant tout un ustensile médical visant au confort de la patiente pendant l'administration du traitement. De même, la méridienne que j'associais aux bizzareries du style napoléonien, mais que les anglo-saxons appellent plus pragmatiquement le "fainting couch", connut son apogée au 19ème siècle pour raisons médicales...

En France, l'école de la Saplétrière très fameuse chez les neurologues, est, avec celle de Nancy, l'une des deux grandes écoles ayant misé sur l'hypnose pour le traitement de l'hystérie. C'est le grande neurologue Jean Martin Charcot qui à réhabilita l'hypnose comme sujet scienfique en l'utilisant comme méthode d'investigation: il mettait ses patientes hystériques dans un "état expérimental" pour reproduire et interpréter leurs symptômes. 

Mais ces innovations ne résolvaient pas une des principales difficultés du traitement: la technique communément utilisée nécessitait un tour de main et le praticien devait parfois y passer plusieurs heures avant que la patiente atteigne le "paroxysme hystérique", au risque d'y choper une bonne tendinite. Le seul traitement connu de la tendinite étant le repos et le sac de glace, le praticien risquait donc d'y perdre une bonne partie de ses revenus.

Avec les possibilités techniques introduites par cette singularité technologique que nous appelons la révolution industrielle, il devint possible de mécaniser l'acte et d'épargner les tendons des praticiens. Après une première tentative basée sur l'emploi de la force motrice de la vapeur, c'est la fée électricité qui permit l'invention du vibromasseur sous une forme compacte et donc facilement utilisable en toutes circonstances et sans avoir à se rendre dans une officine dédiée... L'impact fut immédiat et s'il fit la fortune de son inventeur, l'objet mit fin à une confortable source de revenus pour la profession médicale.

En clair, comme nous le disons maintenant: this is a revolution...

Le vibromasseur fut le 5ème appareil ménager électrique jamais inventé, après la machine à coudre, le ventilateur, la theière et le grille pain... avant même l'apirateur et les machines à laver! And the world just changed...

Et c'est l'histoire de cette invention que nous raconte un petit film sans prétention qui vient de sortir au cinéma et que je vais sans doute aller voir: Oh my god!

 

Pour en savoir plus: Rachel P. Maines (1999). The Technology of Orgasm: "Hysteria", the Vibrator, and Women's Sexual Satisfaction. Baltimore: The Johns Hopkins University Press. ISBN 0-8018-6646-4.

Et bien sur Wikipédia avec les articles sur le vibromasseur et l'hystérie.

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Commentaires
P
Le commandant connu pour sa célèbre petite annonce: ""Cherche homme jeune, décidé, prêt à tout pour voyage d'exploration. Froid intense, bas salaire, retour incertain, gloire et honneur si réussite"
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S
Le charcot dont tu parles est le père du commandant Charcot, celui du "pourquoi pas?". On ne dira jamais assez les dangers de la psychiatrie...<br /> Par ailleurs, l'hystérie n'est pas sortie des manuels de médecine, elle a juste changé de nom: dans le DSM, on la retrouve sous le nom de "personnalité histrionique", qui d'ailleurs, peut atteindre aussi les hommes. La description de cette pathologie dans une société essentiellement machiste est à prendre avec précaution: pas d'histoire sortie de son contexte...
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C
Voilà qui est frais et agréable.<br /> Qu'il est bon de voir que tu ne cèdes pas qu'aux sirènes du pessimisme économico-politique et te souviens que l'humain doit rester (à défaut d'y être encore) au centre du système :)
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